D'ailleurs sur cette route, je me sens pantin...
Auf Panodyssey kannst du bis zu 30 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 28 articles beim Entdecken.
Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten.
Einloggen
D'ailleurs sur cette route, je me sens pantin...
Nuit sans lune. Les étoiles partaient se coucher, nuages, et l’aube pointait son nez. Un matin ordinaire où l’Ogre gommait les lampadaires de l’architecte divin, ces étoiles épuisées par une nuit de veille disparaissaient sans un son, une nuit de veille comme nous les marins, les cirés usés par la mare aux reflets sanglants, pluie de bleus. Ce jour-là, cette nuit-là, un vent léger nous suivait, deux, trois Beaufort. Quelques nœuds pas coulants, une petite vitesse de notre flamboyant bateau, ce voilier animé par ce maigre vent qui nous permettait de respirer dans cette traversée hauturière, animée de coups de sang, et de lumière surgissant du fin fond de l’univers. Éclats de vers pour un humain poète, ou pour un perroquet Ara dans son coin de paradis. De larges couleurs envahissaient le ciel : des effets mandarine, du gris bleuté, et ce vert turquoise que j’aimais tant. Une nuit de plus, sans toi, Rose et, pas très à l'aise dans ce souvenir de nos danses sur les flots, enfournant dans un surf de folie à sec de toile, un bout de foc puissant sous ses cinquante nœuds rugissants. Le bateau grondait de plaisir, l'étai crissait et j'avais peur que tombe le mât. Pourquoi ? Je devenais cartomancien, un chien fou et des souvenirs se balade dans ma pensée ballade. Lesquels ? Tel la constellation du Lion ou Orion croisant une image, nous voyageons et voyons cette reconnaissable bande blanche d’une baleine de Minke, un balai de baleine, un balai de rois sortant des abysses, le rorqual à museau pointu, identique aux flancs de ce village ou lors de notre mouillage sur le sable, Sienne brute, de l’anse Marcelle, cette île, terre de Sienne brûlée, par le soleil vivant de Saint-Martin, aux Antilles, côté France. Nos rires, fatigués, ricochaient sur l’eau génétiquement croisée entre un vert de chrome et un bleu céruléen. Nous étions cernés par un énorme poisson identifié de manière non-scientifique dans ce trafic de voiliers en entrant dans la zone B aux balises inversées, la latérale rouge devient verte, ouf troublant. La méthode mnémotechnique devenait tricot-vert à l’envers, et bacille rouge à tribord, détournait le sens commun d’entrée au port salutaire annonçant un dépaysement de nos valeurs métropolitaines… De quoi couler à pic... ce dépaysement...
L’ombre de nos frayeurs de débarquer de notre titanesque aventure romanesque, un convoyage en couple, mal nommé, se matérialisa devant nos regards avides de viande fraîche, du poisson sans poison en l'occurrence, un instant de latence immortel en voyant notre premier barracuda qui nous empêcherait, au premier soir, de danser, de boire, de manger, de poser sac à terre. Car sur la rive, la horde de transats touristiques nous narguait, et sans annexe, tu voulais nager, Rose, lors de notre première traversée de l’Atlantique Nord, assaisonné hors saison cyclones par de nombreux coups de foudre. Je grillais notre dernière cigarette, un regard d'amour vers toi, tu lâches un sourire, alors, je te passe le fumigène, sans gêne, presque sûr d'être immortel !
Nous nous sentions vraiment vivants, en couple ordonné par le dé de la chance de s’être croisé deux ans plus tôt à Gâvres, un amour si fou commencé aux abords des murs de l’enceinte de Saint-Louis. Un château port. Moi si faible, et toi si forte... Tu n'as jamais eu besoin de ma petite personne, moi, sans tes reins je suis un singe assommé par un gourdin, je nage dans l'oublie, aujourd'hui. Impossible de ne pas te sentir Rose, je suis ce marqueur pour débile, l'indélébile jouissance du facteur X. un être perdu sur la mappe-monde, sourie au vent, je pelure à la rose des vents, de l'Est au Nord vrai. Notre étalon pour tracer une route, sur la carte mémoire morte de ma vie.
