Les Nuits rouges de Kingston
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Les Nuits rouges de Kingston
Blaxploitation
Les années 70 ont vu éclore et disparaître un genre cinématographique nouveau et complètement original, celui de la blaxploitation, mot-valise formé à partir des termes « black » (noir) et « exploitation » (du cinéma d’exploitation, soit des films de genre, vite faits, sans trop de frais, en vue d’un retour rapide sur investissement quitte à exploiter le gisement au point de l'épuiser). Ces films populaires faits pour un public essentiellement noir voulaient redonner aux acteurs afro-américains une place de premier plan, loin des rôles de faire-valoir auxquels ils étaient jusque là cantonnés. L’intention est louable, si l’on met de côté le problème de ghettoïsation qui s’est très vite posé et à causé la remise en question puis la mort du genre, hormis quelques résurgences et survivances ponctuelles, le plus souvent sous forme de référence ou de clin d’œil.
La blaxplatation a ainsi vu surgir quelques icônes cinématographiques badass, à commencer par Pam Grier, mais s’est surtout accompagnée d’un matériau sonore de premier choix, devenu également genre à part entière : la musique de film de blaxploitation. Les plus grands compositeurs se sont essayés à l’exercice avec brio : Bobby Womack, avec Across 110th Street (repris par Tarantino dans la scène initiale de Jackie Brown, avec en vedette une Pam Grier sortie de l’oubli), Marvin Gaye (Trouble Man), Roy Ayers (Coffy), Curtis Mayfield (Superfly). Cela donne généralement un funk épais, aux nappes lourdes (dans le bon sens du terme) et traînantes, et colle une ambiance de circonstance à des films relevant du polar et qui font la part belle aux figures de justiciers.
Black Moses
Celui qui a le plus investi le genre est sans conteste Isaac Hayes, au point de voir ses compositions de bandes originales éclipser le reste de sa production pourtant remarquable.
Son œuvre la plus emblématique restera à ce titre la B.O. de Shaft (en français Les Nuits rouges de Harlem). Le rôle du héros, joué initialement par Richard Roundtree en 1971 a été repris par un Samuel Jackson au sommet de sa gloire en 2000. Encore une fois merci Quentin Tarantino. On se souvient que c’est Pulp Fiction qui avait fait décoller sa carrière comme un missile sol-air en 1994.
Derrick Harriott, ou l’histoire d’une escroquerie
En 1971, la bande originale du film Shaft sort, mais les producteurs ne jugent pas nécessaire d’éditer un single. Qu’à cela ne tienne, le producteur jamaïcain Derrick Harriott est en embuscade, il fait enregistrer à ses musiciens de studio une reprise de la chanson-titre et sort un 45 tours dans la foulée du succès du film.
Sa chanson se hisse dans le hit parade américain, menaçant l’originale d’Isaac Hayes, qui se dépêche alors de faire presser sa propre version. Le morceau de Derrick Harriott est retiré du marché. Qu’importe, le rat a mordu les fesses du lion. C’est une fable de filouterie. Derrick Harriott s’est glissé dans un espace vide et en a profité pour subtiliser son quart d’heure de gloire.
Pour le thème de Shaft, version Isaac Hayes, c'est ici.
Et pour celle des Chosen Few, produite par Derrick Harriott, c'est ici.