Itard...(sonde d'...)
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Itard...(sonde d'...)
On ne l’utilise plus beaucoup, voire plus du tout, mais les médecins de ma génération disposaient dans leur matériel de base de quelques sondes de taille et de diamètre variables. Elles avaient pour fonction de cathétériser l’orifice de la trompe d’Eustache en passant par le nez, opération censée traiter de manière peu traumatique et en tout cas non chirurgicale les dysfonctions tubaires, voire les otites séreuses (cf cet item).
Pourquoi en parler alors ?
Pour son créateur.
Né le 24 avril 1774 dans les basses Alpes d’une famille de négociants, Jean Marc Gaspard Itard est le troisième enfant d’une fratrie de cinq. Il a 15 ans en 1789 quand il revient seconder son père après une instruction chez les Oratoriens de Marseille. Plus tard, grâce à son oncle, administrateur du directoire puis vice-président du district de Digne, il intégrera l’armée comme aide-chirurgien à l’ambulance de Port-Cros dans la rade de Toulon. C’est là qu’il sera placé sous les ordres de Dominique Larrey, premier chirurgien de la Garde impériale et créateur des ambulances qui sauvera des milliers de vies sur les champs de bataille. Il partira à Paris dans le sillage de ce célèbre chirurgien, organisateur des cours publics d’anatomie (avec le squelette de Cadoudal monté sur fil de fer après 1804 !) intégrera la carrière militaire au Val - de - Grâce et deviendra en décembre 1800 médecin de l’Institution des sourds-muets, nommé par Bonaparte.
Pour beaucoup d’ORL, Itard sera connu pour cette sonde et un imposant ouvrage écrit en 1821, couronnant ses années passées à l’Institut : traité des maladies de l’oreille et de l’audition », premier ouvrage moderne d’otologie, rendant dans son introduction un vibrant hommage à Vésale (contemporain d’Ambroise Paré), louant la précision de sa dissection, de ses dessins, de son esprit d’observation, qui, bravant les interdits de l’époque, disséquait les cadavres décrochés du gibet de Montfaucon, corrigeant les planches anatomiques de Galien, tirées de dissection de primates (Vésale décrira en ORL entre autres marteau et l’enclume situés dans l’oreille moyenne).
C’est à cette date (1800) qu’Itard, encore étudiant, bénéficia d’un second heureux hasard.
En août de cette année, on découvrit dans l’Aveyron un jeune enfant abandonné, dont l’unique demeure était la forêt. Vivant nu, marchant à quatre pattes, se nourrissant de racines et de glands, sentant ses aliments avant de les manger, ne parlant pas…
Cet enfant fut ramené à Paris pour être confié aux bons soins de l’abbé Sicard, directeur de l’institution des sourds-muets.
Tout ce que Paris comptait alors de fins esprits et de savants se penchèrent sur l’histoire de ce « Victor », l’enfant sauvage de l’Aveyron, trop heureux de remonter dans l’histoire naturelle de l’homme. Médecins, naturalistes, philosophes, chercheurs passionnés par l’anthropologie naissante se penchèrent sur le cas de l’enfant.
Le professeur Pinel célèbre aliéniste, professeur de pathologie interne et fondateur de la médecine des aliénés à Bicêtre, considérera rapidement Victor comme simple d’esprit.
À ce psychiatre s’opposent deux jeunes personnes : le philosophe Degerando et l’étudiant en médecine Itard qui, après de longues observations sur l’enfant sauvage, affirment le caractère acquis de ses habitudes, lié à l’abandon précoce.
C’est ainsi qu’Itard prendra fait et cause pour l’enfant, se chargeant de le « reconstruire ».
Son ambition n’était pas mince : faire de cet enfant un être humain doté d’un langage et d’une compréhension.
L’approche d’Itard fut novatrice. À l’otologiste cartésien, il faut rajouter une approche philosophique avec le souhait de rattacher l’enfant à la vie sociale dans laquelle il évolue dorénavant lui faisant apprécier la douceur du monde dans lequel il se trouve.
Pourtant Itard reconnaîtra plus tard que ce fut un demi-échec. L’enfant comprenait les ordres simples, mais il ne parlera pas.
Certains pédopsychiatres estiment que Victor fut le premier enfant autiste à bénéficier d’une tentative de réinsertion dans notre monde.
Autisme : Est-ce bien certain ?
Victor mourut précocement en 1828 (à l’âge de 38 ans) et malheureusement aucune autopsie ne fut pratiquée sur son corps.
De nombreux observateurs citèrent toutefois de multiples blessures qui auraient été causées par sa confrontation avec des animaux, dont une cicatrice linéaire et profonde, en regard du larynx.
Une telle cicatrice peut suffire à empêcher tout dialogue s’il existe une blessure de l’étage glottique, non exceptionnelle, expliquant dès lors l’impossibilité de s’exprimer. Mais il demeure peu envisageable qu’une telle blessure soit le fait d’animaux…
On peut, hélas, craindre que ces blessures aient été faites par sa famille avant qu’il ne se soit échappé très jeune.
Était-il simple d’esprit et sa famille aurait-elle voulu le tuer ? Possible.
Présentait-il, de surcroît une surdité occasionnant de ce fait une surdi-mutité ? Peut-être.
Mais un enfant privé de langage très tôt, même s’il entend ne pourra jamais s’exprimer et comment se faire comprendre alors quand on n’a pas encore acquis l’écriture et que tout langage est impossible.
Photo: Dessin tiré de la BD: Victor, l'enfant sauvage- Édition Faton