Après une semaine passée à faire des briefings, des topos, des présentations et à faire défiler les powerpoints, les rapports, les protocoles, les guidelines, on peut dire que je commence à mieux percevoir le projet, et son ampleur.

Le paludisme est une maladie due à un parasite transmis par les moustiques et provoquant de fortes fièvres, des troubles digestifs, des anémies sévères, des troubles neurologiques et notamment des troubles de la conscience pouvant mener au coma, avec une mortalité de quasiment 100% en cas de paludisme grave non traité. Au fur et à mesure que l'organisme est confronté au parasite, il développe des anticorps et donc une immunité dite partielle, qui évite une reproduction trop importante du parasite dans le sang, diminuant ainsi la probabilité de faire un accès palustre grave.

Les adultes en zones fortement impaludées sont donc relativement protégés de ce risque, mais les enfants qui n'ont pas encore développé leur immunité sont très fragiles, fortement à risque de faire des accès palustres graves, et donc de décéder.

Le moustique, quant à lui, nécessite des eaux stagnantes pour pouvoir se reproduire. Lors de la saison des pluies, de nombreuses flaques se forment, offrant un terrain idéal pour sa reproduction, et provoquant ainsi un pic épidémique majeur de plusieurs mois, pendant lequel on note un fort accroissement du nombre de cas d'accès palustres, et notamment d'accès palustres graves, avec une forte mortalité infantile associée.

Le but de notre mission est donc d'intervenir au moment de ce pic palu, en ciblant les enfants de 0 à 5 ans, pour prévenir et prendre en charge ce pic épidémique. Ceci repose sur plusieurs axes de prise en charge :

• Un volet préventif, consistant en la distribution de moustiquaires, de répulsifs pour les habitations ( n'ayant pu avoir lieu cette année), de sensibilisation des populations à la manière de se protéger des piqures de moustiques et aux signes devant mener à consulter rapidement ; et surtout un vaste programme de distribution de médicaments de prévention aux enfants de 0 à 5 ans, nommé CPS ( chimioprophylaxie saisonnière), donnés une fois par mois pendant 4 mois, et amenant une protection des enfants permettant une diminution très importante des accès graves de paludisme.

  Pour mesurer l'ampleur du projet, l'objectif de cette année est de couvrir 170.000 enfants sur l'ensemble des districts de Bouna et Moïssala (cf ma carte de départ), nécessitant le recrutement de plusieurs centaines de personnels pour assurer cette distribution... Une vaste mission !!!

• Un volet curatif, qui vise à dépister et traiter l'ensemble des cas de paludisme dans les différents centres de santé de la région ( 27 centres). Il s'agit d'une part de distribuer les tests de diagnostic rapide et les médicaments à donner en cas de paludisme simple ; et d'autre part à former les professionnels de santé de ces centres de santé (infirmiers au mieux, agent technicien de santé sinon) à reconnaître les signes de paludisme grave, et à les référer alors le plus vite possible à l'Unité Palu au sein de l'hôpital de Moïssala.... C'est précisément à ce niveau que je vais intervenir.

L'unité Palu, « UP » est donc un centre de prise en charge de l'ensemble des cas de paludisme grave des enfants de 0 à 5 ans, entièrement financé et géré par MSF, d'une capacité variable pouvant atteindre 80 à 100 lits, et ouvrant de manière saisonnière au moment où le nombre de cas de paludisme flambe, dépassant totalement les capacités de l'hôpital de Moïssala. (hôpital géré par un seul médecin au total, aidé par des infirmiers et des ATS, pour un service de Médecine, de Chirurgie, de Pédiatrie et de Gynéco-Obstétrique, chacun comptant une vingtaine de lits ; autant vous dire que ce médecin a largement de quoi faire !...).

Il s'agit donc là d'un véritable projet d'urgence, mais une urgence connue et récurrente chaque année, d'où le terme d'urgence programmée.

Le but est donc d'assurer la prise en charge en soins intensifs, voire la réanimation, de l'ensemble de ces enfants, arrivant souvent dans des états très graves étant donnés les délais passés (délai entre l'apparition des signes - (la consultation du médecin traditionnel) – la consultation au centre de santé - l'acheminement du centre de santé à l'Unité Palu ; tout ça en pleine saison des pluies où les routes sont souvent difficilement praticables...:-/).

Réhydratation, oxygénation, transfusion, traitement intra-veineux du paludisme, réanimation cardio respiratoire, prise en charge des convulsions de neuropaludisme, prise en charge des pathologies associées, et notamment de la malnutrition ; voilà ce à quoi va ressembler mon quotidien pour les quelques mois à venir !!!

Nous serons 4 médecins, peut être 5, pour assurer jour et nuit la prise en charge des enfants qui nous seront référés. On va pas s'emmerder !!!...

Pour le moment, la saison des pluies n'a pas encore vraiment commencé, les cas de paludisme grave référencés à l'hôpital sont encore peu nombreux, l'Unité Palu n'est donc pas encore ouverte ; et nous prenons donc le temps de réviser les protocoles, de recruter et former les infirmiers et ATS avec qui nous allons travailler, de découvrir les lieux et les partenaires avec qui nous allons collaborer, et de nous reposer avant le début du rush....

« Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien. L'important, ce n'est pas la chute ; c'est l’atterrissage ! »

On en rediscute dans quelques mois !!!

Bises à tous,

NB : Ce blog est un blog personnel, et les propos qui y sont tenus n'engagent que son auteur.