- Dans la vie, il n’y a rien de pire que de perdre un enfant. Ce n’est pas dans l’ordre des choses…

Ainsi débuta l’éloge funèbre de le petite Jeanne Kervalle, dernière née d’une fratrie de quatre sœurs, dans la presqu’île de Plougastel-Daoulas, durant un mois dru, de la fin du seizième siècle.

L’église Saint-Pierre du bourg était pleine de fidèles, proches de la famille, qui avaient suivi, de près ou de loin, la courte vie de la petite Jeanne.

Née avant sa septième lune, elle tenait, toute entière, dans l’un des sabots de son père. Emmitouflée dans de la paille, il n’y avait que sa petite tignasse rousse qui dépassait. Sa mère l’avait installée près de l’âtre et chaque membre de la famille veillait à attiser le feu pour que la Jeannette reste toujours bien au chaud.

Après sept jours et sept nuits de soins attentifs et d’intenses prières de la part des parents et de ses trois sœurs, leur petit ange s’était tout de même envolé. Un déluge de pleurs s’était alors abattu, éteignant toute joie de vivre dans leur foyer.

Le glas résonna et la cérémonie s’acheva sur les paroles réconfortantes du curé Baod :

- Au moins, il vous en reste trois…

Malgré la tristesse, les plus fidèles des fidèles se rendirent compte que quelque chose clochait… mais suivirent le cortège en silence, respectueux de la souffrance de la famille, laissant pour plus tard, leurs différents sons de cloches.

La vie reprit son cours chez les Kervalle et une nouvelle année débuta sur la presqu’île. Située aux portes de Brest, Plougastel conservait toute son authenticité par sa situation de presqu’îlienne qui la coupait naturellement du reste du Monde. Les hommes étaient tout autant cultivateurs que pêcheurs, profitant naturellement de tous les fruits que la terre et la mer leur offraient. Les femmes étaient considérées comme les plus belles de la région et leurs costumes colorés de rose et de vert leur donnaient une aura et un charme uniques qui les distinguaient de leurs voisines.

Le père Kervalle, campaniste de génération en génération, partait souvent travailler aux quatre coins des paroisses, pour monter ou démonter, cloches et beffrois des églises et chapelles qui se multipliaient aux alentours. En effet, dès que les habitants d’un hameau ou village s’enrichissaient, ils faisaient construire une chapelle en l’honneur d’un saint ou de la Vierge Marie. Rien qu’à Plougastel, on comptait déjà huit chapelles, en plus de l’église du bourg. Une chapelle par Kordennad, comme on appelait les huit territoires de la presqu’île.