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II - Nuit de débauche au royaume des artistes torturés

II - Nuit de débauche au royaume des artistes torturés

Veröffentlicht am 1, März, 2024 Aktualisiert am 22, Dez., 2024 Drama
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II - Nuit de débauche au royaume des artistes torturés

partie 2 - Petite baise en Sol mineur




Chloé



Encore une journée de perdue sur les pavés. Journée perdue, journée foutue, à chanter en vain mes tristes refrains pour des pigeons dodelinant de la tête entre deux miettes de pain. Personne pour écouter mes rimes, mes notes, ma voix. Personne pour recueillir mes vers sanglots que je déverse sur la grande place, non loin des terrasses des cafés, des bistrots. Mon public est volatile, et même si j’aime à penser que ces drôles d’emplumés sont mélomanes, ils ne risquent pas de me remplir la housse de quelques deniers.


À quoi bon arpéger Penny, fredonner poésie, pour des êtres davantage fascinés par leurs hypnotisantes tablettes lumineuses, et qui se complaisent dans leur torpeur numérique comme des moustiques attirés par la lumière d’un piège à insectes. Comment pourrais-je détourner l’attention de cet essaim sur le point de griller, moi qui ne suis qu’une chanteuse de l’ombre. L’obscurité n’est peut-être pas suffisamment dansante pour attirer les foules. Devrais-je remplacer mes mots lourds de sens par des onomatopées ? Les ‘’lalala’’ ont la cote de nos jours. L’époque n’est pas faite pour une poétesse ténébreuse qui prose ses douleurs sur des accords mineurs. Mes pleurnicheries lyriques semblent n’émouvoir que moi, alors que j’aspire à toucher le cœur d’un auditoire. J’ai pour rêve de jouer mes écrits au plus grand nombre mais, ces derniers temps, les cordes me saignent les phalanges et ma voix défaille.


Et c’est encore une soirée déprimante qui m’attend dans mon étroit deux pièces, sous le toit d’un taudis traînant sa vétusté au bord du fleuve. Je suis lassée de survivre seule dans cette coquille vide qui me préserve, malgré tout, des hivernales morsures. Je n’ai peut-être pas le cœur glacé des échoués des trottoirs, mais comme eux, je demeure invisible et m’efforce de trouver un peu de réconfort, de chaleur, par le sang de la terre au gré de quelques lampées. Quand le monde tourne sans nous et qu’il emporte les autres dans sa frénésie, quel autre choix que de tanguer au rythme des ivresses clandestines. Danser, valser, et tourner encore, la clope au bord des lèvres, abreuvée de liqueurs et enivrée par le désir de ne plus être un fantôme, mais une cavalière de nuage, une princesse porcelaine. Une rêveuse au milieu des flammes. Et putain ce qu’elle s’embrase vite la rêveuse ! Elle est essence, elle est inflammable, explosive. Elle est feu d’artifice qui illumine les cieux, emmerde les dieux et retombe en pluie de cendres sur les jardins de la ville…


