En route.

Tous les trois.

Vers le creux de cette montagne où nos ancêtres sont entassés.

Voyage vers le centre de la terre : c'est notre rituel.

Pourquoi se recueillir devant la pierre?

Pourquoi les cimetières sont-ils propices?

Vous n'aimez pas toutes ces questions cyniques.

Je dis que c'est loin, ça pollue, il fait rarement beau, le ciel brouillé est orageux.

Mais c'est notre rituel.

Notre rendez-vous annuel.

Ça commence dès que la portière de la voiture se ferme.

On s'autorise une pause.

Les pleurs sont bienvenus passé l'enceinte de fers rouillés où surpoussent les herbes folles et la gentiane.

J'aime à promener les noms champêtres, les épitaphes et les noms de métiers étranges et disparus.

J'aime à comparer les différents degrés d'oubli, j'imagine d'autres rituels plus solitaires.

Deux mains tremblantes qui époussètent la pierre.

Doigts déchaînes, pleins de hargne, qui arrachent l'herbe sèche.

Larmes anciennes et montagneuses pour arroser de nouvelles fleurs achetées plus tôt dans la vallée.

Je me retourne.

Vous êtes resté figés là.

Au même titre que les tombes.

Le monde autour s'est effondré.

Une éclipse est passée sur vos pupilles.

Car c'est notre nom qui est écrit.

Une partie de nous que la mort a dérobé, et garde pour elle dans ce hameau perdu.

Je finis par vous rejoindre et nos accolades sont plus serrées, plus fortes et tragiques que d'habitude.