11. Clan Destin - Bras de fer
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11. Clan Destin - Bras de fer
Élias avait donc travaillé dans le champ jusqu’à ce que, épuisé, il y sombre endormi. Il se réveilla juste avant l’aube et reprit sa besogne, acharné. Ce fut le nez sur les légumes que Lisu l’entreprit :
— Effectuer la tâche des autres n’aide pas les autres ! le sermonna-t-elle très doucement. Et t’assommer de boulot ne t’aide pas toi-même.
— Cela permet de ne pas penser et…
— Et de ne pas devoir affronter ce qu’il faut affronter ?
— Ils ont piqué Manon, lâcha Élias, en même temps que son panier.
À son tour, il se laissa tomber par terre, au bord des larmes. Lisu s’assit à côté de lui. Elle l’écouta, posa quelques questions. Au bout d’une bonne discussion, le moral était un peu meilleur.
— Tu devrais t’installer comme psychologue, lui proposa Élias en souriant, tu ferais fortune !
— Comme quoi ? Je ne connais pas ce mot !
— Ce n’est rien !
— Viens manger avec le clan, tu accepteras plus facilement ce qui t’arrive.
— Non, je n’ai plus faim.
— Va chez Bégawan alors, c’est là qu’est ton vrai travail.
— Elle m’a roulé ! s’écria-t-il.
— Pas vraiment ; une fois grands, les enfants quittent le foyer ; c’était pareil dans ton ancienne vie !
— J’irai pas tant que je ne verrai pas Manon. Je ne jouerai plus dans leur jeu.
Lisu pencha délicatement la tête en opinant d’un air compatissant avant de se retirer. Élias la suivit des yeux. Elle passa devant la hutte de Bégawan, lança un regard à l’ancêtre, puis continua jusqu’au village. Elle croisa Salween peu après. Elle s’arrêta pour parler avec lui. La conversation était animée ; Élias n’aurait pas été surpris qu’elle intercédât en sa faveur. Salween aperçut Élias qui l’observait, bras ballants, piteux, sur le bord du potager. Il prit Lisu par l’épaule et l’entraîna plus loin.
Bégawan se planta devant Élias alors qu’il était encore à la même place, fixant le point où Salween et Lisu avaient disparu.
— Explique-moi ce que ça change entre nous que Salween soit mon fils ?
— Rien, je le sais bien ! Mais pourquoi l’avoir tu ?
— On n’est l’enfant de ses parents que le temps de la dépendance. Une fois grande, la génération suivante ne nous appartient plus ; nos enfants vivent leur vie.
— Pourquoi nous laissez-vous dans un tel brouillard ?
Bégawan plongea ses yeux dans les siens, hocha la tête doucement :
— D'accord. Viens. Je vais essayer de répondre à tes questions.
Elle l’entraîna dans sa hutte, prépara une galette et un bol de cacao. Il n’y toucha pas.
— Bois, tu aimes ça ! lui proposa-t-elle. Tout d’abord, tu dois comprendre qu’«être mère » signifie chez nous « mettre au monde ». Je suis la mère de plus de la moitié du village mais, dans le cas de Salween, c’est vrai, je suis aussi sa maman. C’est mon fils. Je l’ai porté et je l’ai mis au monde. Tu as une autre question ?
— Où est Manon ?
— Tu n’as rien à craindre pour elle, elle va très bien.
— Je ne serai rassuré que quand je la reverrai ! Quel est votre plan vis-à-vis de nous ?
— Nous sommes plusieurs à avoir des responsabilités à votre égard. Il y a Narbada et Chebbi pour Félix, Lhassa pour Manon, Tode pour Zoé et moi pour toi, ma mission est de t’apprendre les herbes et leurs utilisations.
— Tode, mais ce n’est qu’une petite fille ! Qui vous a envoyés en mission ?
— Parfois, un enfant est plus habile qu’un adulte. Chacun de nous doit simplement développer ce que vous avez en vous mais qui y dort encore.
Bégawan répondait avec parcimonie, se faufilait dans les méandres de la question pour éluder la réponse. Élias perçut la venue de Salween, et il soupira en scrutant Bégawan, complètement découragé. Salween entra, dévisagea sa mère, vaguement inquiet :
— Que lui as-tu dit ?
— Rien de bien important, il ne faut pas le laisser sans comprendre. Tu vas droit à la catastrophe ! Elle te l’a bien dit !
