Acte I d'une tragédie en vers qui cherche un metteur en scène
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Acte I d'une tragédie en vers qui cherche un metteur en scène
Bonjour Panodyssey !
C'est avec quelques siècles de retard que je vous livre une tragédie en vers directement inspirée par une du grand Racine !
Je sais bien qu'à notre époque est considéré comme fou, insensé, délirant, utopiste, rêveur, inconscient, celui qui ose encore écrire et soumettre à un quelconque public une tragédie en vers, mais j'assume. Je me dis que la beauté ne se soucie pas des modes et que ce sommet de l'art dramatique, déjà atteint, doit désormais se sentir bien seul. Bien sûr, Rostand et son Cyrano ont été capables d'y planter un drapeau, mais.... depuis ?
Notre génération - et donc moi - pourra-t-elle de nouveau retrouver cet horizon sublime où poésie et passion se tendent la main dans un désir profond d'union parfaite ?
Nul ne le sait mais je veux y croire. Cette pièce que je viens de finir et que je vous soumets aujourd'hui s'intitule "Bérénice après Titus et vice versa". Cinq actes, 1519 alexandrins. Nous sommmes deux ans après la pièce de Racine, Bérénice a rejoint Rome et l'empereur Titus, qui entre temps a affronté l'incedie de Rome, la peste et la catastrophe du Vésuve à Pompéi, vient de mourir. Un Messager vient annoncer sa disparition à Bérénice et son désir de la voir rejoindre Rome pour y honorer sa mémoire. La suite ? Si ces quelques dizaines de vers vous séduisent, demandez-la moi ! Mais ce qui est certain c'est que, comme dans la vie, les apparences sont souvent trompeuses...
En vous livrant cet acte I, je lance un grain de sable dans un océan déchaîné et je rêve de le voir survivre aux gouffres sans fond, aux gueules béantes des monstres marins, aux pirates affamés de pépites, aux îles perdues où s'échouent tant et tant de grains de sable parfaits, et j'espère que, sain et sauf, il arrivera dans la main de celui qui saura l'apprécier et le rendre brillant.
A vous !
PERSONNAGES
Par ordre d'apparition :
-
Bérénice, reine de Galilée et de Palestine,
-
Phénicie, femme de confiance de Bérénice,
-
Le Messager,
-
Agrippa, roi de Galilée et de Palestine, frère de Bérénice,
-
Le Fantôme de Titus,
-
Antiochus, roi de Comagène,
-
Titus, Empereur de Rome.
Les événements suivants se déroulent en septembre 81 après Jésus-Christ, en Galilée, dans le palais de Bérénice et d'Agrippa.
Dans la chambre de la reine.
Acte I, scène 1 : Bérénice, Phénicie
Chambre de reine, un grand et beau lit, des voilures.
Au centre, une baignoire à l'eau fumante.
Entre Bérénice.
BÉRÉNICE
Entre ici, Phénicie, et me donne un bon bain.
En ce monde imparfait, j'ai pour bonheur tes mains
Qui savonnent mon corps et chassent mes malheurs
Car je peux sous tes doigts sentir battre mon cœur.
Entre Phénicie, tête basse, lentement.
PHÉNICIE
v. 5 Il vous faut, ma reine, m'écouter sans tarder.
Je viens de voir monter ici un Messager.
BÉRÉNICE
Eh bien ? N'aie donc pas peur. Parle-moi, s'il te plaît.
Sais-tu déjà ce qu'il vient dire en mon palais ?
PHÉNICIE
La rumeur, Bérénice, a déjà répandu
Son sang dans nos allées mais, en servante émue,
Je préfère vous mettre un garrot sur l'oreille
Car ces mots vous seraient une mort sans pareille.
BÉRÉNICE
Ma mort, dis-tu ? Allons ! Le roi, mon frère, est là,
Juste en dessous de nous, bien loin de son trépas.
Le voir mourir serait un chagrin sans pareil !
PHÉNICIE
Non, le cœur d'Agrippa bat encore au soleil
Même s'il a écouté les mots du Messager.
Et c'est lui justement qui m'envoie vous parler.
