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Les vrais durs ne dansent pas

Les vrais durs ne dansent pas

Veröffentlicht am 24, Aug., 2020 Aktualisiert am 24, Aug., 2020 Kultur
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Les vrais durs ne dansent pas

Je crois déjà vous avoir expliqué ici les diverses manières dont je choisis les livres que je lis. Les conseils, les références glanées dans d’autres lectures, les auteurs que j’aime particulièrement, le thème accrocheur ou un titre évocateur... et la plus fantaisiste de toutes : la couverture qui m’attire. Avec ce livre, Les vrais durs ne dansent pas de Norman Mailer, j’ai été de suite séduit par la couverture. Nonchalance, décadence, ridicule guindé et assumé, esthétisme douteux : le personnage représenté en couverture est tout cela et bien plus encore. Le bouquin m’avait parlé et dit beaucoup de choses avant même que je ne le prenne en mains. Et puis ce titre qui ressemble à un dicton populaire bien macho... Intrigué, je m’approche et je vois le nom de l’auteur. Je savais déjà que j’allais repartir avec ce livre sous le bras. Le nom de Norman Mailer avait fini de me convaincre. Un  grand nom de la littérature américaine dont j’ai souvent entendu parler sans jamais n’en avoir rien lu, je me suis dit que l’occasion de combler cette lacune était parfaite.

Dans
Les vrais durs ne dansent pas, qui voit son intrigue se dérouler à Provincetown, une ville côtière retirée et abandonnée des touristes pendant la saison morte, on suit les pérégrinations hautes en couleurs d’un écrivain raté amateur de femmes et de bourbon, Tim Madden. Sa femme, Patty Lareine est partie voici déjà 24 jours avec son amant, un grand black gaulé comme un apollon. On fait la connaissance de Tim Madden alors qu’il se réveille d’une soirée trop arrosée, le crâne dans un étau et plus grave, la mémoire mitée de trous béants sur ce qu’il a fait la veille. Rien que de très banal pour Tim, sauf que ce matin là il découvre un curieux tatouage sur son bras, une marre de sang dans sa voiture et la tête d’une belle blonde enterrée dans sa planque à cannabis ! Tim va se lancer dans une enquête dont il est le premier suspect : a-t-il tué cette inconnue pendant ces heures sombres dont il n’a plus aucun souvenir ? Dans sa quête, Tim Madden va composer avec la police locale et Regency son chef aussi inquiétant qu’énigmatique, chercher des informations auprès de ses habituels compagnons de beuveries avec lesquels il entretient des relations pas forcément très amicales, tenter de retrouver sa femme fugueuse, tomber sur une ancienne maîtresse jamais oubliée et l’ex-mari homo refoulé de sa femme... Un sac de nœuds où personne n’est ce qu’il semble être au premier abord, et dont Tim Madden, en bon irlandais de New-York qui a déjà connu la taule, va tenter de s’extirper en trouvant la vérité sur ce qui s’est passé cette nuit là...

Alors plusieurs choses à propos de ce livre.
Avant tout je l’ai trouvé lent à démarrer, ce qui peut paraître paradoxal vu qu’on est d’entrée plongé en plein milieu de l’intrigue principale. Norman Mailer prend son temps pour planter son décor, ses personnages et dérouler son intrigue. Et ce temps m’a paru long... non pas inintéressant, mais j’avais la sensation diffuse que l’intrigue n’avançait pas suffisamment vite. On suit en permanence les pensées du personnage principal, ce que j’ai trouvé plutôt bien vu, cela permet au lecteur de se sentir plus impliqué dans l’histoire, et de découvrir en profondeur le personnage de Tim, ses pensées secrètes, ses réflexions qu’il garde pour lui. Mais cela ralentit indéniablement le rythme de l’histoire. Ma lecture remonte à plusieurs mois déjà alors que j’écris cet article, mais dans mon souvenir il me semble qu’une bonne moitié du bouquin passe avant qu’on ait réellement le sentiment d’avancer dans la résolution de l’intrigue. Cela dit, comme tout bon polar qui se respecte, la lumière ne se fera qu’à la fin, la vérité se dévoilant par petits bouts seulement.

Il faut dire également que Norman Mailer ne se cantonne pas à nous livrer un polar bien ficelé, son livre est aussi un portrait sans concession d’une Amérique des années 80 pas très glamour, où les hommes sont pris dans leurs contradictions, comme encore engoncés dans les vestiges des années fastes des décennies passées (certains personnages ont de forts relents des années 50 et 60), faisant de la résistance passive au monde moderne. Il est avant tout question dans ce bouquin des hommes, des vrais hommes, les « durs » du titre. Tim Madden, tout m’enfoutiste qu’il se donne l’air, est en perpétuel équilibre instable pour parvenir à rester sur cette ligne trop floue imposée par son imaginaire, celle qu’il veut suivre et qui le désignerait selon lui comme un dur justement. C’est ce qu’on comprend très clairement dès lors qu’intervient le personnage phare (selon moi) du roman, le père de Tim, ancien barman irlandais au caractère bien trempé, très old-school (avec tout ce que cela inclut d’âpre mais de séduisant). Le rapport entre les différents personnages est l’un des points forts de l’auteur, et c’est dans ce rapport père-fils que l’on atteint le cœur et la gravité du personnage par ailleurs un peu fantasque de Tim. Si un certain Freud nous serine depuis le siècle dernier qu’un homme se détermine inconsciemment dans ses rapports à sa mère pendant l’enfance, Norman Mailer quant à lui montre à quel point c’est face à son père qu’un homme se définit en tant qu’adulte, et pour ma part je suis plus enclin à suivre l’écrivain américain dans sa démonstration que le psychanalyste autrichien...

Si j’ai aimé ce livre, c’est justement pour ses personnages truculents, bien plus que pour l’intrigue et sa résolution finale. Mais ma lecture a été lente, je n’ai jamais été happé par l’histoire, je n’ai jamais ressenti ce besoin impérieux de connaître la fin avant de pouvoir lâcher le livre. Mais cette lenteur relative, ce manque de rebondissements inattendus qu’on pourrait reprocher au roman, sont largement compensés par une écriture magistrale. Norman Mailer est connu et reconnu comme un écrivain de premier ordre et ça n’est clairement pas une réputation volée ! J’ai trouvé dans les tournures de phrases, les dialogues, l’humour noir en filigrane tout au long du récit, une classe, un art consommé de raconter, une maîtrise parfaite des mots et des images qu’ils évoquent. Ce type a une plume géniale, jubilatoire. Pour son style et son talent à donner vie à des personnages forts et touchants, j’ai adoré Norman Mailer. Et même si
Les vrais durs ne dansent pas ne m’a pas totalement emporté, je note pour le futur sur ma liste d’ouvrages à lire celui que tout le monde s’accorde à décrire comme son chef d’œuvre, Le Chant du Bourreau.

En attendant, je vais essayer à l’occasion de voir le film que Mailer a lui-même réalisé en 1986 à partir de son roman, et qui avait en son temps me semble-t-il été présenté au festival de Cannes. Si quelqu’un sait où je peux trouver la version cinématographique de
Les vrais durs ne dansent pas, je suis preneur !!

 

 

Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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