Festina Lente - Chapitre 4
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Festina Lente - Chapitre 4
- C’est moi, Milan.
Milan, Milan, Milan. Je répète ce nom dans ma tête comme pour mieux le digérer. Comme pour me souvenir d’un avant auquel je ne me suis plus confrontée. Les mains à plat sur la table, je cligne des yeux plusieurs fois, saisissant les traits de son visage afin de les analyser. C’est impossible.
- Vous délirez, Paris. Je ne connais aucun Milan.
Je me suis jurée que si je me voyais contrainte de devoir mentir aux clients, ce serait uniquement pour servir justement mes ventes. Toujours. Ce cas-ci est pourtant hautement exceptionnel, je passe outre mes habitudes professionnelles.
- C’est moi je te dis, Bevess.
- Non !
Mon ton me surprend moi-même. Je baisse les yeux sur le marbre afin de rassembler mes esprits, je ne souhaite pas faire déborder mes émotions.
- Milan, Annemasse, il y a plus de quinze ans... Festina lente, c’est de moi que tu le tiens.
- Vous vous fichez de moi, Monsieur Verdi. Vous ne pouvez être Milan si votre nom est Paris !
L’attache que je porte à Milan ne m’a jamais quittée. J’avais onze ans, lui seize, j’avais une montagne de problèmes dans ma vie, et lui une chaleur assez puissante pour faire fondre toutes les couches nichées tout en haut de mon mont. Milan habitait quelques mètres plus bas dans ma rue, il est la seule personne que j’ai emportée en Provence, une fois que nous nous sommes définitivement installés avec ma famille. Ce n’est tout bonnement pas possible.
Paris pince délicatement ses lèvres, pose ses coudes sur le bar et joint ses doigts pour ensuite réceptionner tout l’état de ma détresse. Il dégage une douceur d’être familière, chaude, quelque chose qui a le pouvoir de vous magnétiser.
- Milan, c’est le nom que je donnais aux français. Je suis milanais, Bevess, et ça se voyait pour les jeunes de mon âge. Je ne pouvais pas être Paris en France alors que je viens tout droit de Milan.
Je m’arrête de respirer, mes poumons sont tellement gonflés qu’ils pourraient ne plus jamais désemplir. Tout à coup, une pression inconnue me quitte et prend avec elle l’agacement, la colère et la tristesse sans doute. À demi-mot, je poursuis.
- Je ne me suis jamais aperçue d’aucun accent.
- Tu avais onze ans, Bevess. Et puis tu parlais plus que je ne parlais moi. Je vois que ça n’a pas changé.
Son sourire me revient tout à coup. Ses dents bien alignées, sa bouche enjôleuse et ses yeux... La mer Méditerranée dans le regard. Il n’a rien à voir avec le Milan que j’ai quitté place de la Libération. Le voilà adulte, mature, assuré, beau et saisissant. Ça me percute de plein fouet. Je me lève, frappée par le choc, je le dévisage plus profondément.
- Je ne t’ai jamais trouvé nulle part, pas de réseaux sociaux, pas de place dans les annuaires et même à Annemasse où je suis retournée des années après. Je ne t’ai jamais retrouvé.
J’insiste sur le mot jamais, dévastée.
- Tu ne pouvais pas retrouver Milan, Bevess, il n’a jamais réellement existé. Je m’appelle Paris, Paris Verdi. Depuis toujours.
Il se lève à son tour, contournant le bar, réduisant des années de recherches et de désespoir à un moment que je n’ai même pas vu venir. Ça fait quatre fois que nous nous voyons et je ne l’ai reconnu à aucun moment. Je me sens sotte et aveugle. Je baisse les yeux, clouée par la supercherie.
- Je me sens dupée, dis-je partagée entre honnêteté et fascination.
L’émotion dans ma voix trahit d’autres sentiments que je tais.
Paris s’approche de moi aussi lentement qu’un félin. D’abord, c’est son odeur que je me surprends à sentir, avant que ses doigts ne viennent soulever mon menton et que je ne puisse réchapper à la vague affirmée, s’illustrant lorsqu’il me regarde dans les yeux.
- Pardonne-moi, pardonne-moi toute cette mise en scène idiote, murmure-t-il en jetant une télécommande électrique sur le bar... Ça fait trois ans que je sais que tu travailles par ici, mais je devais être sûr de moi, sûr que mon activité professionnelle florisse dans la région. J’ai tout bâti en Suisse après l’obtention de mon bac, mais je ne me voyais pas construire véritablement sans savoir... Pour toi.
