A qui profite le crime ?
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A qui profite le crime ?
Lors de ma certification en systémique, il y a maintenant plus de vingt ans, notre professeur, le docteur Balta, nous conseillait de nous poser la question : à qui profite le crime ? Cette question permet de comprendre les évolutions d’un système et de rester acteur là où la passivité est mortifère. Elle est particulièrement utile lors des crises, déséquilibre et bifurcations technologiques touchant entre autres les familles, le travail, la politique, l’environnement, la santé et la culture. Il précisait qu’il convenait de ne pas la confondre avec : qui fomente le crime ?
Depuis je m’aperçois que ce questionnement ne va pas de soi. Les « profiteurs » passent le plus souvent pour des instigateurs alors qu’ils ne font que saisir les opportunités offertes par les circonstances. Le vieil adage : « le malheur des uns fait le bonheur des autres » semble juste. En revanche l’idée que les autres ont déployé des stratégies pour entraîner le malheur des uns, est un pas que le systemicien ne franchit pas.
Les déséquilibres systémiques, par exemple la crise des surprimes en 2007, la généralisation des technologies numériques et digitales, l’épidémie actuelle de coronavirus génèrent des sentiments d’injustice pour celles et ceux qui en subissent les conséquences dramatiques. Et dans le même mouvement, d’autres acteurs y trouvent « leurs comptes » sans pourtant avoir déclenché la crise. Les entreprises agiles qui maîtrisaient l’intelligence artificielle et les algorithmes prennent le dessus sur celles qui ignoraient ou dédaignaient ces techniques. Des personnes, ayant intégré et testé l’idée qu’apprendre à apprendre tout au long de la vie garantit agilité et adaptabilité s’en sortent mieux que celles qui se sont installées dans une trajectoire de vie linéaire. Ces bouleversements accélèrent et intensifient les écarts préexistants.
J’ai bien conscience en rédigeant ces lignes d’être un tantinet amoral. Comme les avalanches ou les tremblements de terre qui détruisent des édifices et des vies sans savoir qu’ils font mal, les écosystèmes se rééquilibrent sans volonté de nuire pour les uns et de satisfaire pour les autres. C’est le rôle de la politique et de la gouvernance de réguler au mieux ces distorsions.
Jean Louis Muller-Garcia travaille et réfléchit au sein du groupe ECOSYSTEMIC’S avec Eva Matesanz, Minh-Lan Nguyen, Stéphanie Flacher, André de Chateauvieux, également présents sur Panodyssey, Loïc Deconche et Christophe Martel.