K-MEET
K-MEET
« Ce qui importe n’est pas tant la couleur de peau, mais bien la couleur du cœur. »
La pluie tombait dru sur la forêt gorgée de nuit, drapée derrière le voile onirique d’une pénombre que présageait une lune immaculée. Les branches d’arbres nimbées de brumes, semblaient abriter un peuple d’ombre qui se mouvait au gré des vents. Dans ce lieu où transpirent mystères et étrangetés, où sommeillent mythes et légendes fantasmagoriques, ou même se tourmentent parfois les peurs les plus profondes, tout semblait être à la lisière d’un monde inconnu, étrange et irréel. Oui, tout semblait pouvoir basculer à tout moment, comme ces cris d’effroi qui, contre toute attente, se firent entendre.
− Aaaaaaah...Aaaaaaaah...
Ils émanèrent d’une femme noire dans la fleur de l’âge, effrayée, qui courait de toutes ses forces. Ses larmes se confondaient avec ceux du ciel. Quelqu’un la poursuivait ou du moins quelque chose. Comme une sorte de bête fauve bipède revêtue de poils, à mi-chemin entre l’homme et l’animal, entre la réalité et la fiction. Cette créature aux hurlements gutturaux, mesura près de deux mètres et possédait une force colossale ; qui lui permit de briser les arbres sur son passage d’un coup de patte rageur. La jeune femme noire terrorisée courut à perdre haleine, au rythme des battements de son cœur. Elle sût que sa vie en dépendait.
Durant sa fuite, elle tourna brièvement sa tête plusieurs fois pour voir la progression de la bête féroce velue aux griffes acérées qui la poursuivait ; et qui n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle. Comme cet arbre devant elle quelle n’avait pas eu le temps de voir ; et qu’elle s’était prise de plein fouet.
Paaak ...
La jeune femme s’effondra sur le sol, le visage ensanglanté, à demi consciente.
Le trépas semblait avoir sonné, comme une proie à la merci de son prédateur. La bête féroce se rapprocha d’elle, puis se mit aussitôt à lacérer la peau d’ébène de la pauvre victime, comme les cris de cette dernière qui déchiraient le silence. Des bouts de chair partaient en lambeaux, à coup de griffes, à coup de crocs. Puis, contre toute attente, un puissant coup de pattes ravageur de la créature velue, vint arracher la tête horrifiée de la jeune fille ; qui fut propulsée au loin et termina sa course empalée sur une branche d’arbre. Du sang se mit à gicler du coup fraîchement sectionné de la jeune défunte ; irriguant un sol maudit. Sous les cris glaçants de cette bête, qui regardait le ciel en se frappant la poitrine, la nuit venait de se charger de ténèbres.
****
Deux semaines plus tard. 21h17. Dans un café karaoké réputé de Paris, en France. La foule galvanisée assistait à une prestation de derrière les fagots, d’un des participants, nommé Shahid (prononcé Cha-ide).
« ‘Cause this thriller, thriller night. And no one gonna save you from the beast about to strike. You know it’s thriller, thriller night. You’re fighting for your life inside a killer thriller tonight, yeah. »
Ce jeune indien de 29 ans chevelu au bouc bien entretenu, poussait la chansonnette sur l’estrade et faisait le show. Il reprenait un des classiques de Michael Jackson accompagné de quelques déhanchés et pas de danse familiers du roi de la pop, sous les acclamations et les encouragements de ses 3 collègues de travail, attablés parmi le publique.
Quelques minutes plus tard, après une performance de folie, il rejoignit sa place et ses amis, sous une salve d’applaudissements.
− Wow, t’as tout déchiré mec ! S’enthousiasma Stéphanie, fleur des îles à la peau caramélisée ; coiffée d’un afro ébouriffé.
− Merci Steph’ ! Rétorqua Shahid encore tout essoufflé.
− Franchement chapeau mec. Tu m’as bluffé, reconnut Matthieu, jeune trentenaire noir coiffé de dreadlocks.
− Je ne savais pas que tu étais un si bon danseur, avoua Sophia admirative, fleur de lotus originaire du Laos.
− Moi non plus, plaisanta le jeune indien.
− Ah, qu’est-ce qui va nous manquer cet artiste, soupira Stéphanie.
− T’inquiète, un roi ne meurt jamais, assura Shahid. Il sera toujours dans nos cœurs. Que ce soit durant sa vie et même après sa mort.
− Yes ! Et il n’aura jamais été pédophile pour moi, reconnut Matthieu. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a jamais eu de preuves probantes. Que des témoignages contradictoires et incohérents.
