La Fourmilière
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La Fourmilière
Avez-vous pris le temps d'observer une fourmilière ou une termitière ?
Non ! Bien sûr ; À quoi bon, puisque les fourmis ou les termites sont considérées comme des nuisibles, pour sûr, il faut les exterminer.
Pour cela on écrase consciencieusement la sortie du nid avec son pied, on emploie éventuellement des produits chimiques dont on ne connaît pas toujours la provenance et les effets secondaires, on défonce le terrain à coups de bêche, on répand lesdits produits qui non seulement doivent éradiquer lesdits insectes mais empoisonnent, oiseaux et autres animaux prédateurs puis, pour finir, on stérilise le sol.
Mais qu'à cela ne tienne, il faut en finir, peu importent les moyens, du moment qu'on atteint l'objectif. On veut un terrain parfait, un gazon parfait, une moquette naturelle et on ne veut surtout pas d'insectes dans nos granges ou cabanons, ni sur les rosiers, on veut pouvoir boire sa bière, sans en retrouver un sur le rebord du verre et déguster son hamburger, sans être obligé de les chasser rageusement.
Bref ! Si on s'écoutait, il n'y aurait aucun insecte sur terre, aucune fourmi, aucune mouche, aucune guêpe, aucune araignée, aucune souris, aucun serpent, aucun nuisible et j'en passe, juste nous, nos animaux de compagnie et nos animaux domestiques, encore que.... il faut qu'ils soient propres et qu'il ne fasse pas trop de bruit.
Et pourtant, si chacun prenait ne serait-ce que quelques minutes de son temps, de ce temps si précieux que nous croyons perdre en regardant une fourmilière et bien nous découvririons tout un monde, un monde miniature, un monde à notre image.
Quoi ? Allez-vous dire, il délire, ha ! ha ! ha ! Comparer les fourmis avec les humains, c'est de la pure folie.
Pas tant que cela…Les fourmis, comme les termites, sont nos voisins et voisines depuis des millions d'années, elles ont colonisé la terre bien avant nous, elles sont organisées en sociétés, parfois complexes, avec des ouvrières, des gardiennes, des soldats, un roi et une reine ;
Elles construisent des galeries, des dômes aménagés, des ponts, des autoroutes, elles travaillent, exploitent d'autres espèces, cultivent, fabriquent, nettoient, désinfectent, recyclent, finalement à bien y regarder de près, la liste des similitudes avec l'être humain est assez impressionnante.
Les fourmis ne sont peut-être pas si différentes de nous ou nous ne sommes peut-être pas si différents des fourmis...
Alors pourquoi devrions-nous regarder une fourmilière ou une termitière ?
Parce que nous aurions peut-être beaucoup à apprendre sur le comportement collectif et sur leur technique de ventilation ou d'aménagement de l'espace face aux conditions climatiques, de recyclage et de traitement des déchets.
La fourmilière humaine n'a pas conscience de la fragilité de son environnement, elle pense que les ressources naturelles sont inépuisables, donc que l'on peut faire n'importe quoi et cela n'aura que peu de conséquences.
Après moi, le déluge...
Prenez un individu lambda, si vous lui montrez les impacts environnementaux, vous lui expliquez et lui démontrez le pourquoi du comment il faudrait faire pour éviter la catastrophe écologique, il finit par comprendre et la plupart du temps il est prêt à agir pour renverser la vapeur.
Prenez une douzaine d'individus, tenez-leur le même discours et vous verrez déjà la difficulté d'obtenir un consensus, il y aura beaucoup de discussions, de désaccord sur la façon d'agir et cela prendra beaucoup de temps pour trouver un commun accord.
Prenez un ensemble d'individus ou une population gouvernée par une administration et là il n'y a plus grand-chose qui bouge, parce qu'il y aura toujours un règlement, une injonction, un groupe extrémiste qui viendra entraver la décision ou l'initiative en démontrant les impacts potentiels directs ou indirects sur l'économie, la sécurité, l'environnement et la paix sociale.
Prenez deux populations distinctes et là vous verrez que plus rien ne bouge parce que chacune pense que l'autre en fait moins et profite des efforts de l'autre.
Prenez un ensemble de populations et cette fois il faut des décennies pour prendre ne serait qu'une simple petite décision qui, en bout de ligne, n’aura que peu d’impact sur le résultat parce que trop tardive ou insuffisante.
Certains iraient même jusqu'au conflit armé pour faire entendre raison aux autres quitte à faire plus de mal que de bien et tout ça pourquoi ? Pour avoir raison, pour dominer, pour imposer sa façon de voir les choses, convaincues de détenir la vérité.
