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Jack l'Éventreur expose au Petit Palais   jusqu'au 29 janvier...

Jack l'Éventreur expose au Petit Palais   jusqu'au 29 janvier...

Veröffentlicht am 7, Jan., 2023 Aktualisiert am 7, Jan., 2023 Kultur
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Jack l'Éventreur expose au Petit Palais   jusqu'au 29 janvier...

Quand ma fille m’annonce il y a quelques semaines qu’une partie des œuvres de Walter Sickert est exposée au Petit Palais, je me précipite avec mon épouse pour aller les voir, ne pouvant résister à cette attirance propre, un peu morbide, intrigué comme beaucoup par les meurtres non résolus de ce psychopathe. Et ces derniers auraient été perpétrés par ce peintre dont nous allons parler, qui, au début du XXIe siècle, fut considéré comme l’insaisissable Jack l’Éventreur responsable d’au moins 5 meurtres horribles, peut-être plus (ou avance le chiffre de 7, et peut-être 11). 

C’est du moins ce qu’affirmait avec conviction la romancière américaine Patricia Cornwell, créatrice du personnage Kay Scarpetta, dans un ouvrage paru en 2002 « Jack l’éventreur, affaire classée – portrait d’un tueur » /Éditions des deux terres.

La période était-elle propice à la réécriture des meurtres non résolus ? À peine un an après l’ouvrage de Patricia Cornwell, Steve Hodel écrira « L’affaire du dahlia noir » /2004 chez Seuil policiers. Officier de police puis chef des inspecteurs au Los Angeles Police Department (LAPD), il dénoncera à sa mort, son père George Hodel, médecin, dans le meurtre du dahlia noir en janvier 47 ainsi que dans d’autres crimes aussi sanglants, notamment celui de la mère de l’écrivain James Ellroy, auteur en 1987 du livre « Le dahlia noir ».

Qui donc était ce Walter Sickert, peintre assez peu connu en France ?

Âgé de 28 ans au moment des cinq effroyables meurtres de prostituées dans le quartier de Whitechapel en automne 1888, Walter Sickert était un personnage étonnant. Homme cultivé, il parlait couramment l’allemand, le français, l’italien, l’anglais bien entendu et connaissait le latin, possédait de bonnes bases en danois et en grec et avait des rudiments d’espagnol et de portugais. Il méprisait l’aristocratie et la haute bourgeoisie, très séduisant, il était doué d’une mémoire prodigieuse. Peintre et graveur, Sickert avait été l’élève de Whistler et le disciple de Degas. Comédien de nature plus que de métier, il adorait se travestir, modifier sa voix, changer d’apparence, utiliser des pseudonymes… Peu fortuné, attiré par les scènes souvent sordides (mais il n’était pas le seul peintre dans ce cas, tant s’en faut), il disposait de quelques lieux qu’il louait dans des quartiers mal famés pour saisir sous son pinceau une réalité misérable.

L’élément déclenchant dans l’enquête de Patricia Cornwell sera la découverte des peintures de Sickert réalisées plus de 20 ans après les meurtres de Whitechapel, et exécutées après le meurtre sanglant en 1907 d’une prostituée de 21 ans, Émily Dimmock retrouvée morte dans le quartier de Camden Town, quartier que Sickert fréquentait et où il disposait d’un local. Il y avait exécuté, à partir de cette date, une série de peintures troublantes représentant des femmes nues affaissées et exposées à tous sur un lit misérable. Les corps ne sont pas gracieux, les couleurs évoquent celles de la mort, les visages n’apparaissent pas ou mal. Ces corps reposent sur des draps qui ressemblent plus à des linceuls. Les titres sont éloquents : « La Hollandaise » dans une composition sombre à base de noir, « Mornington Crescent Nude », « Jack the Ripper’s bedroom » en 1907, peinture glaçante faite de touches noires et surtout « L’affaire de Camden Town » où la femme nue est étalée sur le lit, le corps informe, un homme la surplombant dont il est bien difficile de dire s’il s’agit du tueur et si la femme est morte ou dort. Sans oublier « The Camden Town murder » encore dénommé « What shall we do for the rent » toile peinte vers 1908-1909. Autant de toiles exposées au Petit Palais et qui peuvent effectivement interpeller pour le sujet traité et bien peu académiques, mais l’artiste avait l’académisme en horreur. Une visite guidée des lieux du crime avec John Grieve de Scotland Yard, spécialiste de Jack l’Éventreur fera le reste lançant l’auteure dans une enquête effrénée qui durera quinze mois « J’ai simplement observé ses tableaux et sa vie et de fil en aiguille… », la fera acheter quelques œuvres du peintre pour mieux les étudier et analyser plusieurs dizaines de lettres présumées du vrai Jack l’Éventreur.