− Et puis, je n’ai jamais vu un pédophile qui se baladait tranquillement h24, avec ce qui pourrait le nuire, surenchérit Sophia. En général on se fait discret publiquement quant à ces choses-là ; et l’on n’affiche pas ostensiblement son vice avec complaisance comme ça, à la face du monde.
− Au moins Michael on ne l’a jamais vu avoir les mains baladeuses sur des enfants, et murmurer à leurs oreilles, comme avec Joe Biden, affirma mordicus Stéphanie.
− Tout à fait. FUCK Wade Robson et James Safechuck, fit Shahid en faisant un doigt d’honneur.
Ses autres collègues, comme un seul homme, firent instinctivement de même en affichant ce geste de rébellion populaire de la main, par solidarité envers le roi de la pop.
− Qu’on lui foute enfin la paix, lança Matthieu. Michael n’aspirait et s’efforçait de ne véhiculer que l’amour, la philanthropie et la charité.
− C’est vrai, acquiesça de la tête Sophia qui se mit aussitôt à lancer des regards de connivence furtifs à ses camarades. Et toi Matthieu ? En parlant d’amour, as-tu enfin trouvé ton âme-sœur ?
− Ah ah ! Question à 10000€ à c’que je vois ! Plaisanta Shahid en faisant un clin d’œil à ce dernier.
− T’es bien curieuse miss, dis donc, s’étonna faussement Matthieu.
− Disons « soucieuse » ...Je ne souhaite que ton bonheur. Tu le sais bien.
− Je te remercie. Et moi aussi je ne souhaite que ton bonheur Sophia.
− Bon, après ces mièvreries, dis-nous si oui ou non tu as trouvé une meuf mec, s’impatienta Shahid.
Matthieu, mutique acquiesça néanmoins de la tête en souriant.
− Cool. C’est génial ça, s’enthousiasma Stéphanie. Et comment s’appelle l’heureuse élue ?
− Véronique.
− Et tu l’as rencontré où ? Demanda Shahid.
− Je l’ai rencontré sur une appli panafricaine, nommée « K-MEET ».
− C’est quoi cette appli ? S’interrogea Stéphanie.
− C’est une appli de rencontre entre renois, créé par des renois et pour des renois.
− Wow, j’crois que j’irai faire un tour sur cette appli alors, fit Stéphanie en souriant.
− Moi je ne pourrai pas Visiblement, grimaça Sophia.
− Hum...Moi non plus alors, reconnut Shahid en soupirant faussement.
− Désolé mais ce n’est pas moi ai créé l’appli les gars, s’excusa Matthieu.
Sophia haussa les épaules.
− Ben on aura qu’à faire pareil toi et moi, Sophia, fit narquoisement le jeune indien en sirotant son verre de jus d’orange.
La jeune trentenaire asiatique acquiesça de la tête en souriant.
− Ben quoi ? Nous aussi on veut pécho ! Avoua cette dernière.
− Vous me faites trop rire tous les deux (Shahid et Sophia secouèrent leurs têtes), fit Stéphanie en s’adressant à ses deux collègues, avant de se tourner de nouveau vers Matthieu.
− Et comment as-tu connu cette appli panafricaine ? Quelqu’un te l’a conseillé ou tu l’as découvert de toi-même ?
− C’est ma cousine qui m’en a parlé en premier. D’ailleurs faut que je l’appelle ce soir, car cela fait bientôt 15 jours que je n’ai plus de ses nouvelles. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, elle m’avait dit qu’elle partait en week-end avec son nouveau gars. Depuis c’est le silence radio total...
− Elle doit sûrement filer le parfait amour depuis, et elle ne veut plus calculer personne et rester dans sa bulle avec son amoureux de renoi.
− Ouais, peut-être...Tu as sûrement raison ! Fit Matthieu l’air songeur.
− En tout cas, cette appli elle m’intéresse de ouf, s’enthousiasma Stéphanie. C’est vraiment une très bonne idée. J’espère néanmoins que j’y trouverai un beau gosse renoi, qui soit croque de moi. Comment s’appelle-t-elle déjà encore ? Kémite ? Komite ? Kémet ?
− Non ! L’appli s’appelle « K-MEET » ...
****
Un mois plus tard.
