

Comme à la Maison
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Comme à la Maison
Il y a des lieux comme ça qui méritent d'être mis en avant. Il y a des lieux comme ça, insolites, qui détonnent par l'audace et la fructueuse créativité de ceux qui l'ont conçus. La Maison, dans le domaine des soins palliatifs en France, en fait indéniablement partie.
Après une semaine de stage passé dans cet endroit afin de clôturer mon D.U (Diplôme Universitaire en Soins Palliatifs), il ne m'a pas fait l'ombre d'un doute, dès le premier jour, que j'allais vous en écrire un petit article, dans la continuité de ceux que j'ai écrit sur les soins palliatifs.
Bonne balade dans ce lieu qui prouve, si besoin était et à l'encontre de nombreux à priori, que dans notre discipline des soins palliatifs on est dans une approche résolument tournée vers la vie, qu'on soutient, tant qu'il y en a ! Et c'est ça qui fait la beauté de notre métier, derrière le spectre terrifiant de la grande faucheuse à laquelle nous sommes si souvent (trop) associés.
Créée initialement en 1994 afin d'accueillir les patients atteints de VIH, la Maison donc, cet établissement de santé situé à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône (13), en dessous d'Aix-en-Provence, s'est progressivement modifié et agrandi pour devenir une Unité de Soins Palliatifs (USP), maintenant 2 avec la Villa Izoï, capable d'accueillir des patients atteints d'une malade grave et incurable qui menace leur vie à plus ou moins brève échéance, qu'il s'agisse du VIH, de cancer ou d'une maladie neurodégénérative, entre autres.
Mais, pénétrez à l'intérieur de ce bâtiment pour mieux vous rendre compte !
La première chose qui frappe, quand on entre dans cette structure de soins...c'est qu'on ne se sent pas dans une structure de soins. Mais bien plutôt comme à la maison.
Plusieurs fauteuils confortables sont installés dans le hall d'entrée. On est d'emblée frappé par la décoration, car de nombreuses œuvres, tableaux, sculptures, peintures... ornent les murs ou composent des éléments du mobilier, multiple et varié.
Un peu plus loin, il y a des jeux pour enfants. A côté, des jeux de société. Un peu plus loin, un piano à queue.
Après quelques pas autour d'un petit patio décoré, on trouve un petit salon avec une banquette et quelques fauteuils disposés autour d'une cheminée. Divers livres y sont mis à disposition au sein d'une petite bibliothèque, à moins qu'il ne vous prenne l'envie de prendre la guitare, la darbouka ou le synthétiseur pour jouer un petit air. Mais qui vois-je donc, savamment vautré sur le fauteuil ? Un chat, Brooklyn, tout doux et câlin, qui semble y faire sa sieste depuis une éternité...
A droite de l'entrée, l'accueil et le secrétariat, ainsi que quelques bureaux spacieux derrières. L'ensemble est ouvert sur le reste de l'établissement, délimité par des parois vitrées.
Un peu plus à droite, la salle de l'Hôpital de Jour. C'est en fait un grand espace, vitré et lumineux, chargé de matériel artistique et de réalisations diverses. Quelques fauteuils électriques et une petite pièce d'examen sont à disposition pour la prise en soin.
Sinon, l'espace ressemble plutôt à un grand atelier, centré par une grande table, quelques chevalets, de multiples compositions dispersées un peu partout, des pots à pinceaux, des ciseaux et de la peinture. On y réalise historiquement de nombreux ateliers créatifs avec les patients venus pour la journée.
Un peu plus au fond à droite, répartis sur deux étages, l'Hospitalisation Complète, où se repartissent 24 chambres, douze au dessus, douze en dessous.
Toutes sont situées autour d'un grand patio central, composé d'un petit bassin avec quelques poissons, quelques arbustes et une végétation grimpante, splendides jasmin et chèvrefeuille, qui se faufilent à travers la rambarde de la promenade intérieure.
Chaque chambre, spacieuse, dispose de sa salle de bains adaptée, climatisation, de cadres où l'on peut disposer photos ou décoration personnalisée, de mobilier pour y installer ses affaires. Chacune possède également une petite terrasse individuelle pour un accès vers l'extérieur. Dans les couloirs, des meubles variés récupérés dans les brocantes ou vide greniers.
Des salles de balnéothérapie avec baignoire centrale et lève-personne permettent d'offrir un bain aux résidents, notamment pour les plus fragiles et dépendants. Plusieurs petits salons, avec fauteuils, plantes vertes et œuvres d'art sont laissés à disposition des familles. Là, un autre chat, Billy, a trouvé place pour y prodiguer une magnifique sieste féline.
La salle de soins, fonctionnelle et comportant tout ce qu'il faut, est épurée de tout ce qui rappellerait de manière non indispensable le soin. Pas de vieux placards métalliques ou de tiroirs en plastique avec tous les noms des médicaments notés dessus ; tout est bien rangé derrière des tiroirs discrets aux aspects bois, et préparé sur la paillasse uniquement le moment venu.
