J'ai failli travailler dans le porno.
J'ai failli travailler dans le porno.
Je vais vous décrire un lieu particulier que j'ai fréquenté, le temps d'une interview insolite, alors que je cherchais un travail à plein temps, il y a plus de 30 ans.
1991. Voilà un an et demi que je travaille chez un courtier en assurances. Je fais de la gestion de portefeuille, de l'accueil clients et de la petite comptabilité. Un jour, mon patron me convoque :
"Philippe, tu me coûtes trop cher."
Moi : "Vous êtes sûr ? C'est moi qui établis les fiches de paie, cela m'étonne, voyez-vous."
Lui : "Je vais recruter un commercial."
À mi-temps, pas de pause
Beaucoup moins de textes, beaucoup d'actions... Pas de cinéma d'auteur, mais des scènes avec beaucoup de longueurs... Des histoires avec queues et têtes.
Vous avez compris : il s'agissait d'un cinéma porno : le Paris.
Je porte les vêtements de l'emploi, un gigantesque pardessus gris clair. Par chance pour l'intervieweur, j'ai des habits classiques en dessous.
Je me présente à la caisse, un peu penaud : "Madame, je viens pour la place de comptable." Je n'ai, à ce moment, pas la pensée coquine de vouloir m'annoncer comme candidat acteur hot.

Toujours ouvert ?
Montée vers le 7e ciel ?
Elle m'indique une porte sur la droite. Je l'ouvre, monte l'escalier en colimaçon. Les murs sont poussiéreux. Je remarque une jambe en carton-pâte d'une femme en porte-jarretelles d'au moins trois mètres de haut.
L'homme qui vient m'ouvrir est on ne peut plus sérieux. Je ne rêve pas. Je viens chercher un emploi de comptable. C'est la vraie vie.
Il est très cordial et me fait visiter les bureaux. L'endroit est constitué de grandes pièces genre maison de maître. Tout est bois, dorures, marbre. La femme de ménage n'est sans doute plus venue ici depuis des mois.
J'arrive dans ce qui devait être à l'époque un salon. En plein centre, une table rectangulaire immense, avec des dizaines de documents étalés. Au bout de la table, une fille, entre 25 et 30, plutôt jolie, confrontée à un gigantesque puzzle comptable.
Un job au poil ?

Image AI (c'est rare, mais désolé)
Je suis ensuite mon hôte dans son bureau. Je passe un bref examen de comptabilité que je réussis les yeux fermés.
C'est l'heure de rentrer dans le vif du sujet. L'interviewer me raconte que ce cinéma fait partie d'un conglomérat de trois sociétés. Ma mission, en compagnie de l'employée aperçue plus tôt : réconcilier la comptabilité, en vue peut-être d'un prochain contrôle.
L'interview se poursuit :
"Vous êtes célibataire ?"
"Oui"
"Vous êtes prêt à travailler les soirs et week-ends ?"
"Euh, certes, tout dépend des conditions."
On passe au volet rémunérations. Mon interlocuteur fait la moue, "Vous savez, Monsieur Schoepen, mes employeurs ne partagent pas la même notion que vous et moi avons d'une rémunération conforme au barème pour ce type de travail."
En réalité il me proposait le tiers d'un salaire pour un gradué (BAC+3).
"Je comprends bien sûr si vous refusez à ce stade, monsieur Schoepen."
"Je pense en effet que nous devons arrêter ici."
Coïtus interruptus...
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