

Je suis las et tu es là
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Je suis las et tu es là
Auguste marchait depuis des heures dans cette forêt dense et il ne voyait pas à plus de 20 mètres devant lui. Des feuilles, des lianes, des fougères obstruaient continuellement son champ de vision. Un camaïeu de vert s’imprimait littéralement sur sa rétine.
Maudits soient ces brigands qui le forcèrent à quitter le chemin balisé et à courir au hasard en enjambant en toute hâte des troncs et des souches. A plusieurs reprises il avait posé le pied dans des matières visqueuses dont il voulait continuer à ignorer la composition.
Il fallait se rendre à l’évidence, Auguste était perdu. Mais pas légèrement perdu, il était complètement perdu. Cela devait faire quelques heures qu’il n’avait pas vu le moindre petit sentier, ou même une trace de pas qui lui laisserait espérer le passage d’un bipède.
Avoir perdu son chemin était une chose, mais sa course poursuite avait eu raison de sa réserve d’énergie. Auguste était affamé. Ses pas devenaient de plus en plus mal assurés. Il ne pourrait pas continuer comme cela bien longtemps et la nuit risquerait de le transformer en proie facile. Il imaginait déjà les prédateurs tapis dans les buissons attendant le moment où il s’étalerait de tout son long, trop fatigué pour avancer davantage.
Après quelques minutes de marche, les jambes d’Auguste refusèrent de le porter plus longtemps et il s’écroula au milieu d’une clairière. Il commençait à imaginer sa fin arriver alors que sa faim était bien présente. Sa grand-mère lui revint soudain à l’esprit. Il ne pouvait s’empêcher de penser aux petits plats qu’elle lui mijotait et qu’il avalerait goulument s’ils avaient le malheur de croiser son chemin à cet instant. Que n’aurait-il donné pour planter ses canines dans un sanglier à la broche ou des cottes d’agneau rôties. Sa fringale et son obsession pour la nourriture prenaient le contrôle de son cerveau et Auguste se mit à saliver comme si le service était sur le point de commencer.
La grand-mère d’Auguste aimait également raconter des histoires dont il ne ratait pas une miette. Un jour, elle lui avait conté l’histoire de l’hôtel forestier magique. D’après la légende, il s’agissait d’un hôtel que l’on ne pouvait pas trouver si on le cherchait. Il n’avait sa place sur aucune carte et personne n’était en mesure de vous en indiquer le chemin. Cependant, l’hôtel arrivait toujours à point nommé pour aider les gens dans le besoin. Assoiffé, affamé ou fatigué, l’hôtel apparaissait par magie et vous proposait ses services.
Auguste repensa à cette histoire et se mit à rire nerveusement. Si cet hôtel existait vraiment, il constituerait son radeau de sauvetage. Mais le problème des légendes et bien… c’est que ce sont juste des légendes justement.
Couché dans l’herbe, Auguste se noyait dans son désespoir. Petit à petit se fit entendre une musique. Auguste se boucha les oreilles avec les mains, il était en train de devenir fou. Comment pourrait-il y a voir de la musique en plein cœur de la forêt la plus impénétrable qu’il n’avait jamais vue ? Il respira et se calma, la musique était de plus en plus présente. L’air joué sonnait de manière plutôt entrainante et Auguste se surprit à secouer son pied en rythme et taper la mesure avec ses doigts.
Il utilisa ses dernières forces pour se mettre assis et ouvrir les yeux. Devant lui était apparu sous les branches des arbres centenaires, un authentique hôtel. Il se frotta les yeux et aperçu sur le seuil de la porte d’entrée, un petit être barbu qui lui lança joyeusement :
-Bienvenue !
***
Auguste reprenait des couleurs près de l’âtre où on l’avait installé. Il avait dû mettre sa fierté de côté et accepter que les clients de la taverne de l’hôtel viennent le chercher sur son parterre herbeux pour le porter à l’intérieur de la bâtisse. On lui avait immédiatement tendu un tonnelet de bière. Le tavernier avait une théorie assez étrange qui voulait que la bière puisse être à la fois une boisson et un repas. Une boisson évidement car elle est liquide et un repas car elle contient des céréales. Auguste avait accepté sans discuter, il n’avait pas encore les forces nécessaires pour se lancer dans un débat sur la question.