BÉRÉNICE
Ah. Je vois. Il s'agit de nouvelles de Rome
Et mon frère le roi ne sait parler en homme.
Il a besoin de toi pour contourner mes pleurs
Dès lors qu'on prononce le nom de l'Empereur.
Eh bien, rassure-le : quelque soit la nouvelle
À entendre aujourd'hui, magnifique ou cruelle,
Je tairai les chagrins que Titus a semés
Et les épines qu'en mon cœur il fait pousser.
PHÉNICIE
Titus, que vous nommez, est au cœur de l'affaire
Et je tremble en pensant que la rumeur si fière
Que devance à peine mon pas jusqu'à vos yeux
Puisse être vérité. Je ne sais si je peux
Apaiser vos douleurs. Personne sauf le roi
Ne connaît le secret porté sous notre toit
Mais son regard sur moi, plein d'un espoir indu,
Me pousse à donner foi à ce que j'ai perçu.
BÉRÉNICE, s'asseyant
Je ne connais que trop, ma triste Phénicie,
Les funestes visions nous frappant sans avis
Et je vois dans ta voix, et je sens dans ton sang
L'alarme si cruelle aux allures d'Hadès.
Va. Fais entrer cet homme et mets-le à son aise.
Mon frère avait raison. Si dans la même phrase
J'entends « Titus » puis « mort », avec ou sans emphase,
Mes pleurs, mes cris, viendront, et jusqu'à Rome iront
Mais ta présence au moins me rendra moins souillon.
Ils auront, mes chers pleurs, la douceur de tes mains
Sur mon cœur qui a vu déjà tant de chagrins.
Va. Ne fais pas attendre un Messager de Rome.
Après tout, je suis reine et dirige les hommes.
Peut-être simplement s'agit-il d'ordonnances
Jetées par l'Empereur aux confins des provinces.
v. 50 Va, te dis-je, et respire : on ne peut en ce monde
Qu'on soit puissante reine ou servante inféconde,
Que subir sans un mot les décisions cruelles
Qui nous frappent sans joie comme le sol la pelle.
PHÉNICIE, sortant
Je souhaite ma reine à votre cœur si sage
D'avoir à écouter le plus doux des messages
Et je sors à regret, vous laissant seule ici.
Un seul cri de ma reine et j'accours sans avis.
Acte I, scène 2 : Bérénice
Bérénice seule.
BÉRÉNICE
Il me faut désormais faire face à l'Empire
Et conserver intact ce si noble sourire
Que le Sénat d'hier a tant de fois voulu
Éteindre et qu'un seul mot de Titus a exclu.
Que veut ce Messager ? M'annoncer un trépas
Ou me dire au contraire un nouvel aléas
Qui me ferait enfin de Rome impératrice ?
Titus pourrait-il donc regretter mes délices
Et imposer ses vœux à tous ses sénateurs ?
A-t-il su affronter enfin nos détracteurs
Pour qu'une reine à Rome abolisse les règles
Qui empêchent deux cœurs de se muer en aigles ?
Va, Bérénice, ouvre cette porte et écoute,
Sans trembler ni crier, ces refrains qui s'égouttent
De la bouche lointaine et jadis embrassée
D'un Empereur béni par les dieux attablés.
Bérénice se lève.
Acte I, scène 3 : Le Messager, Bérénice
Le Messager entre, en longs habits, visage masqué. Il s'incline devant Bérénice.
LE MESSAGER
Recevez, Madame, les hommages sincères
De Rome toute entière où vous brilliez hier.
BÉRÉNICE
Rome ne chante plus mon auguste prénom
Depuis que l'Empereur pour de vaines raisons
M'a chassée malgré lui de son palais de haine
Qui ne savait souffrir en ses murs une reine.
Deux années ont passé, tant de jours ont roulé
Qu'il t'est bien inutile aujourd'hui de draper
Ton arrivée ici d'un ridicule hommage.
Rome a parlé avec la voix de tous ses sages.
Dis-moi plutôt pourquoi tu masques ta figure
À mes yeux de reine qui craignent les parjures.
LE MESSAGER
Les guerres et la vie ont abîmé ma face
De telles blessures que j'en cache les traces.