Dans une salle de sport de la région parisienne en pleine après-midi, s’activaient conjointement muscles saillants d’apollon et mauvais élèves d’embonpoint. Une musique d’ambiance techno diffuse, habillait le silence. Haltères et poids. Ça poussait la fonte pour repousser la honte. Le seul dénominateur commun de tous les membres du club était le dépassement de soi, pour mieux se retrouver face à eux-mêmes. Niveau cardio, ça transpirait aussi le courage et la détermination, à l’image de ces deux femmes noires trentenaires qui trottinaient côte à côte sur leurs tapis de courses respectifs ; pour rattraper tout ce temps qu’elles avaient perdu. L’une d’entre elles se nommait Jennifer, une sublime barre chocolatée coiffée de longues tresses africaines ; attachées en queue-de-cheval pour l’occasion. Quant à l’autre à la peau caramélisée, qui fut amie de cette dernière, ce ne fut autre que Stéphanie, la collègue de travail de Shahid le danseur fou indien, de Matthieu et de Sophia, qui participèrent à une soirée karaoké il y a quelques semaines de cela déjà. La belle antillaise avait les cheveux plaqués sur sa tête, auréolés d’un chignon afro.
− Ça va faire 12 jours aujourd’hui que je suis avec un mec. Il se nomme David. C’est un renoi. Je suis trop heureuse, fit cette dernière. Je crois vraiment que je suis tombé sur une perle. Pourtant on ne s’est vu que 3 fois jusqu’à maintenant ; et pourtant j’ai l’impression de le connaître depuis une éternité.
− C’est ce qui s’appelle le destin, chérie, rétorqua Jennifer. Visiblement, vous étiez faits pour vous rencontrer. En tout cas, moi ça fait 4 mois que je traverse le désert. Ce n’est pas les occasions qui me manquent, mais je ne cherche plus un fanfaron. J’ai trop donné avec ces connards...
− Moi aussi. Il faut chercher à présent des mecs matures et responsables ; car bien souvent sans le savoir, on a la relation qu’on mérite.
− Oui tu as raison. Honnêtement t’as trop d’chance. Il est vraiment aux petits soins avec toi, attentionné et tout ?
− T’as pas idée. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurai jamais imaginé une telle bienveillance et gentillesse à mon égard. Sans vouloir faire ma pute, dans mon for intérieur je voulais que ce soit genre le plan d’une nuit, mais il est trop solaire.
− Wow ! Amoureuse ?
− Hum...Je ne sais pas ! Rétorqua Stéphanie en souriant.
− Sérieux je t’envie de ouf. Mais au fait, ou est-ce que vous vous êtes rencontrés ? En soirée ? Dans les transports ? Dans la rue ?
− Non, rien de tout cela, Jennifer.
− Ben dis-moi où car moi aussi j’ai envie de rencontrer mon prince charmant, fit cette dernière en lui faisant un clin d’œil.
− Je l’ai rencontré sur une nouvelle application, qui vient de se lancer y’a quelques mois. C’est une application de rencontre uniquement destinée, pour les personnes renois et métissées : « K-MEET ».
− Ah génial...J’irai la télécharger. Tu l’as connu comment cette application ?
− C’est un ami du taf qui m’en a parlé, il y a quelques semaines, lors d’une sortie entre collègues. D’ailleurs, je ne l’ai plus vu depuis un moment.
− Et il a trouvé aussi la perle rare ? Demanda Jennifer
− Apparemment sinon il ne m’en aurait pas parlé de cette appli. Il m’en a dit que du bien. Mais c’était y’a 1 mois de cela. Depuis je ne l’ai plus vu au taf. Peut-être qu’il a pris des congés pour pouvoir roucouler et minauder avec sa belle gosse renoi.
− Sûrement. Avec cette appli, peut-être être que j’aurai enfin la chance de ne plus tomber sur un queutard ; et que j’y trouverai un mec mortel comme le tien miss.
− C’est tout le bien que je te souhaite. Tant que ce n’est pas un mec qu’a les crocs, ça sera une bonne chose. Après tout, peut-être même que tu n’auras pas besoin d’en trouver un sur l’appli, fit Stéphanie en indiquant de la tête un noir musclé, qui se mit à dévisager Jennifer tout en lui gratifiant d’un sourire enjôleur.
Cette dernière se mit à le regarder brièvement, puis se tourna de nouveau vers son amie en lui faisant une grimace. Chose qui ne manqua pas de faire rire Stéphanie.
****
Dans la soirée, Jennifer se trouvait seule chez elle dans sa chambre, allongée sur son lit. Suite aux conseils de sa copine Stéphanie, elle résolut de télécharger l’application « K-MEET », dans l’espoir de trouver une âme charitable qui serait susceptible de la rendre heureuse. Autrement dit une âme-sœur. Elle alla sur l’Apple store, chercha l’appli et la téléchargea.