Salween jeta un coup d’œil sur la galette et il fixa sévèrement Élias. Il soutint son regard tout aussi froid et défiant. Salween reprit son dialogue muet avec Bégawan :
— Il a mangé ?
— Non
— Ça fait combien de jours ?
— Quatre ou cinq si pas six, répondit-elle.
— Bon, je te laisse jusqu’à la fin du travail collectif pour arriver à le faire manger. Sinon, je m’en mêle !
Élias se leva et sortit directement de la hutte.
— Où vas-tu ? lui demanda Salween.
— J’vais me laver, caporal Bouffon !
— Tu as du travail ici !
— Laisse-le se doucher ! lui conseilla Bégawan. Il est sale comme une blatte !
— Il enfreint perpétuellement les règles, il doit apprendre à faire comme tout le monde !
— Tu parles sérieusement ?
Sale n’était pas un vain mot. Depuis son exercice d’orientation et même depuis la maladie de Manon, Élias n’avait pas approché la cascade. L’eau était douce, l’endroit paisible. Sur le dos, les yeux fermés, jambes et bras écartés, Élias flottait au rythme du clapotis. Cela le calma. Il somnola longtemps.
Salween arriva. Élias le perçut sur la droite. Il détermina son humeur.
— À lui tout seul, il émet autant de courant qu’une centrale électrique ! se dit-il. Il doit avoir les nerfs à vif, si je touche le sol, je serai mort, électrocuté.
Élias rit silencieusement de l’image évoquée.
— Ne plus penser maintenant...
— Impossible de ne pas penser, murmura Salween posément. Et je suis tendu, c’est vrai. Je suis heureux que tu décèles ça aussi.
Élias resta les yeux fermés, à dériver dans le bassin. Sa tête n’était pas loin de toucher les genoux de Salween.
— Heureux ? émit Élias extrêmement sceptique. Le coup de ma mort te rend heureux, cela ne m’étonne pas. Mais ce n’est qu’une image, bouffon, tes humeurs ne me tueront pas...
Salween soupira.
— Je ne veux pas ta mort Élias, tu le sais bien, lui répondit-il.
Élias se redressa d’un bond. Il fit face à Salween, qui n’avait pas bougé d’un pouce :
— Ben oui, c’est sûr que si je meurs, tu perdras ton jouet !
Salween restait étrangement calme ; il le dévisageait gravement. L’image des bracelets s’imprima sur son front, puis l’image de Manon inanimée sur une paillasse supplanta celle des bracelets.
— Où est Manon ? murmura Élias dont le ventre se noua à la vue de son corps inerte.
— Élias, on va s’asseoir et je t’expliquerai tout ça, d’accord ?
— Je m’en fous de «tout ça » ! lui rétorqua l’ Délivre d’abord Manon.
— Manon n’est pas prisonnière !
— À d’autres ! On est tous prisonniers ! Je n’ai pas voulu être ici, devoir supporter tes leçons, tes colères, tes salades.
— Je ne t’ai jamais menti !
— Dis-moi alors pourquoi tu m’as isolé de mes trois copains. Et ne me sors pas cette histoire de danger, je n’y crois pas : tu aurais éloigné Borhut de nous quatre plutôt que de nous disperser. Il peut courir de l’un à l’autre en toute impunité.
Salween était cloué, totalement dans l’impasse ; il ne pouvait réfuter cette thèse trop évidente. Élias l’observait sans aucune compassion se dépatouiller dans ses mensonges.
— Pour peu, continua Élias, Borhut est de mèche avec toi ; il pose des scorpions, sème la terreur pour que tu puisses jouer les grands protecteurs !
— ÇA JAMAIS! hurla Salween, en une fois.
Élias fut surpris par cet excès de voix. Salween était hors de lui ; sur son front s’imprimait l’image d’un jeune homme, sans doute lui-même, les pieds et mains attachés à une paroi rocheuse, la mer montant inexorablement. Élias se tut. Il fut gêné d’avoir capté cette scène. Salween pointa Élias du doigt.
— Ne reviens plus avec ça. Même si tu me prends pour ton «cerbère perso », je n’ai jamais été dans la méchanceté ou la cruauté. Si tu t’en laissais l’occasion, tu pourrais t’en apercevoir. C’est vrai, on t’isole du groupe, mais c’est pour ton bien.
— Qu’est-ce que tu sais de «mon bien » ? rétorqua Élias.
