L’un des moteurs de l’évolution de l’humanité semble être l’optimisation du rapport entre résultats et efforts. Depuis l’invention des premiers outils préhistoriques, l’histoire des  découvertes scientifiques et techniques témoigne de cette optimisation.
Ce mouvement joue aussi pour améliorer nos capacités de destruction avec des armes de plus en plus sophistiquées. Avant Hiroshima, nous pouvions tuer des millions d’ennemis sans mettre en péril l’écosystème planétaire. Après Hiroshima nous sommes en capacité de tout détruire, ce qui fait dire  à Edgar Morin que nous sommes rentrés dans l’ère Damocleenne.
Chaque découverte crée une bifurcation voire une rupture avec le passé. Par exemple, l’invention de l’alphabet a remis en cause le pouvoir des scribes , l’imprimerie a rendu caduque la détention des cartes maritimes secrètes entreposées dans les coffres des rois. Les machines à vapeur, l’exploitation des énergies fossiles ont complètement bouleversé les sociétés. Faisant à la fois émerger de nombreuses peurs, fantasmes et résistances , ainsi que des espoirs sur une vie meilleure. Les découvertes majeures sont des bifurcations, voire des ruptures avec les pratiques passées et présentes. Elles portent en elles des bienfaits incommensurables ainsi que des effets catastrophiques.
Depuis fort longtemps nous n’avons eu de cesse que de produire des aides à notre intelligence. Grace aux progrès de l’informatique, les calculateurs résolvent en quelques secondes des équations qui nous prendraient des années. L’intelligence artificielle s’inscrit dans cette quête historique. Les nouvelle machines en réseaux, assistées par des algorithmes améliorés en permanence sont capables de corréler des faits, , données plus rapidement que les encyclopédistes humains. Ceci étant dit les algorithmes sont capables de déceler des maladies en émergence jusqu’à maintenant imprévisibles pour les médecins et être utilisés par des dictateurs pour contrôler et réprimer les populations non conformes à leurs idéologies . Et comme de nombreux sauts technologiques ils vont se déployer dans les systèmes d’armements , optimisant ainsi nos pouvoirs de destruction.
Chaque découverte scientifique et technique nous fait perdre des compétences antérieures , interroge nos convictions , croyances et identités . Ce qui génère des peurs et inerties. Avant la généralisation des calculettes nous apprenions le calcul mental et étions capables de tracer des fonctions. L’introduction de ces calculettes à l’école déclencha un fort tollé. Et pourtant, grâce à elles et aux ordinateurs en réseaux, des progrès inimaginables avant ont profité à l’humanité. Nos cerveaux , débarrassés de tâches primaires et simples ont pu s’investir dans des recherches avancées et complexes.
Néanmoins les effets bénéfiques s’accompagnent d’effets indésirables. D’où la nécessité accrue  d’anticiper ces effets. les effets bénéfiques à court terme sont tellement désirés que celles et ceux qui alertent sur les effets à long terme se muent en Cassandres entendues mais non écoutées. Comme le docteur Frankenstein, nous créons des créatures qui nous dépassent et sont susceptibles de nous détruire .
Le développement rapide des machines apprenantes en réseaux, des algorithmes et de l’intelligence artificielle pose avec acuité la question : ces systèmes resteront-ils des amplificateurs de nos intelligences ou s’affranchiront -ils des humains ? Je me dis que l’on pourra couper l’électricité pour nous prémunir de leurs velléités d’indépendance .

Ces systèmes sont tellement puissants qu’il convient de nous ré approprier la maxime de Rabelais : science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

J'ai écouté, après avoir rédigé ce billet l'interview de Luc Julia hier matin. C'est une clarification utile sur l'intelligence artificielle. Il est plutôt rassérénant. 
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-17-decembre-2023-9777573