Salento et l'ascension du Tolima ( 5225m )
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Salento et l'ascension du Tolima ( 5225m )
Salento est un joli petit bourg situé dans la Région du Café, au sud de Medellin. Définie par le triangle des villes de Manizales, Pereira et Armenia, cette région montagneuse de la cordiliière occidentale des Andes est fameuse pour son café ; je reviendrais très prochainement dans un article sur le Café Colombien.
Salento est donc une charmante petite ville très paisible et très colorée située au milieu des montagnes verdoyantes. Le cadre est idéal, les paysages alentours bucoliques. A côté s'étire la Sierra Nevada de Los Nevados composée de 3 glaciers, Le Ruiz, le Santa Isabel et le Tolima, tous culminant à environ 5000m d'altitude. Depuis mon arrivée l'idée me chatouille d'aller défier un sommet, comme 6 ans auparavant au Pérou et en Bolivie. Le fabuleux parc du Cocuy, au nord est de la Colombie, étant fermé, je me suis reporté sur cette chaîne montagneuse pour mettre mon projet à exécution. Après avoir fait la rencontre de deux suédois (eh oui, à nouveau !) et avoir pris contact avec une agence de haute montagne, je pars avec l'un d'eux, Tom, pour un trek de 4j à la conquête du Tolima.
- NB : cet article vient en écho à mes articles précédents de 2010 au Pérou et en Bolivie lors de l'ascension du Misti (5880m) et du Huayna Potosi (6100m) que je vous invite à (re)lire dans la catégorie "Pérou" si le sujet vous intéresse. -
Le Trek commence par la célèbre et superbe vallée del Cocora, vallée caractérisée par des palmiers a cire géants qui peuvent atteindre jusqu'à 60-65m de hauteur et qui sont d'ailleurs érigés comme arbre national de la Colombie. Le temps est assez dégagé, nous nous éloignons rapidement des touristes et débutons notre ascension.
Le lendemain, seules 3h de marche nous attendent, mais le but principal est l'acclimatation à l'altitude. Nous montons à 4000m, puis redescendons à la ferme la Playa à 3400m. Par chance, nous arrivons à temps avant que la pluie à nouveau ne s'abatte dans la vallée.
Nous sommes à chaque fois accueillis dans l'une des rares fermes de la vallée, où vit en autonomie un couple avec enfant, élevant vaches, mules, poules et cochons, cultivant quelques pommes de terre, et offrant gîte et couvert aux randonneurs de passage. La vie y est assez rustique, mais on y est bien accueilli et l'on se réfugie dans la cuisine auprès du feu servant à la cuisson pour se réchauffer et boire une tasse bien chaude d'Agua Panela (pain de sucre issu de la canne à sucre que l'on dissout dans une grande casserole d'eau). Le plat, invariablement, se compose de riz, haricots, pomme de terre, 1 œuf au plat, quelques légumes, et quelques tranches de banane plantain frites.
Et, comme au Pérou ou en Bolivie, s'ensuit la montée dans le sable puis parmi les rochers. Ascension cruellement raide, l'air venant rapidement à manquer, on en chie, et on en chie grave. Je ne crois pas avoir rencontré lors de mes expéditions précédentes d'ascension aussi abrupte. Je tente de serpenter un peu pour diminuer le degré de la pente et soulager l'effort à fournir, mais la difficulté est bien là devant nous et il n'est plus temps d'y renoncer. C'est un véritable défi, une confrontation de soi face à soi-même qu'on assume pour continuer à avancer malgré la difficulté. Dans les rochers, quelques passages d'escalade, puis les premiers entassements de neige surgissent.
On arrive finalement après 6h de marche au pied du glacier. Là, il faut chausser les crampons, s'attacher ensemble à une corde pour former une ligne de sécurité qui va entamer son ascension dans la neige.
Le froid qui nous gagne, qui nous empêche de nous arrêter plus de quelques minutes au risque d'être congelés. Cette impression d'avoir couru un 100m après chaque 10 pas, nous obligeant à nous arrêter quelques instants pour tenter de retrouver un peu de souffle. Ces pas qui s'enfoncent parfois jusqu'à la cuisse dans la neige, obligeant à faire un effort encore plus important pour en sortir le pied et enchaîner le prochain pas. Ces crampons qui se desserrent forcément et dont il faut resserrer le cordon, en ôtant les gants, pour retrouver la bonne stabilité. Cette neige qui craque de part et d'autre, nous laissant craindre quelques crevasses autour de nous. Ces doigts de pieds, dans des chaussures désormais trempées, qui avec la température inférieure à 0°C sont congelés, et dont on se demande si on va tous les retrouver. Ce brouillard qui nous entoure, vers 7h du matin, qui fait qu'on ne voit pas à 5m devant nous, obligeant notre guide à faire plusieurs fois marche arrière pour se frayer un chemin sécurisé.
Mais nous arrivons finalement au sommet. Le fabuleux lever de soleil sur la fameuse mer de nuages, le magique cône d'ombre du pic dans la vallée ne sont malheureusement pas au rendez vous, car nous sommes dans le brouillard le plus complet. Nous sommes frigorifiés, mais heureux. Heureux de l'effort accompli, heureux du défi relevé, heureux d'être là, seuls au monde dans ce désert blanc immaculé, au sommet de notre montagne. Je ne peux m'empêcher une fois encore de verser ma petite larme de satisfaction et de soulagement. 5 minutes le temps de prendre quelques photos, et nous reprenons rapidement le chemin du retour.
La descente est longue, pénible, laborieuse. Cela fait déjà 7h que l'on marche sans s'arrêter, et il nous faut encore fournir 4h d'effort pour rentrer dans ce terrain tout autant accidenté. La fatigue est là. La neige commence à tomber, et se transforme en fine pluie au fur et à mesure que nous redescendons. Le sable se descend à grands bonds, la traversée du terrain boueux est un enfer de glissade. Nos chaussures ne sont plus que deux grosses pataugeoires bien juteuses. Nous arrivons, épuisés, à la Playa pour un repos bien mérité.
Après une pause bien méritée à la Estrella del Agua avec un café et un bout de fromage, nous reprenons le chemin moins chaotique dans la forêt. Nous parvenons à observer un toucan, quelques piverts, avant d'arriver à la fabuleuse maison des colibris. Là, depuis 30 ans, on fait pousser des arbres aux fruits et fleurs appréciés des colibris, on leur offre de l'eau sucrée, ce qui les rend très peu craintifs et permet de pouvoir les observer au plus près. Leur vol, passant à quelques centimètres des oreilles, ressemble à la vibration d'une feuille cartonnée, et infatigables, passant leur temps à décoller et à se poser, ils nous offrent un spectacle de vie extraordinaire.
Et quoi de mieux pour terminer la journée, après une savoureuse douche chaude, qu'une partie de tejo, sorte de pétanque colombienne dans laquelle on lance des palets de fonte dans une glaise inclinée, en essayant d'atteindre l'anneau métallique central, sur lequel sont disposées des triangles de papier contenant de la poudre qui explosent quand on parvient à les toucher ?
Sacré aventure, je vous le dis..... :-)