— Je suis là pour te former à être un bon...
Il s’interrompit en pleine phrase, comme s’il en avait trop dit.
— Un bon quoi ? Tu comptes me transformer en quoi ? releva Élias. Pourquoi t’esquintes-tu à faire de moi un bon... «trois petits points » ? Je ne jouerai pas dans ton jeu, je resterai ce que je suis.
— Tu ne pourras pas, laisse-moi te guider.
— Toi, un guide ? lui lança-t-il sarcastique. C’est ça, le plat suivant ? C’est le dessert ou c’est juste la cerise sur le gâteau ?
Salween n’eut pas le temps de réagir qu’Élias retournait déjà vers le village. Il chercha un endroit où se dissimuler pour que Salween ne l’interpellât plus. Il opta pour l’eucalyptus qui trônait sur la place et il grimpa dans l’arbre.
— Qu’est-ce que tu fais, Élias ? lui demanda une petite voix en dessous de lui.
C’étaient Kahad et Safran. Les deux enfants l’observaient, étonnés. Élias répondit en prenant un ton espiègle :
— Chut ! Je fais une blague à Salween. Ne lui dites pas que je suis caché là !
— On peut jouer avec toi ?
— Pas aujourd’hui, mais, juré, j’y jouerai avec vous si vous ne me trahissez pas !
— Tu peux compter sur nous, lui promirent-ils avec un sourire banane, en s’éloignant rapidement.
Salween passa deux fois en dessous de l’arbre. Il le chercha partout. Cela amusa Élias autant que les gamins, qui pouffaient à chaque passage. Élias craignait qu’ils le dénonçassent malgré eux, mais ceux-ci se lassèrent assez vite et voguèrent vers d’autres horizons. Épuisé, Élias s’endormit profondément entre deux grosses branches.
Quand il se réveilla, la nuit était déjà bien avancée, le village dormait paisiblement. Il était toujours perché. Il quitta tout doucement l’eucalyptus et il marcha quelques pas sur la route. Un homme le rattrapa par-derrière.
— Stop, gamin. Fini de jouer ! somma-t-il en plantant un doigt au sommet de sa nuque.
Élias perdit connaissance.
L’homme entra dans la hutte de Bégawan en le portant comme s’il revenait de chasse avec son gibier.
— Il était dans l’ arbre. C’est la première fois qu’il se «fond » comme ça ? demanda-t-il tout en le déposant dans le hamac.
— Oui
— C’est un cap, un petit, mais un cap quand même ! Maintenant, c’est à toi de jouer, Salween, tu n’as plus droit à l’ Sinon, on va le perdre.
— Ça fait deux jours que j’essaye de lui parler, se lamenta Salween, mais il se braque au quart de tour !
— C’est toi qui le cabres ! Il est en colère : attends qu’il ait accepté d’être seul au village, répondit un troisième intervenant dont le timbre était assez doux. Elle a bien dit qu’il fallait lui laisser de la liberté et qu’on ne pouvait pas le laisser sans savoir où il allait.
Élias n’était plus inconscient mais il gardait les yeux fermés, espérant capter plus que les explications qu’on lui donnait au compte-gouttes. L’un d’eux avait posé sa main délicatement sur son front. Il lui fut impossible d’identifier les personnes présentes, elles avaient trop de points communs, le premier étant de communiquer silencieusement.
— Ça n’avance pas assez vite. Il faut mettre les bouchées doubles. On aura bientôt des ennuis, s’il continue à lambiner comme ça !
— Son caractère ne rend pas la chose facile. Élias est loin d’être malléable !
— On le savait ! reprit Salween. Mais de là à le vivre... Il m’en fait voir de toutes les couleurs !
— C’est parce que tu as tout faux, c’est elle qui l’a dit, railla l’un d’eux. Pas la force, juste la parole !
— Je te signale qu’on était tous d’accord pour que je l’emmène dans la forêt.
— Certes, cependant, elle a bien dit que tu devais réussir à lui parler avant que tu ne reviennes devant elle. Et elle n'a pas du tout apprécié la manière dont tu l'as emmener dans la forêt.
Elle ? se demanda Élias. Ce n'est pas la prmière fois qu'ils parlent d'"elle", pourtant le Katga avait une voix d'homme, j'en suis sûr...
— J’ai tenté la pêche plusieurs fois ; il refuse systématiquement de se trouver seul avec moi. Et Manon ?