Je hais la fourmilière humaine, son peu de conscience, sa violence et son intolérance, on parle de l'être humain comme d'un être sociable, est-ce tant vrai que cela ?
Il vit en société, soit ! Mais parce que l'union fait la force, c'est tout, l'être humain devient rapidement individualiste, dès qu'il se sent en sécurité, dès qu'il y voit un intérêt. Rare sont ceux pour qui l'amour, le partage, la compassion et la tolérance sont des vertus.
Affamez une population et ils vont se mettre ensemble pour protester, manifester, braver l'autorité, nourrissez-les, donnez-leur des bonbons et ils vont se battre entre eux, s'organiser en clan avec des dominateurs et des dominés, ils vont user de violence pour affamer et contraindre les plus faibles pour asseoir leur autorité de petits chefs de guerre ; Le cycle est sans fin et cela dure depuis des millénaires.
On s'est amélioré technologiquement, mais humainement j'en suis moins sûr.
Il nous a fallu plus de trois mille ans d'histoire pour reconnaître l'égalité des sexes et encore il n'en est pas de même dans la moitié des pays du monde et même dans les pays dits évolués le concept et souvent décrié.
Avant que tous les peuples n’acceptent l'idée que la femme est la deuxième moitié de l'humanité, cela prendra encore des dizaines de siècles…
Mais avons-nous des siècles devant nous ?
Les ressources de la terre seront bientôt épuisées et les bouleversements climatiques auront raison de l'humanité avant qu'elle n'arrive à se mettre d'accord sur quoi que ce soit. Actuellement nous consommons plus que ce que la terre peut régénérer, ce qui veut dire que nous hypothéquons notre avenir, nous vivons à crédit et nous allons doucement mais sûrement vers la faillite.
L’humanité n’évolue pas à la même vitesse dans tous les pays du monde et nous passons tous par les mêmes étapes plus ou moins vite et avec plus ou moins de bonheur.
Tant et autant que certains peuples voudront dominer leur voisin ou autre pour leur propre bien être, pour leur gloire, pour leur soif de domination, il n'y aura que peu de place pour l'amélioration des conditions humaines…et climatiques.
Si l’on se réfère à la société du temps de Platon, selon lui, il devrait y avoir trois classes sociales dans une société parfaite : les philosophes, les combatifs et les productifs.
- Les philosophes ont la sagesse et la connaissance et doivent diriger la société de manière équitable.
- Les combatifs ont la charge de protéger ladite société.
- Les productifs sont ceux qui s’occupent de la production de biens nécessaires au fonctionnement de cette société.
Sa vision était celle de son temps ou pourtant à l’époque la population était divisée en deux classes bien distinctes : les esclaves et les hommes libres.
Parmi les hommes libres, il y avait ceux dont les sentiments étaient empreints de courage, ceux-là devaient assurer la défense de la société, puis il y avait ceux faisant preuve de savoir, ceux-là étaient appelés à remplir les fonctions de dirigeant et à assurer la justice ; Et puis il y a le peuple, les productifs, les agriculteurs, les commerçants et les artisans, les esclaves, eux ne comptaient pas.
Si l’on compare avec notre société moderne, qu’est-ce qui a changé en deux mille cinq cents ans ?
Il est vrai qu’on ne parle plus d’esclave, mais êtes-vous réellement sûr qu’il n’y en a plus ?
En revanche on parlait d’homme libre, mais actuellement le sommes-nous réellement ?
Nous sommes enregistrés tous azimuts, fichés et classés par les forces policières ou forces au service de l’état, toutes nos transactions et nos actions sur internet sont analysées, décortiquées, déchiffrées, nous sommes surveillés par satellite vingt-quatre heures sur vingt-quatre par tout un tas gens plus ou moins honorables…pour notre bien…pour notre sécurité…
On ne peut plus dire ce que l’on veut, on ne peut plus écrire ce que l’on pense, si l’on publie une photographie on doit se demander si on a le droit, on est réglementé de jour en jour, nos libertés sont brimées tous les jours, sans que l'on s'en rende compte, voyager, aller là où l’on veut devient un vrai casse-tête… « Big Brother is watching you » de Georges Orwell, n’était que le prélude à ce que nous sommes en train de devenir.
Sans oublier nos dirigeants, disposant du savoir, sont censés faire preuve de sagesse. Le sont-ils vraiment ?
Dois-je citer quelques noms ? je suis convaincu que vous pensez aux mêmes que moi...
Voilà pourquoi je hais la fourmilière humaine !
Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante. Et je hais leur vertu de robots. Moi, j’étais fait pour être jardinier.
Saint-Exupéry, lettre à Pierre Dalloz le 30 juillet 1944