Mais qui suis-je finalement ? Une inutile, une mise à l’écart, un électron qui gravite autour d’un noyau sans jamais pouvoir y entrer. Une sorte d’âme errante au cœur chagrin, égarée dans un couloir sans porte ni fenêtre, condamnée à filer droit vers un destin tout tracé. Fille unique, surprotégée par son père et gâtée plus que de raison, j’ai grandi dans le luxe et le confort, fréquenté les meilleures écoles et défilé sur le tapis rouge d’une vie ignorant tout de l’échec. On me destinait à de grandes choses, une brillante carrière d’avocate, de chirurgienne, de directrice de je ne sais quel tombeau administratif, tout en me prêtant une élégance et un charme envoûtant que j’ai fini par accepter. Dans ce monde, le corps s’impose au cœur. Qu’importe qui je suis, finalement, puisque seule l’apparence compte. Mensonge, paraître, tant de superficialité. Les jugements se fondent sur le physique. Dans la tête des gens l’habit fait le moine. Montre-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es. À quoi bon lutter… On me regarde sans me voir, on me désire sans me connaître. Je ne suis qu’une plastique enviée par les unes, convoitée par les autres. J’ai pourtant tant à dire, et je le chante, le crie chaque jour. Je hurle ma soif de tendresse, comme un SOS, le ventre plaqué contre la table d’harmonie de Penny. Mais personne n’écoute la baisable quand elle s’ouvre les veines sur la scène. J’ai fini par perdre foi en l’humain et en l’amour, et je me laisse salir par le premier venu pour me sentir vivante quand il m’arrive d’en douter. Alors je danse, je gémis, je me cambre, je souffle, caresse et jouis, je goûte, je dévore, je donne… je me donne. Et j’exulte, feignant l’orgasme, pour flatter leur égo de dominateurs, de conquistadors… qu’ils retournent, satisfaits, à leurs vies, à leurs solitudes, à leurs femmes, tandis que je salue la pointeuse en quittant le labeur… Je suis une putain bénévole que l’on baise, que l’on démonte, que l’on tire avant de jeter. Quoi dire d’autre, la baise c’est de la baise, il n'y a pas de poésie, pas de chandelle. Je ferme les yeux pendant qu’ils me labourent la chair. Les cuisses ouvertes comme une église. Toujours prête à accueillir la misère humaine et les pêcheurs en quête de rédemption. Pas certaine qu’ils la trouvent dans ma sacro-sainte chapelle. Sous ma voûte, il n’y a guère de bénédiction, et mon eau bénite n’est que poison. Je suis la tentation et la dépravation, je mérite d’être brûlée vive sur le bûcher. Mais notre civilisation préfère se repaître des sorcières qu’elle exhibe dans ses émissions de télévision. Qui suis-je ? Je m’appelle Chloé, une incandescente jetable, et ma vie n’est que cendres et fumée…


Alors, quand le soleil se couche, je range ma Penny dans son étui et regagne ma chambre de bonne. Après avoir poussé la lourde porte de l’immeuble, et monté l’escalier grinçant au bois agonisant d’être, chaque jour, maintes fois piétiné, j’écris mes nouvelles complaintes, compose mes ballades, avec l’espoir qu’elles suscitent de l’intérêt lorsque je les fredonnerai, le lendemain, aux oreilles du monde...




Cendres et fumée



Je suis arrivée devant chez moi, près du fleuve enflammé par la chute du soleil. Je décide de me griller une dernière cigarette avant de monter dans ma piaule. Je sors le briquet, la flamme vacille sous le vent. Je dois m’y reprendre à deux fois. J’embrasse mon incandescente avant de l’embraser. Elle rougit tandis que je l’aspire, l’avale. Elle brûle, crépite, nous nous consumons toutes les deux. Je ferme les yeux et ma flamboyante se met à danser sur mes lèvres, telle une bohémienne dont la robe virevolte à travers les volutes de fumée. Elle est belle mon ardente Esméralda, mais elle sent la mort, un parfum de fin du monde. Et doucement, lentement, elle m’assassine, la gitane. Sournoisement, elle m’invite dans sa valse enfumée, et me tue à petit feu. Je la sens m’envahir, calciner ma chair de l’intérieur. Je sens la chaleur de sa jeunesse éphémère. Elle qui vient juste de naître et qui déjà s’éteint. Triste danseuse tirée puis jetée comme tant d’autres. Jamais unique et aisément remplaçable, ma gitane, comme tant de baladines, d’incandescentes…


Et moi, je suis comme cette cigarette. Une ardente ballerine que l’on allume, embrase et consume, et puis qu’on jette, qu’on oublie et qu’on remplace par d’autres braises, tandis que je refroidis au fond d’un cendrier ébréché, d’une canette vide ou d’une foutue coquille d’huître pour qui la grande salée n’est plus qu’un vague souvenir. Cendres et fumée… ni plus ni moins. Alors j’attends la brise, la petite bourrasque qui m’emportera loin de ma sombre tombe où je végète depuis des lunes. Retourner à la terre et puis un peu aux cieux. Et retrouver l’amour perdu, le véritable. Le seul que j’ai connu, et dont je porterai le prénom sur la peau jusqu’à mon ultime combustion. Le rejoindre, où qu’il soit, en haut, en bas, qu’importe le lieu. Mon âme se contentera de peu tant qu’elle retrouve la sienne.




