Une flambée de Bas-bleus est attendue le 11 Mai 2020 sur le perron du palais de l'Elysée, les traits tirés, la cuisse molle. Pour masquer leur trac et ne pas apparaître en cheveux et en bataille devant leur roi, elle m'ont livré, les ingénues et dans le plus grand des secrets, leur code vestimentaire. Une sorte de panoplie de la parfaite précieuse des temps modernes chassant le virus mortel à coup de confinettes. En voici quelques extraits :

- Se munir d'un imperméable usagé et froissé dans l'esprit d'un Colombo resté trop longtemps caché dans vos armoires.

- Prévoir un chapeau mou à larges bords pour passer incognito comme Sieur Borsalino frôlant les murs de Valparaison. Au besoin, prendre ceux que vous mettez pour chercher votre miel favori dans votre potager décoré de ruches bourdonnantes.

- Pour parfaire l'affaire, des lunettes noires de starlettes descendant les marches de quelques demeures ou hôtels majestueux sont nécessaires. Elles seront de sages conseils contre l'éblouissement de la lumière vive du dehors, vos yeux ayant trop souffert des affres de la lumière bleue émanant de vos écrans.

- Une saharienne (inventée par le regretté Yves Saint-Laurent) sera exigée et vous servira de cache-misère; elle sera de ton neutre, montante jusqu'à couvrir vos petites et charmantes oreilles.

- Des bottes d'égoutiers  ridicules ou des cuissardes longues et noires pour gaîner vos divines jambes seront laissées au loisir de la future déconfinée.

- Des fausses moustaches à coller au-dessus de vos lèvres carmines seront à glisser dans vos besaces, dans le cas où vous n'auriez pas reçu à temps les masques de la série GP (grand public) commandé par nos instances dirigeantes. Le modèle est identique pour toutes. C'est à dire que c'est un masque jetable, à élastique doux sur le côté, et en papier triple épaisseur parfumé à la lavande) .

- Les masques récupérés dans le stock des invendus des compagnies aériennes ayant fait faillite comme la Sabena sont largement obsolètes et peu recommandés. Toutes à vos machines à coudre! Arrachez avec courage les coins des draps housse de votre marmaille et glisser dans ces masques des mouchoirs parfumés à la rose, pour voir ainsi la vie dans une autre couleur que le gris.

- Un gilet de sauvetage qui pourra le cas échéant se transformer en gilet jaune pour de futures manifestation de distanciation sociale est préconisé. Facilement pliable et transportable, vous en aurez bon usage en cas de double contamination et sera confortable avec le bel ambulancier pour témoin.

- N'oubliez pas de vous munir de vos gants en latex souple et jetables que vous trouverez chez votre apothicaire, certes un peu débordé par la préparation de breuvages amers et médicaments soporifiques pour les nombreux malades. Ce boutiquier n'est pas un charlatan de passage, vous pouvez lui faire confiance et même si vous demeurez à Marseille.

- Pour terminer, n'oubliez pas votre attestation de sortie et ne vous trompez pas de case. Cochez celle qui indique: accoutrement exigé et autorisé pour le gentil citoyen se rendant par mesures de santé publique et d'hygiène collective exclusivement dans les bains-douches, et bains à vapeur.

En réalité, il faut bien l'avouer tout ce déguisement ne vous ira pas come un gant ! Comme vous avez dévoré des quantités de menus des quatre coins du monde, vous serez inévitablement obligées de vous allonger au sol pour tirer sur les fermetures éclairs récalcitrantes de vos pantalons à rayures. Vous en profiterez pour faire quelques excercices physiques et pour lever la jambe bien haut, rien de tel qu'un bon assouplissement avec votre soubrette, votre lingère et vos chambrières en ligne droite derrière vos courtines confondue. Je vous assure que vous pousserez un "ouf" de soulagement car vous serez encore en vie. Je sais que c'est bien déprimant de ne plus rentrer dans vos vêtements et comme il faut toujours trouver un coupable nous enverrons ces damnées fermetures sur le banc des accusés, toujours paresseuses à excécuter leur mission qui est celle de fermer la fente et surtout si vous les enclencher de travers. Bon je sais que la fermeture n'existait pas au XVIII° siècle et que vous aviez plutôt une floppée de boutons.Tout cela n'est pas vraiment grave tant que vous avez une belle santé et tant que votre chère contesse de la Castafiore et néanmoins diva sort dans la rue avec ses bijoux et son petit chien en guise de sac à main. Vous remarquerez qu'elle n'a pas hésité un instant entre ses sandalettes tropéziennes achetées chez Rondini dans le plus célèbre village de pêcheurs du monde et ses souliers en croco vernis. En effet, la haute autorité médicale du port de Marseille, préconise le port exclusif de la chaussure fermée. Explications: le sournois virus aurait une facheuse tendance à se glisser entre vos orteils, non pour vous cherchez la chatouille, mais une de vos plaies résultat d'un voyage en Egypte dans un car bondé de touristes ou peut-être etais ce en grimpant les marches de Keops, 7 fois de suite en retenant votre souffle. Les fameuses spartiates sont à bannir donc, en temps de pandémie et comme vous n'avez pas la possibilité de vous vernir les ongles de pieds, il sera de très bon aloi de de ressortir vos espadrilles basques, vos charentaises fourrées, ou vos escarpins à semelles rouges. Les chausseurs de toute façon seront encore fermés puisque ce ne sont pas des officines de pemière nécessité. Pendant le joli mois du muguet, tout ira pour le mieux mais en été avec le réchauffement climatique, je pense que vous sortirez plutôt pieds-nus. Un autre détail d'importance: vos boucles d'oreille, si elle sont en métal, laissez les se reposer dans vos écrins. Même si cela vous parait incongru de sortir ainsi nue de tout accessoire cela n'a aucune importance le virus adore se coller au métal. 

