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Chapitre 1

Chapitre 1

Veröffentlicht am 19, Okt., 2023 Aktualisiert am 7, Nov., 2023 Kultur
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Chapitre 1

Abygael

Greylyn. Petite ville du nord des États-Unis située à deux heures de Boston. Quelques milliers d’habitants, tous riches et bien-pensants. De larges rues bordées de vieux immeubles aux devantures extravagantes et colorées. D’immenses propriétés à l’architecture complexe alliant parfaitement ancien et moderne. Et une église néogothique devant laquelle j’avais été abandonnée quelques heures seulement après ma naissance. De toutes les villes d’Amérique, il avait fallu que j’atterrisse ici !

Ne vous méprenez pas, je suis heureuse d’avoir trouvé entre ces vieilles pierres des personnes capables de s’occuper de moi. Malgré la sévérité et la froideur des lieux, j’y ai découvert un foyer et beaucoup d’amour auprès de ces religieuses. De drôles de personnages qui m’avaient accueillie et acceptée.

J’ai toujours été une enfant curieuse et téméraire. À l’âge de 5 ans, j’avais escaladé l’immense orgue lors d’une messe pour sentir l’air s’échapper de ses gigantesques tuyaux. L’un des paroissiens m’avait remarqué et avait alerté le père Mattieu. Je me souviens encore du visage rouge de colère du jardinier qui avait été obligé d’apporter l’une de ses échelles pour m’aider à descendre et des cris de la mère supérieure.

Pour mes dix ans, j’étais bien décidé à grimper sur le clocher. Je voulais me rapprocher du ciel dans l’espoir que Dieu m’entende enfin et me ramène mes parents. Malheureusement pour moi, j’avais heurté la cloche dans un chaos qui me fit perdre l’équilibre. J’avais bien failli m’écraser dans la cour du cloître et me rompre le cou. Heureusement, j’étais parvenu à m’accrocher à la gouttière et à me hisser sur le toit. Cette fois-ci, ce sont les pompiers qui avaient été contraints d’intervenir. J’étais si confiante que lorsque l’un d’eux m’avait rejointe sur les hauteurs de l’église, je n’avais pu m’empêcher de lui demander s’il était mon père. Quelle naïveté !

Mais de toutes mes erreurs, j’ai commis la pire le jour de mon quinzième anniversaire en acceptant de relever le pari de cet imbécile de Yanis : descendre dans les catacombes et y allumer des pétards pour effrayer les religieuses. J’avais bien évidemment refusé, je n’étais pas si stupide, enfin presque… car lorsqu’il m’avait traitée de froussarde, je n’avais pas su lutter contre mon foutu orgueil. Faisant fi de tout bon sens et ignorant totalement que les tunnels étaient instables et dangereux, j’avais couru droit vers la catastrophe, prenant le risque de causer des dommages irréparables dans tout l’édifice de Sainte-Catherine. Par chance, sœur Hélène était de surveillance cet après-midi. Elle m’avait aperçu alors que je me faufilais à l’entrée du cimetière et m’avait arrêtée avant que je ne commette l’irréparable. Après m’avoir tiré les vers du nez et fait quelques remontrances, elle m’avait promis de ne pas me dénoncer à la mère supérieure. En contrepartie, j’avais été tenu d’accepter de ne plus parler à Yanis et aux autres garçons de l’équipe de foot du lycée. Non pas que cela me dérangeât, je ne les portais pas dans mon cœur ! Mais ils ne pouvaient s’empêcher de me chercher. De m’emmerder.

Difficile de se fondre dans la masse, lorsqu’on est la seule orpheline du coin, sans un sou, dans un établissement pour gosses de riches. Autant dire que je n’étais pas la plus populaire, mais je m’en fichais pas mal. J’avais d’autres préoccupations. Malgré mon côté aventurier et rebelle, j’étais une fille sérieuse, du genre premier de la classe qui espérait obtenir une bourse d’études pour l’Université. J’avais dans l’idée d’étudier le droit et de devenir avocate. Un doux rêve qui ne verra jamais le jour !

Au lieu de cela, j’ai fini par travailler dans un vieux bar à la sortie de la ville et je vivais dans un petit studio juste au-dessus. Le patron, Willis, était un type étrange, mais sympa. Il m’a pris sous son aile juste après le décès de sœur Hélène. Cette femme était comme une mère pour moi et sa mort m’a anéantie. À tel point que j’ai décidé de tout abandonner – le lycée, mes rêves et ma chambre à Sainte-Catherine – et de m’enfuir. Mais sans un rond, je ne suis pas allée très loin. J’attendais devant l’arrêt de bus quand j’ai croisé Willis pour la première fois. Il faisait nuit, l’ampoule du lampadaire au-dessus de nous diffusait une lumière blafarde clignotante et il avait tout l’air d’un tueur en série : une silhouette massive habillée tout de noir, une grande capuche couvrant son visage, le pas lourd et traînant. Je ne me sentais pas franchement à l’aise quand il s’était posé juste à côté de moi. Son souffle était bruyant et il dégageait une aura terriblement effrayante. Je luttais contre l’envie de me sauver lorsqu’il s’était retourné vers moi en marmonnant un truc incompréhensible. Il sortit un paquet de clopes d’une de ses poches en me demandant si je fumais. Je secouai la tête pour dire non, ne faisant pas confiance à ma voix à cet instant. Il haussa les épaules, en prit une et l’alluma. Durant quelques secondes, j’étais parvenu à apercevoir ses traits sous la lueur de la flamme de son briquet, et ma peur s’était soudain envolée. J’ignorais pourquoi, parce qu’entre la cicatrice sur sa joue droite, sa mâchoire découpée au couteau et son regard noir, rien chez lui ne paraissait réconfortant. Et pourtant… j’avais eu le sentiment que je pouvais lui faire confiance, comme si je le connaissais. On avait bavardé quelques minutes, le courant passait bien. Il m’avait parlé de son établissement pas très loin d’ici, de sa difficulté à trouver un barman sérieux malgré le salaire pas trop dégueu et le logement juste au-dessus. Une occas’ en or, selon lui… et je ne me souvenais pas comment on en était arrivé là, mais il avait fini par me proposer le poste. Comme ça. Sans me connaître. J’avoue avoir été stupéfaite et soulagée. J’étais totalement indécise quant à mon avenir. Ok, je comptais me barrer de cette ville, mais je n’avais aucun plan. Juste quelques dollars qui m’auraient permis au mieux d’atteindre le bled le plus proche et de prendre une chambre pour une nuit dans un hôtel miteux. Après quelques secondes de réflexion, j’avais attrapé mon sac et je l’avais suivi.

