La poésie d'hier et d'aujourd'hui
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La poésie d'hier et d'aujourd'hui
La poésie n’est pas ce qu’un vain peuple pense.
Elle n’est ni technologie, ni cinéma, ni électronique, ni clownerie de cirque ; elle n’a pas été créée pour le divertissement momentané des snobs, pour la digestion du bourgeois ni même pour entretenir la docilité des foules et pour la plus grande tranquillité de ceux qui les exploitent ; elle n’est pas plus l’ennemie du machinisme qu’elle ne doit aspirer à s’en servir nécessairement.
Elle participe d’instinct et de nature à la vie mystique de l’âme et du monde, qu’elle accouple par le miracle du rythme, pour nous conférer une sorte de révélation, et l’on ne voit pas pourquoi le bruit d’un train ou le vrombissement d’une voiture de course pourrait l’effaroucher davantage que le rugissement du tonnerre ou le fracas d’un torrent de montagne qui écume entre les rocs. Elle peut tout aussi bien prendre son élan du haut d’une machine à battre, d’un tracteur de labour ou d’une locomotive, que d’une chaire à prêcher ou d’un tertre de gazon fleuri de coquelicots, voire de la cime d’un chêne centenaire. Quant à l’instrument, il peut lui prendre fantaisie de se servir, il n’y a pas de raison pour qu’elle s’obstine à entrelacer d’éternels alexandrins ou à n’user que de strophes séculairement éprouvées, lorsque tant de nouveautés la sollicitent de chercher des combinaisons inédites, qui tiendront meilleur compte des habitudes actuelles du langage parlé même temps que des gestes du travail moderne. Elle n’a que faire en vérité d’un jeu puérile de syllabes exclusivement appliqué à découvrir des assemblages imprévus, fussent-ils vides de sens ; mais elle sait le prix de tout ce qui frappe, accroche la lumière ou la réfléchit, fait jouer la clarté autour des arabesques d’ombre, de tout ce qui fait valoir le timbre des mots et en rend l’accent plus subtil. Que lui importe cet art apprêté, cher aux époques de décadence, cet art purement académique, tout en recettes de manuel, tout en subterfuges de métier, dogmatique et froid comme un code, et qui s’oppose à la science, au travail, à la vie journalière protéiforme et palpitante ?
La poésie d’aujourd’hui, après certaines audaces destinées bien plutôt à étonner, à scandaliser qu’à exprimer fortement de profondes vibrations d’âme, a fait un brusque saut en arrière, comme si elle avait eu tout à coup peur de son ombre. Mais la poésie de demain sera autre. Elle pourra être aimée des multitudes sans déplaire aux élites. Elle aura l’attrait des cathédrales ou des grandes symphonies ; elle sera la sœur de la mer et des forêts ; elle saura suivre sans effort et sans hypocrisie toutes les pulsations du cœur humain. Elle jaillira de l’effort incessant, qui vise à domestiquer toutes les énergies de la planète ; elle sera religieuse autant que scientifique, passionnée, téméraire, gonflée d’enthousiasme et rétive à toute cristallisation.
C’est par la beauté pure qu’elle atteindra le Bien, et la Beauté sera l’essentiel de sa foi. Mais cette beauté ne résultera pas uniquement d’une stricte pondération de lignes et de contours ; elle sera d’abord la plus grande somme de force dans le moindre effort, en sorte que le rayonnement de cette puissance se transmute en nous en élan d’amour, en prière, en adoration, en volonté de vivre meilleur.
Manifestation suprême d'énergie subtile : la séduction. Ah ! La raison logique ne saurait être pour cette poésie là, source de création. Si les nombres organisent les rythmes, ceux-ci néanmoins doivent renaître en toute spontanéité, par la vertu créative de l’émotion intuitive, qui marie l’âme individuelle à l’âme universelle. La poésie de demain s’appropriera d’abord l’essentiel : l’exaltation. L’intelligence éclaire ; la volonté règne et dirige. La poésie de demain mettra l’intelligence au service de la volonté illuminée par une grande passion courageuse. Elle cherchera la perfection dans l’idée avant de la placer dans les mots, et de ceux ci elle connaîtra ainsi toute la vertu mystique et fécondante.
La vérité des faits et des preuves ; la justice exige des lois que vivifie l’amour et que rédige la sagesse : elle assiéra la beauté en impératrice entre ces deux reines.
Elle la drapera de sincérité pure.
Au commencement était l’action, a dit Goethe au début de son Faust. La beauté quoi que l’on veuille dire et prétendre, est fille de l’action. Les lignes et les rythmes qui la composent signifient le mouvement, sans quoi rien n’existe. toute image projetée par le Verbe est déjà dynamique, et c’est là la vertu souveraine de la poésie. Elle entraîne. La Beauté marque les points d’équilibre, qui sont des lieux d’arrivée ou de départ, des carrefours où se rassemblent les énergies pour le heurt et pour l’élan.
Ramenée aux proportions strictement humaines, la Beauté ne saurait atteindre toute la splendeur à laquelle elle a droit. Les cadavres ne sont pas beaux.
Ce qu’ils organisaient a cessé d’être.
Que ferions-nous d’une Beauté qui se soustrairait à l’univers, à sa marche, à ses fluctuations, à ses marées ? Nous pouvons bien, par l’analyse, découvrir de quoi sont formés l’œuf, le gland, le grain de blé ; nous pouvons molécule à molécule, les recomposer, si nous voulons, dans leur forme propre, avec toutes les apparences capables d’abuser les yeux ou le toucher ; mais le germe, la faculté insérée en chacun de ces agrégats physiologiques de reproduire une espèce donnée, une espèce vivante : chêne, roseau, froment, voilà ce que nous ne saurions insuffler à quoi que ce soit. De même en art. Tout ce qui anime l’œuvre se doit puiser par l’intuition dans l’universel. Ne concoit pas qui veut ; ne crée pas qui prétend le faire à volonté, à force de livres. Il y faut les fécondations primordiales.
Toute esthétique, au surplus, doit être en complet accord avec son époque. pour cela il faut garder intact le sens de l’enthousiasme ; il faut planter la graine du Songe dans le terrain du Réel. Ainsi l’Art et la Vie demeureront étroitement uni, comme il se doit.
Nous avons à refaire une Harmonie. A la poésie d’y pourvoir la première !