- Pour moi ?
J’oublie instantanément que nous sommes enfermés par sa faute. Incapable pour moi d’être consumée par autre chose que mes sentiments qui règnent en maîtres. Rien n’a faibli, je ne l’ai connu que l’espace d’une année scolaire, où j’étais encore une gamine, et pourtant... Rien n’a faibli, devant lui se réouvre au fond de moi la porte de l’endroit qu’il a toujours occupé. Sa place, qu’il n’a jamais cherché, et que je n’ai jamais voulu qu’il quitte.
- Je voulais m’assurer que tu étais heureuse ici. Si tu avais des amis, un foyer, un chien, un amant peut-être.
- Un amant ? Tu rigoles, je suis difficile, tu le sais très bien.
- Toi aussi, tu es difficile.
Il sourit. Je suis soudain charmée, je retrouve quelqu’un que j’ai connu et que je réapprends soudain, en regards.
- Alors, tu me reconnais, Bevess ?
Ses mains entourent maintenant mes joues, je suis grisée par leur chaleur, apaisée par leur contact. Son toucher remet tout en place, il réduit ces quinze dernières années à de la poussière, il est le catalyseur émotionnel que j’ai attendu pour me sentir vivre -ou revivre- sans savoir que j’en avais besoin.
- Paris, Milan... Je te reconnais, oui.
Adroitement, il vient déposer un baiser sur mon front, éveillant des parties de moi sensibles à ce genre de geste. J’ai soudain douze ans, il fait frais pour un jour de juillet, mais sa veste me permet de ne rien ressentir. Je pars et je ne le reverrai plus jamais. J’ai un pincement tel qu’on dirait qu’un obus éclate dans ma poitrine. Ce genre de douleur je ne l’ai jamais ressentie et j’ai très peur.
- Milan, je ne veux pas partir.
Ce départ sonne comme une fuite. Il est à l’opposé de ce que je ressens, de ce dont il s’agit réellement.
Enfouie dans son t-shirt, je fais de mon mieux pour que mes larmes ne s’entendent pas, pour que mon chagrin ne se ressente pas en lui.
- Ça va aller, ne t’en fais pas. On se reverra, j’en suis sûr.
Je sers un peu plus notre étreinte alors qu’il embrasse ma chevelure de cette douceur rassurante qui l’accompagne toujours. Dans mon cœur c’est l’hécatombe, je ne suis pas préparée à ce genre de déchirement, je ne suis pas apte à l’encaisser. Mes larmes coulent abondamment.
- Je reviendrai à Annemasse, je t’en fais la promesse.
En guise de réponse, Milan dégage les cheveux collés à mes joues à cause de mes pleurs, il constate de l’état dans lequel je me trouve, et en retour à toutes les heures de complicité que nous avons partagées ces dix derniers mois, il dépose avec une prévenance naturelle, un baiser que je lui rends, alors que je ne sais pas encore rendre les baisers. La façon dont il m’embrasse me fait perdre la notion du temps, elle me fait oublier que je vais être en retard, que je le quitte pour un long moment.
- Festina lente, chuchote-t-il à mon oreille, alors que je reprends ma respiration, distraite par son expertise.
Je sers alors la montre tendue à son poignet, une pauvre montre en plastique vert fluo. Mon murmure n’est même pas audible, j’avale une larme.
- Festina lente.
Jackie H vor einem Tag
J'aime beaucoup votre style, vos mots choisis et cette distanciation dont vous faites preuve jusque dans l'émotion 👍🏻🙂
(updated)Marissa Brugallé vor einem Tag
C’est très gentil, je suis vraiment ravie que la petite nouvelle ait eu ce petit effet sur vous, c’est top. J’ai voulu un style accessible et léger avec de l’authenticité et comme vous l’avez mentionné, de l’émotion, et ce chapitre en atteste ! ☺️✨
(updated)Prince Of Panodyssey Alias Alexandre Leforestier vor einem Tag
Authenticité : quand tu nous tiens
Prince Of Panodyssey Alias Alexandre Leforestier vor 2 Tagen
Je sens que je vais adorer !
(updated)Marissa Brugallé vor 2 Tagen
Ahh génial, ça vient illuminer ma journée encore plus !!