— Elle, par contre, elle est docile. Elle est assez manipulable, nous arriverons facilement à nos fins. Je m’y donne à cœur joie !
— Il revient à lui.
— On s’en va.
Quand Élias entendit ce qu’on disait sur Manon, son ventre se noua et trahit son état. Il ouvrit les yeux ; il n’y avait que Salween et Bégawan dans la pièce.
— Alors, susurra Salween, tu reviens de loin. Tu dois manger maintenant, il ne faut pas te laisser aller !
— Où est Manon ?
— Élias, je t’ai déjà expliqué que Manon était en sûreté et qu’on ne lui faisait aucun mal. N’est-ce pas là le principal ?
— Où est Manon ? répéta-t-il.
— Et si je te donne ma parole qu’elle va bien, ça ne suffit pas ?
— Ta parole ? lui lança Élias sceptique, en as-tu seulement une ?
Salween reçut la dernière remarque comme un coup de poing dans le ventre. Il se tut un long moment.
— Et vlan ! réagit une des personnes qui étaient présentes tout à l’heure et qui devaient se trouver juste derrière la porte.
Savoir que les deux autres assistaient à l’entretien « en duplex » énerva profondément Élias. Il entama un bras de fer entre eux et lui :
— Je ne mangerai pas tant que je n’aurai pas parlé à Manon, déclara-t-il en déposant son bol.
— Voilà autre chose ! s’exclama-t-on de l’extérieur.
— Tu fais du chantage ?
— Ça te connaît, non ?
— Manon dort. Tu ne voudrais quand même pas la réveiller ? tenta Bégawan.
— J’ai tout mon temps, s’obstina-t-il.
— Il est buté comme une mule !
— Ce n’est qu’un échantillon, ajouta Salween. Il ne va rien avaler tant qu’il ne l’aura pas vue, je vous le promets !
— C’est plutôt une qualité d’être têtu, répondit Bégawan, et sa fidélité me plaît aussi !
— D’accord, mais qu’est-ce qu’on fait ?
— On va chercher Manon ! décida une des personnes, en off.
Élias émit un minisourire vainqueur.
— Il a souri ! surprit Salween, sidéré.
Élias se morfondit d’avoir pris cette tête d’ahuri heureux. Salween et Bégawan le dévisageaient avec stupéfaction. Il resta les yeux rivés sur ses mains, cherchant la bagatelle à proférer pour brouiller les pistes.
— Alors Salween ? On se fait de nouveau tirer les oreilles par sa môooman ?
— De quoi je me mêle ! répliqua Salween en observant Élias.
Il ajouta à l’intention des autres :
— J’ai cru qu’il sautait un cap !
— T’es sûr qu’il n’en a pas passé un ? insista-t-on en off.
— Je ne pense pas, répondit Bégawan en le fixant. Il n’en a pas l’air.
— Viens, Salween, on a un petit travail à faire avant qu’elle ne le voie.
— Si tu vois Manon, tu mangeras ? lui demanda Salween.
— Je te promets que je ferai tout ce que tu veux si je peux lui parler : j’avalerai même toutes tes salades jusqu’à la cerise sur le gâteau !
— Tu lui as fait un gâteau ? s’étonna-t-on à l’extérieur.
— Mais non, c’est sa façon de s’exprimer ! réfuta Bégawan.
— Je ne m’y ferai jamais !
Élias était assez médusé. S’il venait de gagner une manche contre ce groupe de chauves-souris, il ne comprenait pas très bien « le petit travail à faire avant qu’elle ne le voie ». Cela l’inquiéta davantage.
— Coucou Élias ! dit Manon en entrant.
— Manon ! comment vas-tu ?
— Très bien. On m’a dit que tu t’inquiétais pour moi ?
— Ben oui : on n’avait pas fini notre petite conversation !
— C’étaient des bêtises, répliqua un peu trop vite Manon. Oublie tout ça !
La précipitation avec laquelle Manon avait prononcé ces derniers mots mit la puce à l’oreille d’Élias, le « petit travail » était tout simplement un lavage de cerveau sur les sujets qu’ils pouvaient aborder. Manon était étroitement surveillée, peut-être même menacée. Ainsi, tandis qu’elle décrivait sa vie dans la forêt, Élias cherchait une stratégie pour arriver à connaître la vérité.
— Tu te souviens quand on était en maternelle, dit-il, on déterminait l’humeur de la maîtresse à la manière dont elle attachait ses cheveux.