Adam



Je crois que j’ai réellement perdu foi en l’amour le jour où celui-ci s’en est allé avec une autre, une ténébreuse, une sans retour…


Je n’étais encore qu’une enfant accro aux contes de fées, aux histoires à l’eau de rose. Je croyais au prince charmant, au coup de foudre, aux flammes jumelles et à l’amour éternel. J’étais la petite fille naïve, dans sa robe pastelle, l’élève parfaite qui faisait la fierté de ses parents. Je cochais toutes les cases, du Conservatoire à l’éducation catholique. Un trophée qu’on exposait aux yeux de tous, un modèle à suivre, un exemple. Chloé, présidente du club de lecture, déléguée des élèves plusieurs années de suite. Chloé, prochain prix Nobel de je ne sais quoi, récompensée prématurément pour son indéniable future brillante carrière. Un pur produit de propagande, un maquillage si épais qu’il figeait mon visage en une expression de béatitude constante. Mais derrière le masque, derrière la couche de cosmétiques, je hurlais de ne pouvoir vivre ma vie sans être engoncée dans ce foutu costume de Miss Excellence. Et puis j’ai rencontré Adam.


Adam était à l’ombre ce que j’étais à la lumière. Le chaos personnifié. Mister Infréquentable. Mais il était magnifique de liberté et m’aimait comme personne. Un amour puissant, sans limite, excessif, empreint de jalousie et de violence. Une sombre romance qui changea, pour toujours, mon regard sur l’amour. Notre histoire n’avait rien d’infantile, de juvénile. Ce n’était pas une mièvre amourette de midinette nourrie aux ‘’teen movies’’. J'apprenais la passion à coups de poings et découvrais la tendresse derrière les hématomes et les cicatrices. Et lorsque la douleur devenait insupportable, l’alcool, la clope, enfilaient leurs blouses blanches pour jouer les anesthésistes.

Adam, pauvre Adam… Ses gestes, ses mots, m’ont fait tellement de mal, pourtant je ne me suis jamais sentie autant aimée qu’entre ses bras. Ma famille, mes amies, tentèrent maintes fois de me raisonner mais ils ne pouvaient comprendre ce qui nous liait. Ils ignoraient tout de l’amour véritable, celui qui s’impose, pénètre la chair et laisse des traces que rien n’efface. Adam se moquait bien de l’avenir qu’on m’avait choisi. Il ne s’intéressait qu’à l’instant présent et la Chloé dont il s’était épris avait des aspirations bien différentes de celles qu’on avait décidées pour elle. Avec Adam, je pouvais être Chloé la rêveuse, la chanteuse de salle de bain qui se voyait artiste. Artiste avec un grand ‘’A’’. Il croyait en moi, en mes mots, mes chansons, plus que n’importe qui. Oh je sais bien ce que vous vous dîtes. J’ai conscience que cette relation était malsaine, on n’encourage pas les gens qu’on aime à vivre leurs rêves en leur bleuissant l’épiderme. Mais demandez-vous ce qui vous semble le plus difficile à supporter : les maux du corps ou ceux du cœur ? La violence d’un homme éperdument amoureux de la femme que vous voulez être, ou celle, plus insidieuse, de ceux qui vous cajolent et dorlotent tout en vous imposant une vie que vous exécrez au plus haut point, considérant vos envies de saltimbanque comme des caprices de gamine pourrie gâtée, une insignifiante lubie passagère…