Les seuls trésors en moi sont les mots que je porte
Des palais de l'Empire aux plus petites portes.
Et j'ai, Madame, un mot de Rome à vous transmettre
Qui me vient sans mentir du plus grand de nos maîtres.
BÉRÉNICE
L'Empereur Titus ?
LE MESSAGER
Oui.
BÉRÉNICE
Tu as mon attention
Car je veux connaître toutes ses décisions.
LE MESSAGER
Je vais tout vous conter mais vous allez souffrir
Car je mène en vos murs des nouvelles la pire.
Mon cheval jour et nuit a couru jusqu'à vous
Et je sais que mes mots vous mettront à genoux.
BÉRÉNICE
Dis-moi donc sans tarder la raison pour laquelle
On inflige à ton corps ce voyage cruel
v. 100 Que même l'Empereur en deux années complètes
N'a jamais pu m'offrir comme on paye une dette !
Que sais-tu, Messager ? Toi qui vis Rome hier,
Quels maux as-tu à ajouter à mes misères?
Parle ! Et ne cache rien ! Je sens déjà venir
Au creux de mes vieux reins un funeste avenir.
LE MESSAGER
Avant de dégainer l'épée sur votre cœur,
Laissez-moi, Bérénice, offrir à vos malheurs
Le rapport des deux ans qu'eut à vivre César :
Loin de vous, son destin entra dans le brouillard.
Les fléaux tombèrent sur Rome comme un astre
Dans la nuit et Titus affronta les désastres :
Le Vésuve d'abord cracha depuis le ciel
La colère des dieux sur la terre et son miel.
Impuissant face aux vents, l'Empereur tout petit
Ordonna que l'on sauve au cœur de Pompéi
Tous ceux qui quoi qu'on dise appartenaient aux hommes,
Alors que lui pleurait sous cette cendre hors-normes
La mort de son ami, le grand Pline l'Ancien.
Nous le vîmes alors devenir plébéien
Au cœur des plébéiens noyés sous ce ciel noir
Tant il multiplia les efforts et l'espoir
Pour offrir aux vivants une nouvelle vie.
Mais les dieux n'en avaient pas fini avec lui
Et, comme s'ils voulaient qu'il honore... une dette
Ils décidèrent de frapper Rome à la tête
En versant dans les rues de notre capitale
Tout d'abord les refrains d'une mort sans égale :
Quand la peste frappa aux portes des Romains,
Titus se jeta, lui, en père sur leurs mains.
Au risque de quitter trop tôt ce triste monde,
Il aida tant et tant de corps en ces secondes
Que même un dieu vengeur en eût été touché.
Mais Thanatos n'avait toujours pas rassasié
Lui, ses appétits d'ogre au cœur de nos ruelles
Car, après tous ces morts, qu'on poussa à la pelle,
Il ordonna au feu de dévorer tout Rome
Et encore une fois Titus agit en homme.
L'incendie que Néron avait jadis voulu
Parut bien moins intense aux sapeurs dans nos rues
Que ce brasier sans fin qui abandonna Rome
Aux fureurs de ses dieux et aux cris de ses hommes.
Titus, lui, toujours grand s'empressa de sauver
Dans les maisons en feu les gens et leurs bébés.
On le vit dans la flamme affronter le destin
Et tendre aux plus petits sa plus puissante main.
Les désastres, Madame, ont voulu le briser
Mais l'Empire attaqué par des dieux déchaînés
Découvrit un Titus plus glorieux qu'un Hercule.
En un mot, ces deux ans furent un crépuscule
v. 150 Contre lequel Titus lutta pour éviter
Que ne tombât la nuit sur l'Empire assiégé.
Puis les dieux parurent céder devant Titus
En laissant Rome enfin revivre sans hiatus.
Mais... il y a trois jours... Jupiter... a …. signé
Un... décret... si... cruel... que... mes mots... gangrénés...
Ne peuvent... jusqu'à... vous... courir : Titus... est...
BÉRÉNICE
Mort ?...
LE MESSAGER
Oui, Madame, il nous faut prononcer le mot : mort.