Depuis, j’étais barmaid et j’avais des économies – pas grand-chose – mais je n’étais pas encore prête à quitter Greylyn. J’aimais mon job et la compagnie un peu grincheuse de Willis. C’était loin de tout ce que j’avais imaginé pour mon avenir, mais ce n’était pas si mal. J’avais toujours été une créature de la nuit, alors les horaires étaient parfaits pour moi. Je commençais mon service vers vingt heures pour terminer en général sur les coups des trois heures du matin. Après, j’avais la journée de libre et je la passais, en général, bien emmitouflée sous ma couette ou, lorsque le temps me le permettait, au bord de l’eau, à l’abri des regards dans une crypte seulement connue des locaux. Heureusement, c’était le lieu de débauche des jeunes une fois la nuit tombée, mais lorsque les premiers rayons du soleil se levaient, elle redevenait calme et isolée.

- Yanis, c’est l’heure de la fermeture. Ne me force pas à jeter ton cul dehors.

Yanis. L’ancien capitaine de l’équipe de foot et Roi du lycée. À présent, pilier de bar. Il avait perdu sa bourse d’études après un accident sur le terrain. Une star du foot déchue, il avait gâché toutes ses chances de devenir quelqu’un en noyant sa colère et son désarroi dans l’alcool. S’il n’était pas à la rue, c’était uniquement grâce à la fortune de son père. J’aurais dû jubiler à cette vision affligeante, j’en avais parfaitement le droit après l’enfer que lui et ses amis m’avaient fait vivre au lycée, mais ce n’était pas dans ma nature. Il me faisait presque de la peine…

Il leva difficilement les yeux vers moi et, avec un sourire diabolique figé sur son visage, il me gueula dessus :

- J’aimerais bien voir ça, tiens ! C’est pas c’soir que tu pourras décoller mon cul d’ce tabouret, Aby ! Ce s’ra l’heure de la fermeture quand je l’aurais décidé… et j’ai encore un paquet de billets, alors sers-moi un verre !

Il n’avait pas tout à fait tort, je n’étais pas de taille face à lui. Malgré une année à boire comme un trou, il avait toujours un corps d’athlète. Une véritable montagne de muscles que je serais parfaitement incapable de faire bouger, mais il était hors de question que je lui laisse le dernier mot.

Je m’apprêtai à lui lancer une réplique cinglante quand Willis fit son apparition. Il s’approcha du crétin assis au bar et lui lança un regard noir accompagner d’un grognement sourd. Il ressemblait à un ours ainsi et personne n’a l’intention de discuter avec lui quand il était comme ça. Yanis se leva et sortit sans faire le moindre commentaire.

- Je ne comprends pas que son père ne lui ait pas encore coupé les vivres, râlai-je en nettoyant la surface collante du comptoir.

- Ce ne sont pas nos histoires, p’tite… maugréa Willis en remontant les chaises sur les tables. Tu devrais monter coucher, Aby. Je vais finir ici.

- T’es sûr ? Ça n’me dérange pas d’rester pour t’aider…

En réalité, je rêvais de ma couette depuis déjà deux bonnes heures, mais je n’avais pas pour habitude de quitter le travail avant d’avoir terminé ce que j’avais à faire. Willis avait bossé toute la journée et il n’avait pas l’air moins fatigué que moi.

- Oui, oui, c’est bon. J’attends quelqu’un de tout’façon.

Il me fit signe de partir et ferma la porte à clé derrière moi.

La nuit était fraîche pour un mois de septembre et la lune pleine éclairait la rue d’une douce lumière. J’aimais cette ambiance calme. La nuit m’avait toujours apaisée. Après quelques minutes à rêvasser, les yeux accrochés au ciel étoilé, je me dirigeai vers la porte juste à droite du bar. Des escaliers menaient à un petit hall qui donnait sur l’appartement de Willis et le mien. J’ouvris ma porte et m’enfonçai dans la pénombre de mon studio.

Texte de L. S. Martins

 

 

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Alban Vivicorsi vor einem Jahr

Ça démarre bien ! Bravo ! Hâte de lire la suite.

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