Le moins que l’on puisse dire est que la romancière n’épargne pas le peintre dans les 457 pages de son ouvrage…

Sickert aurait détesté les femmes, les considérant comme des êtres inférieurs, incapables de pensées rationnelles, encore moins de comprendre l’art. Le personnage était arrogant, manipulateur, sans la moindre empathie pour son prochain. L’auteur brosse là les traits de caractère typiques d’un psychopathe. Pour le peintre français Jacques Émile Blanche qui l’a fréquenté, Sickert était un protée ! Est-ce la grande variété de ses approches picturales, l’absence d’un code affirmé et revendiqué dans la peinture qui lui vaudra cette remarque désobligeante ?

Poursuivons les éloges.

La raison de sa détestation des femmes serait venue d’une anomalie pénienne d’après le neveu de Sickert, John Lessore. Sickert aurait été opéré à 3 reprises dans son enfance d’un possible hypospade (orifice urétral pouvant déboucher sur la partie inférieure de la verge à différents niveaux en suivant l’urètre.) Cela l’aurait rendu impuissant ( !) et aurait développé sa haine du sexe faible le poussant à ces extrémités! Pourtant, il semble que Sickert aimait les femmes et restait un grand séducteur. Patricia Cornwell ne s’en tient pas là et avance que le mariage de son maître Whistler, l’abandonnant de ce fait, aurait déclenché le passage à l’acte.

Puis viennent les faits et les affirmations, péremptoires souvent.

Quels sont-ils ?

Patricia Cornwell aurait dépensé 7 millions de dollars dans les années 2000 pour rassembler des preuves contre celui qu’elle considère sans le moindre doute comme étant Jack l’Éventreur.

Qu’en reste-t-il ?

L’ADN mitochondrial aurait été retrouvé sous l’UN des timbres de l’une des lettres. Preuve forte, mais non suffisante si cela s’avérait exact ! Mais l’on sait que nombre de plaisantins envoyaient des lettres à Scotland Yard pour le tourner en dérision devant son impéritie. Rien de moins impossible qu’une lettre (voire plusieurs) de Sickert ai(en)t été envoyée (s) à la police pour la railler. Ce serait tout à fait dans le comportement de l’homme. À quoi a été comparé, 114 ans plus tard, cet ADN mitochondrial sachant que le peintre n’avait pas de descendance et a été incinéré. Comment notre romancière explique-t-elle ce mystère ?

Le papier utilisé par le peintre était d’une grande rareté et on retrouve le même sur les lettres de l’éventreur ! En fait ces trames de papier restaient très ordinaires. Sur l’une d’entre elles, ce qui s’était avéré être du sang aurait été une trace de peinture, d’après la romancière…pourquoi pas s’il s’agit d’une lettre de Sickert. Oui et alors ? Certaines lettres reçues par Scotland Yard sont truffées de fautes d’orthographe, d’autres utilisent un langage plus châtié sans la moindre faute. Peut-on affirmer qu’il s’agit du même homme qui travestit son écriture, son style, son langage ?

Poursuivons. Le troisième meurtre de Whitechapel a lieu le dimanche 23 septembre sur la personne de Jane Boatmoor âgée de 26 ans. Ce jour-là pourtant, Sickert est en France et a envoyé de Saint-Valery-en-Caux une lettre au peintre Jacques Émile Blanche. Aucune importance pour la romancière puisqu’il était possible de faire l’aller et retour de France à Londres en une journée…

Une à une les pièces du puzzle patiemment construit se détachent.

L’intime conviction est une chose. Les preuves, formelles, en sont une autre. Et ces dernières ne peuvent être arrangées ou manipulées. Fort heureusement !

