La partie a commencé.

Les soldats s’avancent sur la ligne de front.

Tous pareils, pas à pas, comme des pions.

Puis les sentinelles se déplacent tour à tour, en avant, en arrière, sur les côtés.

Mais le fou, faisant fi de toutes les conventions, se déplace, quant à lui, en diagonale.

Le fou c’est celui qui nous prend par surprise. Celui qu’on ne voit pas à l’autre bout du plateau et qui finit par nous mettre en échec.

Alors quand on s’est aperçu que la dame, elle aussi, jouissait de cette capacité d’aller et venir en diagonale comme bon lui semble, voilà qu’on là traite également de folle. Coupable d’être libre et d’affirmer son indépendance apparemment.

Mais rien d’étonnant là-dedans. Car le roi lui est borné. Il ne voit pas plus loin que la case à côté. Et jaloux comme il est, il envoie ses cavaliers passer par-dessus les lois pour imposer sa volonté.

Alors, face à la normalisation d’un pouvoir autoritaire, à nous d’être fous !

Fous de débats, fous d’éloquence, fous de penser, fous de contradictions, fous d’avoir de nouvelles idées. Et même d’être foufous, parce que le ridicule on s’en fout. Fous de danser, de chanter, de jouer, fous de nous-mêmes, fous des autres, fou de toi, si l’on veut connaître l’amour ouf.

La seule folie qu’il nous faut éviter, en somme, c’est celle de nos dirigeants qui voudraient bien passer de l’échiquier politique au champ de bataille. A nous de surpasser leur folie, car si nous nous y soumettons alors...

La partie sera terminée.