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Encore deux semaines

Encore deux semaines

Publicado el 10, jun, 2021 Actualizado 26, oct, 2021 Bienestar
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Encore deux semaines

Le 26 Juin. C'est la date officielle de mon déménagement et je n'ai toujours pas réalisé. Ah! C'est presque trop facile...

Précédemment dans "Journal d'un déménagement"

L'annonce

Les grandes décisions, les grands tournants dans ma vie ne furent figés dans la pierre qu'au moment où je les annonçais à ma mère.

Chaque grande rupture amoureuse ne devenait une réalité qu'au moment où je le disais à ma maman.

Chaque grand projet ne devenait tangible qu'au moment où je le disais à ma maman.

Chacun de ces moments s'est fait de la même manière: un beau matin, je me lève, je vais dans le salon avant de m'affaler sur une chaise ou sur le canapé pour commencer par quelque chose comme "faut que je te dise un truc" avec la gorge plus ou moins nouée.

Cette fois-ci, ce fut le soir car je souhaitais que mon beau-père et elle soient réunies. Après tout, c'est sous leur toit à tous les deux que je vis. Durant leur dîner (ne mangeant pas le soir moi-même), je suis parti m'affaler sur le canapé.

Les deux savaient ce qui arrivait, ce n'était pas tant une surprise qu'une bombe à retardement.

"Je déménage dans 1 mois".

Voilà. C'est dit. Je pars. Je déménage. Je m'envole.

Silence.

La nouvelle semble être bien prise, ce n'est pas comme si elle murissait déjà depuis trois ans, hein?

Ensuite, les deux me posent des questions sur le logement, comment ça s'organise, tout ça.

C'était plus simple que je le pensais. Ma maman est une personne à la larme facile mais celle-ci ne semble pas vouloir se profiler; peut-être que c'était vrai quand elle disait s'être habituée à me voir partir, après tous mes longs voyages. Je l'ai annoncé l'avant-veille à mon père, lui semble l'avoir pris sans broncher. Je le comprends, cela fait des années que nous ne vivons plus ensemble donc la séparation est déjà vieille! Au lieu d'aller le visiter deux fois par mois, ce sera une fois. Il était très content pour moi, j'espère que la nouvelle ne fut pas trop dure quand même...

Personnellement, je n'ai pas la gorge nouée. Ce n'est pas une rupture, cette fois. Ce n'est pas une peur qui me tort les boyaux. C'est moi qui suis le chemin que j'ai choisi et je suis heureux de cela. Je franchis une à une les étapes que j'ai imaginé.

Retour dans le salon...

Silence

"Un matin, tu vas partir et tu ne rentreras pas le soir".

Ouch.

Ouch.

Ouch, mom.

C'était donc cela, le silence. Toi qui te retiens de pleurer.

À cet instant, j'ai compris aussi quel était le poids de la parentalité. Je l'ai compris d'autant plus lorsque je moulais le café pour le lendemain et qu'elle est venue dans la cuisine me faire un câlin en me disant:

"Je suis heureuse pour toi mais je suis triste".

Quelle étrange sensation que d'être une mère, un père, un parent. Bien évidemment que je "saurai quand j'aurai des enfants" (tu la connais cette phrase, non?). Mais diantre, j'ai eu mal par empathie...

Pourtant, je ne m'en rends toujours pas compte alors que cette fois-ci, c'est officiel, non?

Mes bibliothèques

Il faut savoir que ma chambre sent le papier. Parmi toutes les choses à penser pour un déménagement, moi ce qui m'angoisse le plus c'est comment je vais gérer tous mes bouquins. Logiquement, je me suis dit que ce serait en voyant mon royaume de papier perdre ses pages que je m'effondrerai moi aussi.

Ce weekend-là, je me suis donc attaqué à ses fondations à coup de cartons.

Ne pas réfléchir. Prendre, déposer, refermer.

Je remplis, je remplis et je n'ai pas l'impression de voir mes bibliothèques se vider et pourtant mes cartons eux, s'entassent déjà.

Je remplis, je remplis et je me demande comment ces 10m² d'espace vont tenir dans 40m².

Une quinzaine de cartons plus tard, j'ai l'impression que ma chambre est toujours la même.

Ce n'est qu'en m'installant à nouveau à mon bureau, lorsque le coin de mon oeil capte l'étrangeté de cette perspective, que je me rends compte du vide qui vient de s'installer.

J'ai mal au coeur. Je ne suis pas triste, non, je ressens de la peine pour mon univers sous couvertures. Étrange, non? J'ai l'impression d'avoir trahi des décennies d'histoire en les enfermant dans le noir sans savoir quand elles pourront revoir la lumière.

Call me a drama but that's what I felt.

Alors, ça vient?

Déménager pour la première fois (pour de bon anyway), c'est aussi prendre ses responsabilités administratives. Cela fait longtemps que je m'occupe de mes petits papiers, hein, mais je n'ai pas grand-chose de plus à penser à part payer mes impôts.

Avoir un appartement, c'est différent. Je me lance donc dans la recherche d'une assurance habitation, la comparaison des fournisseurs d'électricité, des forfaits internet...

Et ma foi... Je suis impressionné par moi-même!

Si j'avais déménagé quelques années plus tôt, je me serais perdu dans un tourbillon de doutes, de questionnements interminables et stériles et je n'en aurais pas dormi de la nuit. Je me rends alors compte qu'en dépit de ma léthargie apparente, j'ai bien muri depuis la fin de mes études. Faut dire qu'entre temps, je me suis fait trois piercings, deux tatouages, dont un durant un roadtrip solo en Islande.

Ce n'est plus l'ère du doute, c'est l'ère de l'assurance.

Haha. Tu l'as vu, le jeu de mots?

J'ai moins fait le malin quand de nouveau installé à mon bureau le matin, j'ouvre machinalement mon tiroir pour rattraper mon carnet d'écrivain.

Il n'y était pas.

J'ai déjà vidé mes tiroirs.

Il n'était pourtant pas bien loin.

Mais il n'était pas dans ce fichu tiroir.

Ouch.

Pourtant, je n'ai toujours pas pris conscience du changement.

Peut-être que ce sera quand j'aurai pleinement enfermé ma chambre dans le noir?

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