Je finis par délaisser mes proches, mes études, quittai le foyer familial pour parcourir le monde à bord de la vieille camionnette d’Adam. Et cinq ans plus tard, Adam disparut sous mes yeux, emporté par la sombre faucheuse. Elle me séparait de la seule personne qui ne me voyait pas comme une femme d’affaires en devenir, une future politicienne féministe. Adam ne me regardait pas, il me contemplait. Adam ne m’écoutait pas, il s’imprégnait de mes mots, de ma voix. Il appréciait chaque note, chaque accord qui résonnait dans le ventre de Penny, la guitare bleu nuit qu’il m’avait offerte. Adam affirmait à qui voulait l’entendre que j’étais l’artiste la plus talentueuse qu’il avait rencontrée, mais l’idée que je devienne célèbre, qu’il me perde de vue au milieu des foules, derrière l’aveuglante lumière des projecteurs, amplifiait sa jalousie, sa peur et, par conséquent, sa violence. C’était un amour passionnel, fougueux, une partition enivrante, parfois ponctuée de quelques coups, comme de petites fausses notes qui gênent un temps l’oreille du mélomane, puis qui s’oublient dans la virtuosité des harmonies… Je pensais que rien ne pouvait nous séparer, mais ce matin-là, je me suis retrouvée plus seule que jamais. Seule contre le reste du monde…




Comme on observe sa vie avant de la perdre



J’ai fermé la porte et laissé la clé dans la serrure, avant de déposer Penny sur mon lit. C’est ici que je tente de refaire ma vie. Dans ce studio de 20m² avec vue sur le fleuve, où j’écris mes paroles, compose mes morceaux, inspirée par la platitude de mon quotidien et son absence de couleur. Cette grisaille persistante qui me saute à la gueule dès que je m’y retrouve seule, comme ce soir, et ce malgré les derniers rayons du soleil qui percent à travers les stores pour s’écraser sur la tapisserie déchirée, et sur le vieux parquet tâché par les maladresses d’anciens locataires. On finit toujours par laisser des traces, quelque part, qu’on le veuille ou non. Une rayure sur le sol, un peu de peinture sur le bord d’un évier, un souvenir, une rumeur, une empreinte indélébile dans la vie de l’autre… J’aimerais, moi aussi, laisser une trace avec mes chansons mais, jusqu’ici, je n’ai réussi qu’à fêler le carreau de la fenêtre capricieuse en la refermant un peu trop violemment alors que j’essayais de la débloquer. Tu parles d’un exploit. Je l’ai réparée comme j’ai pu à l’aide d’un ruban adhésif suffisamment large pour empêcher l’air de pénétrer ma piaule sans y être invité. Mais il se décolle un peu plus chaque jour, et la fraîcheur s’impose et me drape lorsque tombe la nuit.


Je reste figée au milieu de mon appartement, balayant la pièce du regard, comme on observe sa vie avant de la perdre. Ma table est recouverte de canettes de bière vides et de mégots de cigarettes. Le cendrier dégueule sa poussière grise au milieu des feuilles volantes et des carnets noircis d’accords, de mots griffonnés. Quelques ébauches avortées, des vers accouchés dans la douleur, des couplets prématurés et des refrains mort-nés. Les poésies que j’ai dans le ventre sont souvent celles qui me tourmentent le plus. Je souffre de les laisser sortir, et lorsque j’y parviens, elles crient dans l’indifférence générale. Et le monde oublie que je suis là, allongée sur le lit, les jambes écartées, les pieds dans les étriers, la chatte à l’air, sanguinolente, avec cette enfant dans les bras, cette enfant dont tout le monde se fout. La plupart des gens ne se rendent pas compte de ce qu’est la création.


Créer, c’est donner la vie. C’est expulser une partie de soi, se l’arracher et l’offrir sans contrepartie. C’est se mettre à nu, s’ouvrir le ventre et laisser n’importe qui regarder ce que l’on a à l’intérieur. Une chanson doit être une vitrine sur ce que l’on est au plus profond. Si le verre est opaque, si l’on ne peut y voir les entrailles de l’artiste alors elle ne vaut rien. Et une chanson qui ne vaut rien, c’est un jingle industriel condamné à passer en boucle sur les ondes, dans l’espoir que le matraquage quotidien suffise à en faire un tube. Mais un tube, c’est juste un truc rond et creux… Les plus belles œuvres ne se trouvent

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