Depuis, je naviguais, sans peine, sur une mer noire, polluée par notre empreinte passée, celle du pétrole de l'Amoco Cadiz, attendant un fantôme, une voix, toi. Cette rencontre hantait ma foi en l’avenir, et je restais coincé à la case « A ». Une circulation de nuages passait sur mes illusions. La route était noire et le soleil absent, et les nuits si longues depuis que je n'arrivais plus à dormir. L'insomnie guidait toute ma vie, alors je marchais sans cesse afin de vaincre l'expression de cet abandon. Difficile d'être un pion dans un monde solitaire, un monde de devises et de consommation. L'almanach du marin breton ne m'aidait plus, mes rêves de navigation avaient pris l'eau. Mes pas heurtaient le sol, pas une musique dans ma tête, le silence presque vrai meublait ton absence. Je voyageais par petits mètres, un pas plus un pas traçaient ma voie, empreinte de folie, de souffrance. Blessé sans combat, je cherchais à comprendre les causes de cette chute violente, ce fossé de décadence. L'âme nue, j'avançais vers un chemin inconnu, la mort de l'amour... Des ampoules aux pieds, ivre sous la menace d'un ciel ocre jaune, mes chaussures en sang, j'allais sans sens apparent vers une fuite incertaine. J'avais peur de ne pas tenir la hauteur, d'être muet face à l'invincible et, sans vin, je tremblais.
Ma peau perdait de ses couleurs, du rouge de cadmium sur cette surface endolorie par des kilomètres de souvenirs, je courais à l'abri dans ma mémoire, ma caboche creuse. La dégringolade avait commencé en décembre : Noël en fête, tu avais pris ce sac à dos, l'essentiel de tes valises et, sans dire un mot, le train t'avait renvoyée sur la suite de ton destin, petite fleur, Rose. Imbécile, je croyais que tu allais voyager un temps sur la surface du globe, puis revenir prendre ma main. Je m'inventais une vie d'équinoxe en tentant de dompter mes ecchymoses, j'avançais le cerveau las, le ciel avait ses parures d'hiver toute l'année. Ma sottise se trouvait sur le solstice de décembre, cachée par la marque du Capricorne. Je marchais sur cette voie sombre de douleur tropicale, le jour toujours égal à lui-même.
L'insomnie... Le sommeil qui s'évade et la montre qui se perd, j'allais vers nulle part, tout nu dans mon inconscient. Et mes pas se voulaient dociles, curieuse atmosphère. Heureusement les oiseaux n'étaient pas chiens, je voyageais en leur fidèle compagnie : le ptéranodon avait perdu toutes ses plumes, mais pas la buse ou le faucon crécerelle. Je croisais la route de marins : cormorans, sternes, goélands, mouettes et fous de Bassan. Leurs cris stridents et la beauté de leurs vols me permettaient de continuer à vivre. J'allais sur les routes en sueur où le bitume sentait ce que je ressentais.
Est-ce que vous le comprenez ?
Un arbre papillon ne vole pas, pas plus qu'un saule pleureur ne lâche une larme de bonne heure, pourtant leurs racines causent de la pluie et du beau temps. Une aigrette dans le cœur, je voyage sur le murmure de mon imagination, un geai cache sa beauté de réalité, ses plumes bleues battent de l'air et m'entraînent loin de ces murs que l'on dit noirs. La mémoire prend de l'ombre depuis que le soleil s'éclipse, années sombres...