— Oui, affirma Manon.
— Tu te rappelles des coiffures ?
— Très bien, s’exclama Manon ; si elle les...
— Pupupup, ne dis rien, mais montre-moi avec tes cheveux comment tu te sens...
Salween était devenu pâle en entendant les propos.
— Oh la belette ! Quel furet ! s’exclama en off l’un des participants qui semblait perdre les pédales dans l’énumération des animaux. Quand Elle te disait qu’il était sur la défensive, Elle ne t’avait pas menti. Il ne te reste qu’à l’apprivoiser.
— Oui, encore faut-il qu’il m’en laisse l’occasion ; il file aussi vite qu’une truite !
— Laisse-le venir au lieu de le traquer ! C’est pas à toi que je vais apprendre à pêcher, tu te vantes d’être le plus rapide ! répliqua-t-on, goguenard.
— Ça va ! s’énerva Salween; vous pouvez aussi le prendre en charge !
— Non merci ! je préfère la musaraigne, elle est plus besogneuse !
Manon se bidonnait en tressant ses cheveux.
— T’es vachement méfiant ! mais j’avoue que la tête de Salween vaut bien une tresse ! dit-elle à Élias.
— Parle pas comme ça, répliqua directement Élias, je crains qu’ils nous entendent.
Salween n’avait pas l’air de réagir outre mesure ; il était toujours occupé à se quereller avec les compagnons en duplex tandis que Bégawan observait les ados avec attention.
— Alors, cette coiffure ? émit-on dehors.
— Une tresse, c’est assez joli, mais ça paraît sévère, non ?
— Elle sait faire ça ? J’ai toujours rêvé de savoir faire des tresses ! Je lui demanderai de m’ Et Élias? Quelle tête fait-il ?
— Ça te va ? demanda Salween à Élias. Tu es rassuré ?
— C’est parfait !
— On va y aller ; tu es d’accord ou bien tu as autre chose à lui faire faire ?
— T’as eu peur, hein ? se moqua Élias. Il suffisait de voir ta tête de poisson frit pour voir que t’étais pas très fier !
— Je n’ai pas eu peur, je savais que Manon allait très bien et je n’ai pas arrêté de te le dire !
— Donc puisque tu n’as pas peur ; on pourra se revoir ?
— Aucun problème ! bredouilla Salween, pas trop rassuré.
— Quand ?
— Je ne peux pas te dire quand ! Ne fais pas la grève de la faim pour ça, lui lança-t-il. Il faut que vous soyez tous les deux libérés de vos tâches, et vous aurez un emploi du temps un peu particulier !
— On peut s’écrire alors ! insista Élias.
Salween passa par toutes les couleurs. Manon s’amusait autant qu’Élias à le voir se dépatouiller dans ses histoires.
— Il faudrait du papier et un crayon, nous n’en avons pas !
— J’en ai !
— Je croyais que tu avais perdu ton carnet ?
— Je l’ai retrouvé !
— Il était où ?
— Je peux ne prendre qu’une feuille, répondit Élias en éludant la question à la manière de Salween. On n’a pas besoin d’écrire énormément : juste un mot par jour, griffonné en petit ; ça fait déjà des centaines de mots. On se reverra avant des centaines de jours, je suppose !
— Misère, Élias ! Tu es vraiment un discutailleur, soupira Salween. Où était ce carnet ?
— De quoi t’as peur ? incisa Élias, légèrement narquois.
— Je n’ai peur de rien, buta Salween, toujours aussi susceptible ; mais je ne vois pas qui pourrait faire le messager.
— Moi ! annonça Bégawan. Je déposerai le papier dans l’écorce du grand chêne à l’orée du bois et, côté forêt, on viendra le chercher et replacer le suivant au même endroit. Ça marche ?
— Tu te rends compte de ce que tu proposes ? s’affola-t-on à l’extérieur.
— Élias tient les rênes autant que vous ! Souvenez-vous de ce qu’elle a dit : « Si vous ne jouez pas la confiance, il n’y a aucune raison qu’il vous octroie la sienne »
— D’accord, lâcha enfin Salween, je m’incline !
— C’est qui, ce «on » côté forêt qui va jouer au facteur ? reprit Élias légèrement obstiné.
— Manon vit dans une famille, assura Bégawan en laissant s’imprimer sur son front l’image de la famille de Lhassa et Varanasi. Ne t’inquiète donc pas !