BÉRÉNICE
Ah ! Messager ! Ta voix en chutant me condamne
À être le jouet d'un sort où ploie mon âme !
C'est moi qui en parlant ai sorti des vivants
Celui qui de mon cœur fut l'unique tyran !
Il fallait que je dise au lieu de « mort » « en vie »
Et sur mon cœur toujours il aurait à l'envi
Tracé en lettres d'ors ses baisers triomphants !
Mais en le disant mort, j'affronte ces tourments
Qu'aucune amoureuse – jamais ! – ne doit croiser !
Tombe sur ma tête la plus cruelle épée !
Ne pas savoir permet d'imaginer les jours
De celui que l'on aime et j'en ai clos le cours !
Ah ! Maudite ! À moi les nuits sans sommeil, sans joie !
Éros tuera Hypnos dans mon cœur tout de bois !
Quoi ? Ce cœur désiré plus que ma propre vie
Aurait de notre monde éteint toute bougie ?
Ah ! Messager ! Par ce seul mot que tu m'infliges,
Toute la Galilée a perdu son prestige !
La haine en mon palais est entrée triomphale !
Et ne sort de mon corps qu'un refrain infernal
Qui glace tous mes sangs d'un hiver éternel !
Tu me dis que Titus, l'Empereur sans appel
Qui règne sur tout Rome et mon cœur asservi
A rendu sur sa terre et mes baisers enfouis
Son tout dernier soupir qui échappe à mes yeux...
Ah ! Je veux m'engloutir sans délais sous les cieux !
LE MESSAGER
Madame...
BÉRÉNICE
Il te faudrait des milliers de saisons
Pour voir guérir mon cœur transpercé de passions !
Si Titus a péri sous le soleil de Rome,
Va, Messager, dire au monde et à tous ses hommes
Que Bérénice ici, trois fois veuve déjà
Avant que d'être haïe par Rome et son Sénat,
Périra sans amour et pleine de chagrins
Car Titus plus jamais ne prendra son chemin !
Celle qui se rêva impératrice aimable
Sera de Galilée la reine inconsolable.
Je ne veux, dès ce jour, ne plus voir en ces murs
Que l'ombre amoureuse d'un Empereur si dur
Envers moi, malgré lui, malgré moi, envers nous
Car dans ma peine il reste un souvenir de nous.
Dis à mon frère et à ma servante mon choix :
Elle désigne sa baignoire pleine d'eau.
Comme ce bac attend de redevenir froid,
v. 200 J'attendrai en son sein la mort qui refroidit
Et console sans joie celui qui fuit la vie !
Va maintenant.
LE MESSAGER
Non, je ne peux.
BÉRÉNICE
Et pourquoi donc ?
LE MESSAGER
Car je suis des secrets la plus fidèle conque
Et qu'à notre Empereur qui mourait j'ai promis,
Comme promet l'amant, comme promet l'ami,
De vous prendre avec moi jusqu'à nos rues en deuil.
BÉRÉNICE
Quoi ? Moi ? Marcher vers Rome et à chacun des seuils
Entendre sur mon nom tomber tous les reproches ?
Je suis aux yeux de ceux qui veillent sur ces porches
La menace lointaine aux cent mille visages
Qui ferait de l'Empire un modeste village
En foulant de mes pieds leurs règles ancestrales.
Donc non. Je ne pars pas et je fuis leur cabale.
LE MESSAGER
Je vous ai dit : J'ai promis à Titus mourant
D'honorer son seul vœu et je serai céans,
Dans votre beau palais, jusqu'à votre départ
Pour Rome où le Sénat va faire sans retard
De Titus un tout nouveau dieu.
BÉRÉNICE
Vraiment ?... Un dieu ?
LE MESSAGER
Au Sénat, on ajoute un astre dans les cieux
Dès qu'à Rome un César embellit son empire
D'une terre nouvelle ou de bienfaits à dire.
Or toutes les missions que l'Empereur donna
Chaque jour à son corps, de Rome qui brûla
Aux pentes du Vésuve et aux corps qui tombèrent,
Firent de lui un dieu qui demain dans les airs,
Aidé de votre amour, protégera tout Rome.
