J’étais dans le métro quand j’ai croisé ton regard. Le clochard fou était en plein exorcisme, il chassait frénétiquement les démons à grandes claques par dessus son épaule et nos regards se sont croisés : fou-rire partagé, contraire à toutes les règles de bienséance du métro, qui imposent l’évitement soigneux du regard de l’autre et la parfaite neutralité de l’expression.

Bien sûr, nous ne nous sommes quasiment rien dit, ce n’est pas comme ça que se font les choses à Paris. Et puis nous nous sommes recroisés. Au café du coin, celui que j’aime bien et qui n’est pas vraiment le café du coin, plutôt le seul bar un peu acceptable dans un quartier réputé pour ses restaurants chinois ou vietnamiens. Tu étais là et tu lisais tranquillement, tu n’avais pas l’air d’attendre quelqu’un. Une fois encore, je ne t’ai pas parlé. Tu ne m’as d’ailleurs pas vue. Et puis, m’aurais-tu reconnue ?

Je t’ai oublié. J’ai rencontré un autre homme, qui m’a plue, et à qui je n’ai pas suffisamment plu. Je ne te connaissais de toutes façons pas. J’ai vécu ma vie, celle où un homme passe et s’efface rapidement, comme il est venu.

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