Gainsbourg, 30 ans
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Gainsbourg, 30 ans
Je suis un mythe vivant, quelques degrés au-dessus d’une star
Tubes alimentaires
Avant l’album Aux armes et cætera en 1979, il y a une vraie dichotomie dans le personnage de Serge Gainsbourg, qui accouche sans forcer d'immenses tubes pour les autres (France Gall, Juliette Gréco, Brigitte Bardot), tandis que ses albums les plus personnels, ceux dans lesquels il s’investit vraiment (L'Homme à tête de chou), sont des immenses bides commerciaux. Comme si le public adorait la soupe mais boudait le cuisinier sous prétexte qu'il est, un peu, crasseux. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il ne s'est plus montré sur scène depuis 1964 et une tournée, écourtée faute de mauvais accueil, avec Barbara.
Le déclic se produit avec le groupe Bijou en 1978. Les musiciens lui demandent l'autorisation de reprendre sa chanson Les Papillons noirs. Gainsbourg accepte. Il accepte également de venir chanter sur scène avec eux. Et il est acclamé par les jeunes fans du groupe de rock. « Putain! Putain! Putain! ». Il ne s'en remet pas. C'est la première fois qu'on lui fait un tel triomphe.
Sly et Robbie
Dans la foulée, le producteur Philippe Lerichomme lui souffle l'idée d'aller enregistrer un disque en Jamaïque. Via le label Island (le label de Chris Blackwell, producteur de Bob Marley), Gainsbourg recrute ses musiciens. En tête : Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, soit l'ossature-même du reggae. Leur section rythmique basse-batterie est créditée sur près de 15 000 titres! Pour la faire simple : le reggae, c'est eux. Musiciens de studio et de tournée, producteurs (label Taxi), ils ont su se rendre absolument indispensables, si bien que dans les années 70, si un morceau ne les créditait pas en backing, il avait peu de chance de fonctionner. Ce sont leurs instruments qui ont fait vibrer l'âme de la Jamaïque.
Suivent les choristes : ce seront les I-Three, rien que! Rita Marley, la femme de Bob Marley, Judy Mowatt et Marcia Griffiths.
Il faut entendre Serge Gainsbourg parler de ses musiciens, fier comme un gamin, et de la façon dont il a su se faire accepter d'eux. Sa musique était déjà connue en Jamaïque, le producteur Harry J ayant enregistré une version instrumentale de Je t'aime moi non plus. Gainsbourg a dû leur montrer ce qu'il avait dans le bide pour cesser d'être pris pour un rigolo de petit blanc. Assurément, sa musique a parlé pour lui, de même que sa modestie, j'entends sa façon de ne pas se comporter comme un connard à qui tout est acquis sous prétexte qu'il est riche et célèbre.
L'entente en studio sera telle que les Revolutionnaries (le groupe de Sly et Robbie), alors que ce n'était pas prévu au départ, traverseront l'océan pour accompagner Gainsbourg sur la scène du Palace. Seule ombre au tableau, les I-Three, alors en tournée avec Bob Marley aux États-Unis, ne sont pas du voyage. On les remplace.
Réédition
La série de concerts est un succès, malheureusement le disque qui suit est saboté : son pourrave, ordre des chansons retourné, on perd toute la cohérence. Il faudra donc attendre plus de 25 ans et l'intervention de Bruno Blum (écrivain spécialiste du reggae) et Thierry Bertomeu (ingénieur du son), ainsi que les progrès des techniques de sonorisation pour avoir une bonne réédition en 2006.
En bonus, deux interviews de Gainsbourg et un joli livret contenant un long extrait de la biographie signée Gilles Verlant (sobrement intitulée Gainsbourg) dont bon nombre des informations de cet articles sont tirées.