L’ambiance était chaleureuse. Une troupe de bardes jouait des musiques enivrantes et de nombreux clients dansaient ou du moins se trémoussaient aux rythmes des percussions. Des rires se faisaient entendre, des parties de cartes disputées se jouaient.
Auguste sentait les sensations revenir au bout de ses doigts. Il se leva et chancela en direction du bar avec la ferme intention d’en apprendre davantage sur cet endroit. Il hélât le tavernier mais ne savait pas exactement comment débuter son interrogatoire :
-Comment m’avez-vous trouvé ?
-Eh bien, je suis sorti de l’hôtel et je vous ai vu couché dans l’herbe, répondit le tavernier du tac au tac. Vous étiez aussi desséché qu’une feuille d’automne, alors j’ai demandé aux gars de vous ramener à l’intérieur.
-Mais cet hôtel n’a pas toujours été là, j’en suis sûr.
-Je travaille ici depuis plus de 30 ans et je vous garantis que cet hôtel a toujours été à sa place.
-J’étais perdu en plein milieu d’une forêt à des lieux de tout chemin ou sentier et je pourrais jurer que cet hôtel est apparu comme par magie.
-Dans l’état dans lequel vous étiez, on est arrivé à vous remettre sur vos jambes. Vous avez raison, il y a peut-être de la magie là-dessous, à moins que ce ne soit que la bière qui fasse son effet.
-Vous évitez la question mais je suis sûr que d’une manière ou d’une autre, cet hôtel se déplace.
-Et moi je vous dis que cet hôtel est toujours au même endroit.
-Et quel est cet endroit ?
-Il est toujours là où il doit être.
Le tavernier afficha une mine réjouie, ponctua son affirmation avec un léger clin d’œil et repartit d’un bon pas servir ses clients. Auguste avait l’impression qu’il n’apprendrait rien avec lui. Il prit la décision de s’assoir à une table occupée par deux hommes qui chantaient à l’unisson. Il tenta de nouer le dialogue pour essayer de comprendre ce qui se passait ici :
-Bonjour, je m’appelle Auguste.
-Moi c’est Ralf et lui c’est Garrett répondit l’un des deux hommes en montrant son compagnon de tablée.
-Cela fait longtemps que vous êtes ici ?
-Oh non, cela doit faire environ 2 semaines, tout au plus, répliqua Ralf.
-Ou peut-être bien 3, ajouta Garrett.
-Et comment êtes-vous arrivés dans cet hôtel ?
-Oh, ce n’est pas compliqué, expliqua Ralf. J’étais en chemin pour traverser l’immense désert du sud. Je me suis arrêté pour assouvir une envie pressante, si vous voyez ce que je veux dire, et le temps de me retourner mon cheval avait mis les voiles. J’ai marché pendant des jours et finalement je suis tombé sur cet hôtel.
-En plein désert ? questionna Auguste.
-Ouais, opina Ralf.
-Moi je traversais une montagne, embraya Garrett. Il y eu de terribles éboulements et de larges rochers m’ont bloqué le passage. Je ne pouvais plus avancer, ni reculer. J’ai eu de la chance de tomber sur cet hôtel.
-Cet hôtel était donc en pleine montagne ? s’enquit Auguste.
-Ben ouais, confirma Garrett.
-Ecoutez, je suis arrivé dans cet hôtel après des kilomètres parcourus à pied dans une forêt dense, vous voyez bien qu’il y a quelque chose qui clo…
Mais Auguste fut interrompu par le tavernier surgissant de derrière le bar, le plateau rempli à ras bord de choppes et hurlant :
-Tournée générale !
Tous les clients crièrent et ovationnèrent leur hôte. Les pieds se mirent à taper le sol, les mains applaudirent et les bardes repartirent de plus belle. Auguste venait de perdre l’attention de ses deux interlocuteurs. Il allongea machinalement son bras vers le plateau et se saisit, lui aussi, d’une coupe de boisson maltée.