Pas de blouses chez les soignants. Pas de chariot de soins pour distribuer les médicaments dans les couloirs. Pas de numéros sur les chambres. Ici, on se vouvoie, on se tutoie, on s'appelle par les prénoms bien plus souvent que par les noms. La dimension du soin, bien qu'essentielle et raison d'être de cette structure, ne doit pas prendre toute la place ici, et rester à sa juste place, le plus discrètement possible.
De nombreux bénévoles interviennent dans cette structure, un ou deux par secteur, en complément des soignants, pour accompagner les patients, participer des soins, offrir du temps et de la disponibilité pour permettre un accompagnement de qualité auprès des résidents.
Plus au fond à gauche, la salle à manger/cuisine, où des distributeurs haut de gamme de boissons chaudes, une fontaine à eau et glaçons, un large choix de tisanes et de thés sont mis gracieusement à disposition de tous.
A moins que vous ne souhaitiez vous presser une orange ou un pamplemousse pour vous faire un jus de fruit frais ? Ou peut-être couper un morceau de pain et vous étaler un peu de confiture ou de pâte à tartiner dessus ? N'hésitez pas à prendre un morceau de beurre dans le frigo juste en dessous ! Servez-vous, c'est en libre accès, comme si c'était chez vous...
Les cuisiniers nous saluent chaleureusement, tandis qu'ils préparent avec soin et inventivité le repas du midi devant nos yeux, dans une sorte de cuisine à l'américaine donnant directement sur la salle à manger.
Cette salle à manger où nous allons tous nous retrouver ce midi, patients, familles et soignants, pour déjeuner ensemble dans un esprit de partage et de convivialité, afin de se raconter les anecdotes de la journée et ou des récits de bouts de nos vies respectives. Les brancards pourront y côtoyer les fauteuils roulants, les concentrateurs d'oxygène ou les nutritions entérales au besoin. Le chien du directeur, Neda, y quémande silencieusement un providentiel morceau tombé de l'assiette. Pas besoin d'aboyer, tout est exprimé dans son regard humide et attendrissant !
Chacun vient dans cette pièce de vie commune avec ce qu'il est, sa personne, son histoire de vie, sa pathologie et les handicaps qu'elle peut occasionner, mais avant tout dans un esprit de partage et d'humanité, maintenant à sa juste place le soin ou l'assistance nécessaire, sans pour autant les nier.
Certains sont là pour un séjour de répit de quelques jours ou quelques semaines, afin de permettre à leurs aidants principaux de pouvoir souffler et prendre soin d'eux aussi. D'autres sont là pour des durées plus longues, car leur perte d'autonomie rend le retour à leur domicile plus compliqué, de manière passagère ou durable. Certains y viennent pour y passer leurs derniers instants de vie. Quand un résident vient à partir, on allume une petite bougie sur une commode, le temps qu'il reste encore présent dans les locaux. Son corps peut être conservé plusieurs jours dans une morgue, jusqu'aux funérailles, tandis qu'une salle de de recueillement et de présentation du corps décorée d'un vitrail neutre et coloré, avec grand bougeoir, musique, est laissée à disposition des familles. Cela aide peut-être aussi certains soignants à faire leur deuil d'un patient plus doucement.
Mais en attendant ce moment qui clôture un temps de vie, de la vie, il y en a ! Et il s'agit de la célébrer et la rendre agréable autant que possible. Alors, des artistes viennent régulièrement y soumettre leurs propositions, concertos, lectures, représentations, ateliers d'expression participatifs...
Du beau monde est déjà passé semble-t-il, comme Renaud Capuçon, Camille Cottin ou François Cluzet par exemple, pour donner un peu de leur temps à partager avec tout le monde qui le peut et le souhaite. Il paraît même qu'un cheval, Cha, vient parfois se promener dans ces couloirs, une ou deux fois par trimestre, pour rendre visite aux résidents ! Je ne pourrais malheureusement pas le voir car pas la bonne semaine..
Mais j'assiste à un très beau concert de piano, où le musicien enchaîne tour à tour du Chopin, du Mozart ou du Gershwin, du Polnareff, Aznavour ou Brel, les Champs-Élysées ou les Copains d'abord, pour tous ceux, patients comme soignants, qui ont pu se déplacer, de manière autonome, avec leur chaise roulante ou leur brancard, pour y assister. Le lendemain, c'est l'école de musique d'Aix qui vient proposer son récital.
Autrement, l'association, qui récolte de substantiels dons et subventions provenant des familles, de mécènes, d'organismes publics ou d'institutions privées, finance des projets ou l'achat de matériel. Cela permet d'organiser des sorties à l'extérieur, avec des véhicules de la structure, aller au marché ou chez le coiffeur, assister à un spectacle ou suivre une visite organisée. Il y a même des baptêmes de l'air en petit avion proposés pour les plus motivés !
Bref, un lieu de vie unique et très particulier, militant et engagé, la Rolls Royce des soins palliatifs comme on me l'avait initialement présenté, centré sur la vie, sur l'art et la culture, sur le relationnel et l'humanisme si cher aux soins palliatifs. Cela fait du bien de savoir que ce genre de lieu existe, et motive indéniablement à continuer de défendre et soutenir de diverses manières la vie, du mieux qu'on peut, tant qu'il y en a !
Merci à vous tous d'être là et de m'avoir accueilli cette semaine parmi vous.