Le peintre, talentueux ou pas, était certainement comme beaucoup de personnes, fasciné par le mystère de ces crimes relatés dans la presse et par le fait que la police, narguée, restait impuissante à trouver le coupable. De là à l’accuser formellement, il y a une marge importante qu’il n’est permis à personne de franchir… même pour les meilleures raisons qui soient.

Les allégations de Patricia Cornwell ont été réfutées en bloc par les spécialistes de Jack l’Éventreur mais l’ouvrage a été lu par des millions de lecteurs (dont moi) et n’est-ce pas la plus belle consécration pour un écrivain ?

Bien d’autres personnages ont été accusés d’être l’insaisissable tueur en série que l’on ne citera pas, mais facilement retrouvables.

 En 2014, l’affaire rebondit. Il s’agirait en fait d’Aaron Kominski, barbier londonien d’origine juive polonaise déjà suspecté à l’époque, mais relâché faute de preuves sérieuses, interné dans différents asiles psychiatriques à partir de 1890 pour des hallucinations auditives et des peurs paranoïaques.

Le Daily Mail du 6 septembre 2014 annonce que Jack l’Éventreur a été « retrouvé » 126 ans après les faits, grâce à son ADN, information transmise par un homme d’affaires et enquêteur en herbe, Russell Edwards, qui détient un châle retrouvé près d’une des victimes de Jack l’Éventreur, Catherine Eddowes, lequel châle présentait des motifs typiques de l’Europe de l’Est orientant de nouveau la recherche vers Kominski.

Cet enquêteur en herbe avait acheté ce châle en 2007 dans une salle des ventes pour sa « provenance » évoquée bien qu’aucun châle n’ait été référencé par Scotland Yard sur la liste des 28 objets et vêtements retrouvés alentour. Le marchand précise alors qu’un policier, le sergent Amos Simpson, l’avait dérobé pour son épouse et qu’il avait été rangé sans être utilisé.

126 ans plus tard, un examen approfondi fait apparaître des traces de sperme que Russell Edwards fait examiner et comparer avec une descendance de la sœur de Kominski. L’ADN correspondant, Kominski devient Jack l’Éventreur.

Las !

Des experts en médecine légale, en génétique et des historiens vont remettre en cause ce diagnostic.

—Le spécialiste de « Jack », Trévor Marriot fait effectuer des tests sur l’étoffe qui permettent de dater la fabrication du châle aux années 1900, soit 12 ans après les meurtres de Whitechapel.

—le généticien Alec Jeffreys développeur des techniques de recherche ADN ainsi que Peter Gills chef de file du profilage ADN émettent publiquement de fortes réserves : origine douteuse du châle, manque de fiabilité des analyses avec de possibles contaminations croisées.

—Les spécialistes de la médecine légale réfutent la possibilité de retrouver des éléments exploitables 126 ans après les faits.

—L’historien Donald Rumbelow précise que le policier voleur de châle était ce jour-là en fonction hors de Londres et ne pouvait donc se trouver sur les lieux.

—Enfin, la cerise sur le gâteau. L’analyse génétique porte sur l’ADN mitochondrial et non l’ADN nucléaire. L’ADN mitochondrial, peu discriminant, permet d’éliminer des suspects, mais pas d’en isoler un seul en particulier. 40 % de la population le partageant, cet ADN pouvait correspondre en 1888 à 400000 personnes.

Sans oublier que cet ADN retrouvé à proximité de la malheureuse prostituée ne signifiait pas qu’il appartînt au tueur. Le sperme pouvait bien davantage venir d’un client.  

 

Donc tout n’est pas perdu pour « les chasseurs de criminels » surtout si l’on en juge par les succès de ces ouvrages auprès du grand public.

En 2022, l’assassin de Whitechapel reste inconnu et la chasse est toujours ouverte.

Mais revenons à nos moutons. L’exposition des œuvres de Sickert au Petit Palais mérite vraisemblablement le détour pour son « originalité ». Pressez vous, il ne vous reste que 3 semaines !

Réf bibliographiques:  Patricia Corrnwell: Jack l'Éventreur, affaire classée-Portrait d'un tueur/ Éd. des 2 terres.             

                                            Wikipédia: Aaron Kominski.JE

Peinture: W.  Sickert: Mornington Crescent Nude -Vers 1907

 

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