***
La fête se prolongea tard dans la nuit. Auguste s’était mêlé aux autres clients et profitait de la musique. Petit à petit son instinct de détective le quittait et il aspirait simplement à prendre du bon temps.
Les heures avançant, les clients quittaient la taverne par un escalier massif qui semblait donner accès aux étages. Auguste une fois de plus pris place au bar et fit signe au tavernier. Ce dernier rappliqua :
-Que puis-je faire pour vous ?
-Où vont les clients qui empruntent l’escalier ? interrogea Auguste.
-Bah, nous sommes un hôtel, ils vont se coucher.
-Tout le monde a une chambre ici ?
-Mais bien entendu, vous aussi d’ailleurs.
-Moi, j’ai une chambre dans votre hôtel ?
-Dès que vous avez franchi le seuil, j’ai demandé qu’une chambre soit préparée pour vous accueillir, il n’est pas prudent de reprendre la route en pleine nuit.
-Mais je n’ai pas les moyens de régler une chambre d’hôtel.
-Ne vous inquiétez pas, profitez de la nuit, reprenez des forces et nous discuterons de tout cela demain matin.
Alors que le tavernier vaquait à ses occupations, Auguste resta pensif quelques instants. C’est vrai qu’il était extrêmement fatigué. Sa course dans la forêt lui avait littéralement scié les jambes. Il termina sa bière d’un seul coup et reposa sa choppe. Devant lui, sur le bar, se trouvait une clé à laquelle pendait l’inscription « 368 ».
Auguste monta dans les étages et chercha la chambre « 368 » à la lumière des nombreuses bougies qui éclairaient le corridor. Il finit par la trouver. Il inséra la clé dans la serrure et la tourna. La porte s’ouvrit laissant apparaître un lit recouvert d’édredons moelleux. Auguste n’avait plus la force de se poser davantage de questions. Il s’affala sur le lit et s’endormit presqu’aussitôt.
***
Les premières lueurs de l’aube atteignirent le visage d’Auguste à travers la fenêtre de sa chambre. Il était surpris de se sentir autant en forme. Pas de courbatures, pas de gueule de bois, il pouvait s’estimer heureux.
Il descendit l’escalier qui le ramena à la taverne où il fut accueilli par le propriétaire des lieux :
-Bien dormi ? Je vous ai préparé quelques œufs sur le plat, les grosses nuits donnent faim.
Effectivement, Auguste avait son estomac dans les talons et fut ravi de pouvoir se mettre quelque chose sous la dent. Le tavernier le regardait manger en silence. Il reprit enfin :
-Est-ce que vous allez rester chez nous plusieurs jours ?
-Non, non, je vais repartir aujourd’hui même, répondit Auguste aussitôt. Je dois retrouver ma famille qui doit se faire un sang d’encre à mon sujet.
-Ah bien, j’espère que notre établissement vous a plu et que nous pourrons vous compter comme client à l’avenir.
-Oui, mais je ne sais toujours pas vraiment où se situe cet hôtel.
-Vous l’avez trouvé une fois, vous pourrez le refaire.
-Sans doute, cependant je suis toujours perdu, je ne sais comment rentrer chez moi.
Le tavernier sourit en se grattant le bout du nez. Il se dirigea sans mot dire vers la porte de la taverne et l’ouvrit en grand. De l’autre côté il y avait un chemin et au loin on voyait le village d’Auguste.
-Mais comment … commença Auguste.
-Lorsque l’on a faim et que l’on est fatigué, on n’a pas toujours les idées claires répliqua le tavernier. Le chemin était sous votre nez et vous ne l’aviez pas vu.
Auguste avança sur le chemin, il était tellement heureux de se voir si proche de son foyer et de sa famille. Au bout de quelques mètres il se souvint qu’il n’avait pas payé son court séjour dans l’hôtel. Il se retourna, mais l’établissement avait disparu. Il était probablement retourné là on avait besoin de lui, là où était sa place.
Image libre de droit : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/plan-d-eau-pres-de-la-maison-1450208/

