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17- Le temps des guerres

17- Le temps des guerres

Veröffentlicht am 14, Sept., 2023 Aktualisiert am 14, Sept., 2023 Gesundheit
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17- Le temps des guerres

 —  Vous remarquerez, poursuit Ambroise, que la flèche d’arquebuse a causé un saignement important des vaisseaux dans le sac qui enserre le poumon, comprimant celui-ci et l’empêchant de fonctionner, et a également blessé légèrement cette volumineuse veine, la veine cave, qui amène le sang dans le cœur et le sauver s’avérait impossible.

La démonstration est éclatante et j’applaudis avec ferveur tandis que Paré incline respectueusement la tête en signe de remerciements. Le duc de Savoie se tourne vers Ambroise et prend la parole.

 —   Je vous remercie Monsieur le chirurgien qui n’avez pas daigné donner votre nom… Le chirurgien de notre empereur, ici présent, Andréas Vésalius, me fait comprendre que vous n’avez probablement pas une place aussi modeste que celle que vous vous attribuez, mais je comprends ce souci de vous identifier à vos semblables et cela vous honore…

Un long silence s’ensuit et j’attends la suite avec angoisse, tout comme Ambroise, j’imagine qui feint pourtant l’indifférence.

 —   Mais que voulez-vous, nous sommes en guerre… Voilà donc ma proposition. Elle est à prendre ou à laisser. Je vous invite à rejoindre les chirurgiens de l’empereur et, si vous acceptez, tous vos collègues auront bien évidemment la vie sauve.

Je redoute le choix d’Ambroise qui répond immédiatement et corrobore ce que je craignais.

 —  Il n’est besoin d’aucune réflexion de ma part. Je ne trahirai jamais mon pays et ne peux servir les ennemis de ma patrie.

Une réponse aussi catégorique stupéfie le duc, certainement peu habitué à rencontrer un caractère semblable à celui d’Ambroise. Je suis désespéré et vois toutes mes tentatives pour sauver ces médecins se présenter sous les plus sombres auspices. Le duc s’apprête à tourner les talons quand Monsieur de Vaudeuille, gouverneur de Gravelines, le retient par l’épaule et lui chuchote plusieurs phrases à l’oreille qui déclenchent chez Monsieur de Savoie des regards mauvais et des haussements d’épaules. Finalement ce dernier quitte la pièce, non sans avoir jeté un regard meurtrier à mon ami. J’entrevois une rémission et me mets de nouveau à espérer. Monsieur de Vaudeuille se tourne alors vers Paré.

 —  Sachez, Monsieur le chirurgien qui ne dit pas son nom, que je souffre depuis 7 ans maintenant d’un ulcère de jambe qui ne veut pas guérir. Si, comme semble le penser Monsieur Vésale à qui vous avez fait grande impression, vous pouvez le guérir, je m’engage à vous rendre votre liberté ainsi qu’à votre aide opératoire. Pour les autres médecins ordinaires, ils n’ont pas assez de valeur pour que nous puissions les rançonner et Monsieur le Duc accepte qu’ils ne soient pas exécutés à condition toutefois de soigner les troupes impériales une année durant. Ambroise n’est pas en capacité de négocier et accepte ce compromis. Il demande alors à juger de l’ulcère en question avant de donner sa réponse. Le patient, à sa demande, retire son haut-de-chausse et ses bas pour découvrir l’objet du délit. Le mollet est gonflé, violacé dans son ensemble, et sur sa partie interne s’étend un ulcère variqueux, scléreux sur ses bords, dont le fond est sale et sanieux. L’odeur est saisissante et Paré apprend par son médecin personnel qu’on lui applique deux fois par jour de l’excrément de cheval pour nettoyer la plaie. Une volumineuse varice alimente la lésion.

 —  Votre ulcère n’est pas beau, mais je pense, avec l’aide de Dieu, pouvoir vous en délivrer. Je vous propose d’en mesurer le diamètre et, une fois ce dernier réduit de moitié, la guérison s’en suivra naturellement à condition que vos médecins poursuivent le traitement entrepris. Quant à Jacques Guillemeau et moi-même, si cette réduction est obtenue, accordez-nous la liberté dès cet instant. 

Le gentilhomme tergiverse un long moment et finit pas accepter. Les jours passent dès lors pour Ambroise entre les traitements qui consistent en l’excision de l’ulcère après avoir ligaturé la volumineuse varice nourricière, des saignées de la veine saphène et des soins locaux qui consistent en un bandage soigneux de la jambe qu’il saucissonne de bas en haut après application d’un baume antalgique avec une potion au cannabis. En entourant sa jambe de linges eux-mêmes imbibés de jus de plantain et de morelle, Paré insiste pour le repos, jambe à plat, et une sobre alimentation de rigueur en évitant dorénavant les viandes salées et faisandées et toutes sortes de vin, blanc ou rouge.

Cette dernière recommandation qui sonne plus comme un commandement est très mal acceptée par Monsieur de Vaudeuille qui, dès le cinquième jour de traitement, demande à ce que cette punition stoppe dès lors que le traitement semble prendre bonne tournure.

 —  Ce régime est une condition impérative à votre guérison et devra être poursuivre une année pleine au moins répond mon redoutable ami qui, je le crains, semble ainsi se venger de la défaite des troupes françaises.

Dix longues journées passent encore pendant lesquelles les soins se poursuivent avec la même constance. Le cratère rétrécit à vue d’œil et vient le jour tant attendu où le diamètre de l’ulcère a diminué de moitié, contrôle minutieusement effectué par le gouverneur de Gravelines, qui reprend les mesures à deux reprises avant d’admettre que l’objectif est atteint.

Voilà mon ami et son aide enfin libres !

Je ne peux m’empêcher de penser que j’ai contribué pour une part, faible peut-être, à sa libération qui à n’en pas douter bénéficiera à bien des personnes, que ce soient les rois ou les pauvres gens pour qui Ambroise, je n’en doute pas un instant, dispensera ses soins tout au cours de sa vie avec la même bonté et la même compétence sans faire de différence.

Image: anonyme italien/ bing.com

Livre / Vésale, le trublion de la Renaissance / Jean-Jacques Hubinois /  Amazon

 

 

 

 

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