Le Deuxième acte (Quentin Dupieux, 2024)
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Le Deuxième acte (Quentin Dupieux, 2024)
Comme tous les ans depuis 2021, je regarde la cérémonie d'ouverture du festival de Cannes depuis le cinéma "Le Louxor" qui diffuse ensuite le film d'ouverture. Cette année c'est le dernier long-métrage de Quentin DUPIEUX, le réalisateur qui filme plus vite que son ombre! (trois films en moins de un an). "Le deuxième acte" s'inscrit comme une suite de "Yannick" (2023) et offre une mise en abyme satirique du monde du cinéma. Dans un décor blafard de no man's land dont le lieu central est le restoroute qui donne son titre au film, on assiste à des échanges tournés en plans-séquence entre des personnages qui sont régulièrement interrompus par les commentaires ou les réactions des acteurs qui les incarnent à savoir Louis GARREL, Raphael QUENARD, Lea SEYDOUX et Vincent LINDON. A l'image du brouillard qui envahit l'image, il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui relève de la fiction, ce qui relève du tournage de cette fiction et ce qui relève du réel ce qui est caractéristique du cinéma de Quentin DUPIEUX. Les acteurs n'hésitent pas en effet à s'autoparodier avec des allusions par exemple aux tics de Vincent LINDON. Et quand on pense être sorti de la fiction, c'est pour mieux entrer dans une autre, les acteurs-personnages changeant de rôle comme de chemise. Ce dispositif brechtien joue en effet à fond de l'abattage du quatrième mur, les acteurs ne cessant de faire allusion au public et à l'équipe de tournage que nous ne pouvons pas voir. Il passe à la moulinette les thèmes "à la mode" (allusions à Metoo, à la cancel culture, réalisateur remplacé par une IA qui nous donne l'une des scènes les plus drôles du film), se moque du narcissisme des acteurs (dont on avait un avant-goût dans la bande-annonce "c'est moi la star du film, non c'est moi etc.). Par contraste, il met en avant un simple figurant (Manuel GUILLOT) paralysé par le trac et incapable d'accomplir le geste tout simple qu'il est censé effectuer. Quant aux petites mains du tournage, elles sont représentées par la séquence de fin, les centaines de mètres de rail de travelling qu'il a fallu poser pour filmer les plans-séquence.
Cependant si le film est parfois drôle, je l'ai trouvé également trop souvent creux et prétentieux. A force de proposer le même dispositif (deux personnages marchant côte à côte en discutant) ou le même gag (la tremblotte qui empêche le serveur de remplir les verres), il finit par comporter des redites et des longueurs. Le dernier dialogue, très théorique sonne creux. On peut parfois se dire qu'il y a un soupçon de complaisance et de nombrilisme dans cette démarche, bien moins ciselée et percutante que celle de son précédent film, "Daaaaaali !" (2022). Enfin la façon dont sont abordées toutes les questions relatives aux rapports de domination et aux discriminations qui plombent aujourd'hui l'atmosphère du monde du cinéma est ambigüe. A force de brouiller les pistes, on a l'impression que Quentin DUPIEUX se planque si bien que son film censé être satirique voire provoquant semble avoir surtout été conçu pour ne fâcher personne.