J'aime jouer et percer les secrets, ceux du silence, ceux de l'absence, mon bateau prend de l'eau azur mais sans savoir pourquoi, je ne sombre pas. La rage n'a pas d'abri en mon corps, porté par des vents illusoires, je refuse le déclin trouble de l'enfance. Je nage à marée basse sur un fond de vase, sans fleur, sans épine. J'avance vers la lune à l'abandon, sans lumière je vois clair et si des éclairs parcouraient le ciel, ils ne seraient pas là pour me reprendre mon âge mûr, ce fruit de l'avenir. Ma peau s'abîme à côté d'un cyprès, ses feuilles me protègent de l'ennui. Mon essence fuit, pas mon goût de l'ignorance de l'au-delà, ses nuages qui filtrent votre peau, tout en convoitant votre enveloppe charnelle. Je rêve d'une plage de graviers ou d'ardoises, pour valser de ricochet en ricochet et rire, d'être en hêtre. Un jour, ou peut-être une nuit, je partirai, moi aussi, voir si les taureaux ont des cornes, en Andalousie ou au Zimbabwe. L'oiseau de feu me donne des ailes. Curieux naufrage au cœur de ce mirage, dans l'œil du cyclone, la dépression.
Je marchais sur une voie sans issue, broyant bien plus que du lapis-lazuli, je cherchais ta couleur, ton odeur, le bonheur, un fond d'espoir, une goutte à rajouter au paysage. Perdu dans la ville, je recherchais ta trace, l'effluve de ton corps, Rose, une grimace, du plaisir. Mais je ne pouvais noyer ma peine de te savoir lointaine. Hautaine, non.
Maintenant, je sais qu'il n'en est rien, et je marche sur l'ombre du mois d'août.
Sur ma route, celle de mes doutes, les oiseaux me criaient dessus, leurs déjections passaient près de moi, et je me collai une merde de chat sous la godasse droite, pas de chance. Un vieux nuage obscur me rafraîchit la cervelle. Ce cumulus gris flottait tout là-haut, la pluie en menace sur ma fuite en avant...
Observez les nuages de la stratosphère, des Bahamas ou de Brest !
Leurs taches restent dans le ciel de longs instants. Ils prennent de l'altitude et convergent vers vos pensées secrètes, soutenus par le mystère de l'aspiration, subsidence ou ascendance ; en amoureux, ils se disputent toute la couverture du ciel de Klein. Les nuages pleurent parfois pour une fille qui a quitté une ville et volé des morceaux d'innocence. La pluie rigole sur nos routes et rend sévère le quotidien de ceux qui parlent du beau temps, comme un vieux qui joue aux boules sans se soucier de l'effet de serre, tandis que moi je promène ma misère les soirs d'orage ou au printemps.
Je respirais mon quotidien comme une huître aspire le plancton, oubliant un instant la naissance de phosphorescence. Je portais ce mal en moi, aussi sensible qu'une femme attendant un enfant. Je le crois. J'avais cette flamme qui me dévorait le corps et je continuais à avancer. Pourquoi ?
Pour qui ?
Pour toi !
L'inoubliable comédienne, dans ta robe de transparence. Rose, tu es ce cadeau souterrain du destin. Lorsque nos chemins se sont croisés sur la pointe d'une presqu'île, un presque rien, un sourire qui brille et enlève tous les maux, ton visage de petite souris m'a aspiré et j'ai craqué. Quand tu jonglais, si belle dans ton inspiration, tes rêves se sont collés à mes seins, et sur le fossé, la gueule ouverte, le pantalon défait, pas un son ne s'élève. Silence. Je crève.
Bien sûr, du monde m'accompagne parfois à la campagne, sur ces talus de soie, et tu devines que l'abstraction solitaire est un mensonge, car je ne suis pas le maître de Dieu. Quand je voyage, j'aimerais revoir ton image, pas celle du divin personnage. D'ailleurs sur cette route, je me sens pantin, mais peu importe qui tire les ficelles, l'essentiel est de survivre, pour te voir.
Le ciel sans toi ne m'éclaire plus, je nage dans une drôle d'atmosphère, fidèle à mes convictions : celle de croire que nos chemins se croiseront à nouveau. Espoir...