Je lui promis d'être pour vous un majordome
Dans ses palais romains qui n'attendent que vous
Pour orner leurs murs des beautés dont il vous loue.
BÉRÉNICE, plongeant et passant sa main dans l'eau de la baignoire puis s'asseyant sur le lit
J'ai besoin, Messager, de mesurer en moi
Si je puis honorer ta promesse et mon toit.
Le passé qui m'accable offre-t-il un futur
À mes pieds dans la Ville où je souffris si dur ?
Va. Attends-moi dehors. La reine Bérénice
Doit discuter avec la femme Bérénice.
Le Messager sort.
Acte I, scène 4 : Bérénice
Bérénice seule, déambulant.
BÉRÉNICE
Ainsi donc il faudrait rejoindre cette Ville
Où l'éclat des César rend les astres futiles
Pour offrir à nouveau ma gorge et mon honneur
Au Sénat qui hier réclama mes malheurs.
C'est ainsi que Titus aux portes de Pluton
Voulut mon avenir loin de cette prison...
Je devais sur ces murs, ce lit, cette baignoire
Porter jusqu'à mon terme un regard sans espoir ;
Je devais tous les jours sourire à Phénicie,
Parler à Agrippa des questions du pays
Et tous les soirs coucher ma tête sans Titus...
Hélas ! Titus est mort et rompt mes habitus !
Il me veut à Rome au milieu de leur vengeance
Et des Champs-Élysées, lui, couvert de louanges
v. 250 Regarderait mes maux sans rien pouvoir y faire !
Ah ! Seigneur ! Empereur de mon cœur de misère...
Pourquoi ? Pourquoi verser sur moi ces infamies
Quand loin de toi je suis reine de mon pays
Et que je n'attends rien de la vie que ma mort
Qui sonnera un jour sur ce cœur que tu mords...
Pourquoi ?... Il faut marcher et permettre à ma tête
De trier sans crier les larmes et les dettes
Qui, si je rejoins Rome, écraseront ma terre.
Qui dois-je suivre entre un Empereur ou un frère ?
Silence.
Mon pays mérite Agrippa et Bérénice
Mais Bérénice aussi mérite les délices
Que dans le cœur d'un homme aujourd'hui dieu sans peur
Jadis elle trouva. Mon pays et mon cœur
M'appellent de leurs vœux comme en été le sol
Implore plein d'entrain des pluies en farandoles.
Je ne puis me couper et envoyer à Rome
Un cœur qui pour toujours ne bat que pour un homme.
Je ne peux sacrifier le nom de ma lignée
Et l'amour de mon roi, mon frère tant aimé,
Mais il me faut choisir, arracher l'un ou l'autre
À mon âme éperdue et vivre dans la faute :
Soit je trahis Titus, soit je tue Agrippa.
Ah ! Seigneur ! Fallait-il que mes pas autrefois
Me mènent jusqu'à toi pour vivre en cette chambre
Un si cruel moment ? Ah... Je sens tous mes membres
Se raidir face à l'ordre insensé de César !
Silence.
Et pourtant... Je vois qu'il ne serait pas trop tard
Pour être à Rome celle que j'aurais dû être :
Au bras du dieu Titus, je n'aurais qu'à paraître,
Offrant sur son autel libations et prières
Et je ne serais plus impératrice amère
Mais la quasi déesse honorant son grand dieu.
Je pourrais sans remords chaque jour sous les cieux
Prononcer ce prénom adulé par tout Rome
Et les cours des palais seraient mon décorum.
Ici, en Galilée, je sais bien que bien vite
Le nom de mon amour disparaîtra des rites
Quand bien même Agrippa, pour me bien consoler,
Ferait s'élever pour Titus un mausolée.
Bérénice cesse de marcher.
Voici ma décision : Je quitte un frère roi
Et rejoins un dieu fort qui, mourant, pense à moi.
Si l'Empire me hait, que son amour me sauve !
Va, Bérénice, va aux devant de ces fauves
Et annonce à ton frère un choix qui le tuera
Mais qui, s'il n'existait, causerait ton trépas.
Bérénice sort.