− J’espère seulement que ce n’est pas encore une appli foireuse, songea-t-elle en soupirant légèrement.
Une fois l’appli téléchargée sur son smartphone, elle cliqua dessus afin de l’ouvrir. Elle s’y inscrivit, puis cliqua sur le lien qu’elle reçut par mail, afin de valider son inscription. Quelques secondes plus tard, elle se retrouva sur l’appli en train de faire défiler vers la gauche, toute une kyrielle de portraits d’hommes noirs prétendument célibataires. Toutes les nuances de noirs, y étaient dûment représentées. Cela allait de la peau albinos la plus laiteuse, en passant par les teints caramélisés ou métissées, pour enfin terminer par les carnations les plus sombres, somme toute originelles. Chocolat blanc, au lait ou bien café noir, il y en avait pour tous les goûts (voire même parfois pour tous les dégoûts) : des chauves, des afros, des locksés, avec ou sans bouc, des imberbes et des barbus. Jennifer hésita à matcher à plusieurs reprises concernant certains profils, jusqu’à ce qu’elle tombe sur l’un d’entre eux en particulier qui retint contre toute attente, son attention. C’était le profil d’un homme arborant un sourire charmeur, à la peau chocolatée. Il était chauve et portait le bouc. Il se nommait Julien.
− Hum...pas mal celui-là ! Se dit-elle.
Après une légère hésitation, Jennifer se mit à swiper du côté droit, le portrait du beau gosse renoi, afin de pouvoir correspondre avec lui plus tard. Ce faisant, elle se déconnecta ensuite de l’appli.
****
Au même moment, dans une zone pavillonnaire de la région parisienne, deux hommes noirs cinquantenaires, discutaient sur le trottoir, à proximité de leurs domiciles respectifs, situés l’un en face de l’autre. L’un se nommait Mr Patrick Marou. Il avait les cheveux et le bouc grisonnant et le corps affûté. Quant à l’autre, Mr Franck Birgotti, il était chauve, portait des lunettes et avait de l’embonpoint. Ils avaient coutume d’échanger un peu tard le soir, régulièrement, pour parler de la pluie et du beau temps, tout en s’oxygénant l’esprit et de respirer un bol d’air frais. C’était aussi leur manière de souffler un peu et de fuir momentanément leurs épouses respectives ; parfois viscéralement oppressantes ou compulsivement volubiles.
− Ma femme me fatigue en ce moment, Patrick.
− Pourquoi ?
− Elle n’arrête pas de me dire que j’ai grossi et que je devrai faire un peu de sport.
− Et alors ? C’est un bon conseil, non ? C’est toujours bien de faire du sport, tu sais.
− C’est facile à dire pour toi. Toi, t’es un sportif. Tu fais ça tout le temps.
− Oui mais quand j’ai commencé y’a des années, c’était aussi laborieux pour moi, Franck. Et puis c’est pour ton bien aussi qu’on te dit ça. Allez, ça te dit qu’on aille cette semaine faire un footing tous les deux. Histoire que tu te jettes à l’eau...
Franck fit une légère moue, puis se mit à esquisser un sourire malicieux.
− Pourquoi pas. Si ce n’est que dans ton salon, j’veux bien.
Patrick se mit à rire.
Pendant ce temps, non loin de là, à trois pâtés de maisons de ces deux hommes, un autre voisin mélanoderme vivant seul chez lui, était en train de dîner dans sa cuisine. Il mangeait des frites avec un steak bien saignant. Il était chauve et plutôt bel homme. Ce fut Julien, le coup de foudre de Jennifer sur l’application « K-MEET ».
Averti par une notification, ce dernier s’empressa d’aller sur l’application afin de voir le profil de celle qui l’avait « sélectionné » et de tenter de partager conjointement dans la foulée, en guise d’entrée en matière, quelques échanges épistolaires numériques.
− Hum...Jolie ! Appétissante même, Fit Julien en esquissant un demi-sourire malicieux.
Il se mit à pianoter sur son smartphone un message à destination de Jennifer (qui venait juste de se déconnecter), puis appuya sur la touche « Envoi ».
Coucou Jennifer ! Ravi de te connaître...
Quelques minutes plus tard, Julien enfila une veste, mit ses baskets en cuir noir et se dirigea dans le garage afin de sortir sa voiture. Non loin de là, les deux voisins compères, continuèrent de discuter à bâtons rompus.
