De l'écolieu urbain à la tribu de perma-travailleurs
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De l'écolieu urbain à la tribu de perma-travailleurs
Que d'aventures ! Bientôt un an que j'ai commencé à réfléchir pour préparer un éventuel départ de notre nid douillet rue du Caire, (opportunément surnommé "Officaire") car notre bail commercial arrive à terme et après 9 ans, nous nous inquétons que notre bailleur nous demande de partir.
Le lieu a vu l'émergence d'une communauté, qui s'est auto-baptisé les "Offies". La perspective de voir le lieu qui l'a vue naître disparaître est une épreuve du feu. Allons-nous lui survivre ? N'est-ce pas, en fait, une opportunité de se désolidariser de ce repère physique et renouer avec tous ceux que nous avons perdu de vue, au prétexte qu'ils ont bien grandi, et sont allés poursuivre leur quête ailleurs ? Ils nous manquent, après tout, et nous n'avons pas bien su nourrir autant nos lien que l'on aurait aimé.
Ce lieu a tout de même un gros défaut, pour pouvoir prétendre à être un modèle du lieu de travail de demain : il n'est pas totalement décentralisé. Le loyer en est payé à 100% par un seul agent économique, Officience, la société vietnamienne que j'étais parti co-fonder à Ho Chi Minh Ville en 2006. Est-ce un choix rationnellement économique pour elle ? Je prétends que oui. Entre mon usage personnel, celui de notre comptable, le bénéfice qu'en ont les salariés lors de leurs missions en France, et tout le bénéfice d'image que génèrent les événements et le réseau que l'on développe, je tiens que l'opération est bien rentable. Seulement, lorsqu'on est le seul à exécuter son propre modèle, est-ce vraiment un modèle ? Il est permis d'en douter, je le concède...
Seulement voilà : le bénéfice que retirent les autres membres de notre communauté grâce au lieu est bien trop faible pour le financer. Il nous faudrait changer d'échelle. Migrer ntore communauté dans un lieu plus grand, générant mécaniquement des volumes d'affaires plus conséquents, et dont Officience n'en serait alors plus qu'un contributeur minoritaire. En fait, il faudrait qu'aucun contributeur ne représente plus de 20 ou 30% des dépenses, pour nous assurer d'une décentralisation pérenne des relations de pouvoir dans la communauté.
C'est ce que nous recherchions quand nous nous sommes intéressés à reprendre le local du 25 rue du Petit Musc. Dans un élan incroyable nous avons très (trop) vite trouvé assez de parties prenantes intéressées pour nous rejoindre, et après la pause estivale nous avons cru ne pas être bien loin de signer. Erreur.
Nous n'avons pas signé, et en faisant la rétrospective, on se dit qu'on l'a échappée belle. Le collectif réunit en quelques semaines était, au fond, bien loin de la tribu des Offies. On se connaissait peu, et mal. L'opportunité nous avait fait baisser la tête, et à regarder le guidon, nous avait fait perdre de vue qu'on ne quintuple pas la taille d'une communauté juste en poussant les murs des bureaux. Il nous faut d'abord solidifier une communauté à même de prendre des locaux 5-6 fois plus grands. Et même, pour être totalement aligné avec cette priorité donnée à la communauté, ne pas faire de l'intérêt pour des locaux un critère de discrimination. Advienne que pourra, certains d'entre nous seront peut-être collocs, un jour.
Certains sont partis vers d'autres plans de bureau, tirés par les impératifs matériels. Certains prennent des nouvelles, de temps à autre, car malgré leurs priorités opérationelles, le projet les intéresse. Quel projet ? Eh bien, avec ceux qui sont encore là, ensemble, nous nous attachons à bâtir cette communauté de travailleurs, cette tribu qui porte une vision optimiste du futur du travail. Un travail où chacun peut être pleinement lui-même, où il se met au service de sa propre raison d'être en partageant ses efforts avec d'autres qui s'en font écho, gouvernée non pas par des hiérarchies statutaires mais par des liens d'influence reconnus et respectés. Ceux qui ont entendu parler des "communautés de travailleurs inspirées" évoquées par Frédéric Laloux y retrouveront des notions familières des principes opales.
Faut-il être freelance pour en être ? Non. Faut-il être entrepreneur ? Non plus, à moins que nous soyons tous entrepreneurs de notre propre vie. Peut-on venir y télétravailler, en étant salarié d'une grosse boite ? Assurément, après tout appartenir à une tribu dépend bien moins d'un éventuel contrat qu'on a pu signer par le passé que des convictions que l'on a vrillées au coeur, de son identité propre. Alors, comment allons-nous nous y prendre pour cristalliser cette tribu, pour que les bonnes personnes s'identifient elles-mêmes, lèvent la main et nous rejoignent ? Comment allons-nous faire écosystème pour prouver que notre vision est réaliste à grande échelle ?
C'est ainsi qu'est né que PIFF, le Pay it Forward Festival. Un sommet en ligne dédié à la célébration de toutes les entraides, tout le "care", toute la bienveillance qui auront pu s'exprimer au cours de l'année 2021. Chaque acte de générosité sera une connection de plus qui resserrera notre tribu. Et nous n'allons pas rester les bras ballants, à simplement attendre qu'ils adviennent ! Comptez sur nous, et rejoignez-nous, pour stimuler toute cette abondance d'altruisme des mois durant.
Et dans cette démarche, je suis fier du soutien de la Mission French Tech, qui reconnaît le bien-fondé de cette démarche pour consolider la communauté TechForGood française.