Les Limbres du Peintre - Chapitre 4
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Les Limbres du Peintre - Chapitre 4
Mes pas me mènent dans les rues sombres et désertes de la cité médiévale de Pérouges. Un lieu obscur et effrayant où surgissent nos peurs d'enfant. Mais le prédateur qui m'habite n'éprouve aucune crainte et se nourrit de ces angoisses. Je l'entends. Il me parle, me plonge dans l'abîme de ses ténèbres. Il me contrôle, m'incite à assouvir ses pulsions funestes, me pousse à aller à l'encontre de mes principes. Lui, sans aucun état d'âme agit à sa guise.
La délivrance se présente sous les traits d'une jeune femme.
Âgée d'environ vingt-cinq ans, l'allure mince et élancée, elle se dirige d'un pas serein vers son véhicule. Elle ne me voit ni ne sent ma présence.
Je ne suis qu'une légère brise qui effleure en douceur sa nuque cachée par de longs cheveux noirs. Si proche, que je sens les effluves de son corps enivrer mon esprit.
Surgi des profondeurs de l'ombre, je me manifeste sous l'apparence d'une chimère et lève ainsi le voile sur ma présence, bien conscient de la souffrance que je vais engendrer.
L'intensité lunaire me donne l'aspect d'un ange de porcelaine. Réel ou imaginaire. Difficile de le discerner.
À la fois intriguée et charmée par ma venue, la jeune femme me scrute de ses grands yeux clairs langoureux et inquiets.
La nuit est si douce, pourtant son être tremble, c'est autre chose; l'angoisse et l'envie de percer le mystère qui m'entoure. Mais lorsqu'elle comprend, il est déjà trop tard.
L'aspect angélique de mon visage se dissipe sous des traits difformes et effroyables. Je deviens l'incarnation de l'horreur et des ténèbres en quête d'une ivresse sanguinaire.
Aussi léger et vivace que l'air, la bête avide de chair que je suis se jette sur sa proie, l'agrippe et l'entraîne dans une ruelle isolée.
Sans qu'elle ait le temps de réagir ou de pousser le moindre cri, je plante violemment mes crocs à la base de son cou.
Un monde d'une jouissance dépravée m'ouvre ses portes. J'avance parmi des êtres ténébreux, aux regards injectés de sang, aux torses souillés, aux corps mutilés qui s'adonnent aux plaisirs de la chair. Peu importe le lieu, peu importe le sexe, peu importe le nombre.
Le sang s'écoule à flot d'une fontaine accolée à un bassin octogonal, disposée au centre de cette pièce plongée dans une obscurité rougeâtre, aux fresques représentant l'orgie sanguinaire qui se déroule sous mes yeux.
Deux femmes vêtues d'une tunique de soie rouge, m'entraînent vers cette source. Silencieuses, elles me déshabillent et me baignent.
Une jeune fille dénudée, offerte, me rejoint et m'offre un calice de ce nectar avant de m'embrasser. Le baiser devient violence, le sang s'écoule de nos lèvres. Elle se donne entièrement. J'aspire donc la vie de ce corps frêle. Je n'éprouve aucune compassion pour cette femme sacrifiée à ma folie. Mon acte sanguinaire me procure l'intense jouissance de soumettre ma victime à ma démence nourricière. Sa vie, ses émotions s'écoulent en moi. La joie, la peine mais surtout une profonde détresse, un mal de vivre. Plus aucune volonté, plus aucun désir ne subsistent. Je ressens un profond malaise. Désireux de mettre fin à cette désagréable sensation, je retire violemment la jeune femme et aperçois le regard de la Belle Inconnue de Pérouges, vide, la bouche ouverte maculée de sang. Je découvre alors toute la monstruosité de mon acte. Qu'ai-je fait ?
Horrifié, je laisse tomber le corps comme un simple déchet et recule de quelques pas. Si belle, si jeune, elle n'est plus qu'une chair en décomposition, reflet de la pulsion meurtrière qui habite mes nuits sanglantes. Je me dégoûte, parce que si inhumain que fut mon geste, ce fut extrêmement jouissif. Je me surprends à en redemander. Écœuré par cette pensée, j'étouffe, asphyxié par le sang que je viens d'ingurgiter. J'essaie de cracher ce mal qui s'écoule en moi et m'empêche de respirer.
Lorsque j'y parviens, je me retrouve assis sur mon lit à vomir la bile de mon estomac. En vue d'apaiser mon esprit, je descends au sous-sol, mon sanctuaire et commence à reproduire sur toile, les images de ce terrible cauchemar.
L'œuvre achevée, je l'examine avec la plus grande attention.
Fascinant ! Oui, je suis fasciné par la beauté macabre de mes toiles, par ces deux corps féminins sacrifiés à la démence, déformés par la terreur et la souffrance, par ce plaisir issu de cette souffrance.
Un détail me trouble... Ces femmes...
Je découvre des corps bien distincts mais aux visages identiques. Comme un effet de miroir présentant un seul être dans différentes postures. Elle, la muse de mon univers artistique, la source de mon désir : Elena.
Et au milieu de ces scènes orgiaques, je Le vois, commettre ces atrocités. Je Le vois, assouvir cette nouvelle forme de désir sexuel et sanglant, dans la galerie, à Pérouges ou dans ce bassin et me faire partager cette jouissance au travers de mes cauchemars.
Totalement désorienté, je me précipite vers la douche, n'aspirant qu'à purifier mon esprit de ces atrocités.
L'eau excrément chaude s'écoule sur ma peau. Je sens mes muscles se délasser, s'apaiser. Je m'adosse au mur et m'abandonne entièrement à ces larmes glissantes qui nettoient mon corps et purifient mon âme de ces terribles visions. Subitement, mon sang se met à bouillonner, m'avertissant d'un danger imminent. Je me lève précipitamment et stoppe l'écoulement de l'eau. D'un coup sec de la main, je libère un espace du miroir et reste là, un court instant à observer mon reflet, moitié peintre, moitié fauve.
J'ai peur, parce qu'aussi effrayants qu'ils puissent paraître, ces rêves ont éveillé en moi, la quête de cette jouissance sanglante.
J'enfile un peignoir et me dirige vers la chambre à coucher. Tout est resté tel quel à mon réveil. J'ai le sentiment d'avoir dormi tout au long de la journée. Il se fait tard, presque vingt-deux heures et pourtant, je n'ai ni faim, ni soif, Le plaisir que m'a procuré la créature nocturne subsiste encore.