Laissez le s'envoler sur les ailes des chauves souris !

Donc, voilà votre journée du 11 Mai sera très chargée et vous serez largement occupée à sélectionner votre tenue de sortie que vous aurez préparée la vieille pour éviter les précipitations de dernières minutes. Surtout, vous aurez pris garde de plannifier vos habituels rendez-vous car la ruée sera annoncée comme historique! Je vous recommande de les boucler dés la lecture de ces lignes terminée. En revanche pour le dentiste, le gynécologue, le podologue, l'ostéopathe, les docteurs Do, les agendas sont déjà chargés plus lourdement que celui du Radeau de la Méduse revenant des cotes d'Almafi avec plein de migrants à bord. C'est déjà trop tard! Plus de place jusqu'en 2030, date du prochain passage de virus. Je crois cependant, qu'il reste quelques places, quelques trous à boucher chez votre esthéticienne préférée qui vous attend de pieds fermes, une spatule jetable dans une main et le chaudron à cire dans l'autre pour attaquer pois, boutons et autres horreurs qui font légion en sourdine. Toute de blouse blanche vêtue, vous l'entendrez vociférer: " Une cliente à la fois, je vous prie, je respecte les nouvelles règle, moi! " Il est de bon ton qu'une femme soit en effet épilée mais nous sommes toutes à la même enseigne. Femme de Cromagnon nous sommes, femme de Cromagnon nous demeurons. Mais Mesdames, par pitié, un peu de respect, on vous le répète depuis la nuit des temps de Chine: qu'importe que vous soyez hirsute ou velue, ce qui compte c'est que vous vous portiez bien! idem chez le coiffeur, nous savons que c'est un pur bonheur d'avoir le salon vide pour soi, pas d'attentes aux bacs, ni à la couleur, mais restez donc en catogan c'est la nouvelle tendance pour cet été.

Il ya bien encore une petite chance chez votre tailleur qui travaille clandestinement dans sa cave à champignons du Marais nuits et jours pour s'adapter à vos nouvelles mensurations. De nombreuses retouches seront nécessaires au niveau de la taille et des hanches. Tout rentrera dans l'ordre le 12 Mai au soir, le cachet de la poste faisant foi. De toutes les manières c'est comme la blanquette de veau, elle est meilleure le lendemain nous sussure à l'oreille la joyeuse et regrettée Maïté si précieuse avec sa manière d'être si particulière.

Pour trouver l'issue n°19 au labyrinthe du démoniaque Dédalocovid et échapper à la honte de la mort qui tue, il nous faudra donc sortir ganté, chapeauté, masqué, botté et tenir bien fort le fil de la vie sans nous regarder droit dans le blanc des yeux, sans porter nos mains à nos visages, sans remonter nos mèches de cheveux récalcitrantes derrière nos oreilles, sans nous moucher dans nos mouchoirs en dentelle, sans pousser les portillons de sécurité du métro mais en prenant exemple sur les curés en soutane, en sautant par dessus, il faudra bien sur se remettre à la corde à sauter.

Il faudra continuer à prendre des gants avec ce sale virus tout en continuant à nous serrer la ceinture car les auberges seront encore fermées. Et c'est peut-être tant mieux! Car lorque j'ai croisé l'autre jour dans l'escalier de service de mon immeuble Madame Marat, elle a fait semblant de ne pas me reconnaitre et m'a dit sur un ton inquisitateur : "J'ai cru appercevoir votre voiture dans la rue, vous l'avez sortie du garage pour vous rendre au vert en catimini? Ou bien vous n'arrivez plus à vous glisser dedans sans reculer le siège conducteur ? " Ce n'est pas bien de cafter n'est ce pas ? Alors ceux qui sont masqués démasqueront ceux qui ne sont pas masqués. Belle mentalité que voilà ! Oh délation que de vilaines choses ont été commises en ton nom! Mais rassurez vous je n'irai pas tuer pour si peu Madame Marat dans sa baignoire!

Si c'est ainsi le 11 mai (et non le 11 septembre des tours défigurées), je préfère garder mes distances, mes gestes barrières pour moi seule et ne pas retourner ma veste d'anxiété à la moindre vue d'un être humain. Je pourrai alors fermer doucement les yeux en pensant à l'admirable tableau peint par René Magritte en 1928 et qui a pour titre: " Les Amants " Je pense particulièrement à celui qui porte le n° 2 car dans les Amants n° 1, nous pouvons admirer un couple qui s'est déjà embrassé avec un voile sur la tête! Comme c'est étrange! Mais par temps d'infestation c'est peut être la solution ad hoc. Attention selon les psychanalystes cette façon de s'embrasser est redoutable car le voile dans ce cas précis est plus un drap conjugal symbole de la nuit de noce ou la métaphore du désir. Ce couple n'est pas encore déformé par des embrassades mais font assurément des efforts mortels pour rester dans une grâce naturelle et surréaliste. En fait, ils auraient voulu s'échapper par la fenêtre mais ils se retrouvent coincés pour l'éternité dans la même chambre côte à côte dans le deuxième tableau. L'inconscient de l'homme parlant à l'inconscient de la femme et cela m'interpelle : Sommes nous vraiment objet de désir pour l'autre? Le désir du désir créant la pulsion de vie ou une tension d'amour? 

Vous l'aurez senti comme Jules Barbey D'aurevilly ce long temps du confinement amenant aux urgences de nouvelles détresses en mal d'aimé. Et le bel homme aux sentiments exquis de déclarer à l'unisson de René magritte un couple heureux c'est sacré!

Jeanne Gabriel-Villeneuve