− Tu vois, si tu fais tous ces exercices que je t’ai dit Franck, abdos y compris, d’ici 2/3 mois ton corps sera plus affûté et tes muscles seront plus saillants, crois-moi. Et c’est un ancien obèse qui te le dit.
− Ah bon ? T’étais un gros toi jadis ? Je pensais que tu avais toujours eu ce corps.
− C’est parce que tu m’as vu emménagé ici avec ce même corps. Mais avant je n’étais pas comme ça. J’avais de l’embonpoint...Comme toi !
A ces mots, Franck feignit de s’offusquer.
− Comment ça comme moi ? Demanda ce dernier.
Patrick se mit à sourire.
− Nan Franck, ce n’est pas c’que j’ai voulu di...
− Regarde ! L’interrompit ce dernier en indiquant de la tête la porte du garage de Julien qui s’ouvrait, à quelques mètres de là.
− C’est qui ? Demanda Patrick.
− C’est un nouveau voisin qui vient d’arriver, y’a une semaine de cela environ.
− Okay. Et t’as déjà eu l’occasion de parler avec lui ? Comment est-il ?
− Non du tout. Je n’ai pas eu cette opportunité. Mais y’a quand même un truc qui cloche chez lui je trouve.
− Ah bon ? Quoi donc ?
− Ben, visiblement il ne sort que la nuit. C’est chelou.
− Peut-être qu’il travaille de nuit. Il est peut-être infirmier ou agent de sécurité par exemple, rétorqua Patrick en le voyant investir son véhicule : un 4x4 noir rutilant.
− Je ne sais pas. Pour moi je trouve ça bizarre que je n’ai pas pu le voir, ne serait-ce qu’une fois en pleine journée. Surtout qu’en ce moment il fait beau...
− Tu te fais des idées Franck.
− Peut-être bien...J’imagine que oui...
Au même moment, le rutilant 4x4 aux vitres teintées fermées, passa devant les deux voisins.
− Et puis t’as peut-être raison finalement. Ça doit cacher quelque chose de bizarre. Si ça se trouve, c’est un serial killer qui ne sort que la nuit pour chasser et tuer de nouvelles proies, fit Patrick de manière narquoise.
Franck se mit à rire.
− Arrête tes conneries, répondit ce dernier en souriant. T’es vraiment nul...
− Je sais, rétorqua son voisin en lui faisant un clin d’œil.
****
3 jours plus tard, vers midi. Stéphanie et Jennifer étaient attablées dans un café parisien en face de la Gare du Nord. La première sirotait un expresso quant à la deuxième un capuccino.
− Purée tu m’as l’air en forme aujourd’hui, se réjouit Jennifer, en buvant une gorgée de son café. Ça, c’est l’effet David ça.
− Comment tu sais ? Demanda faussement Stéphanie.
− Mon intuition féminine...
Elles se mirent toutes les deux à rire.
− Elle est vraiment géniale cette appli : K-MEET. Elle permet vraiment de faire des belles rencontres entre noirs.
− C’est clair, fit Jennifer. Et en plus elle est gratuite. Tiens, ben quand on parle du loup.
Cette dernière indiqua de la tête, un bus à l’effigie de la célèbre appli de rencontre panafricaine, à travers la vitre, qui passait devant elles. L’affiche montrait le portrait d’un couple noir heureux, avec comme slogan écrit en bas : « L’appli qui tue ». Intriguée, une femme noire quarantenaire, qui était à proximité de Stéphanie et de Jennifer, avait surpris leur conversation. Elle était coiffée d’un afro ébouriffée, avait le teint caramel et une jolie silhouette. Étant elle-même célibataire, elle s’était empressée de noter sur son smartphone, le nom de l’appli affichée sur le bus, avant de se lever de table. Elle se nommait Isabelle.
− Je l’ai noté, lança cette dernière aux deux femmes noires trentenaires. J’espère que ça vaudra vraiment le coup. Mais bon, en vous écoutant cela m’a donné envie d’y jeter un coup d’œil.
− Oh, vous ne le regretterez pas Madame. Y’a de très beaux étalons noirs, assura Stéphanie.
− Je n’en doute pas...Mais l’expérience m’a appris qu’on ne voit bien qu’avec le cœur.
− C’est vrai. Vous avez raison !
− Mais bon, qui ne tente rien n’a rien.
− Tout à fait. Bonne chance à vous !
− Merci. Bonne journée à vous mesdames.
− Merci. À vous de même !
Isabelle prit congé de Stéphanie et de Jennifer et sortit du café.
− Charmante cette dame, fit cette dernière. J’espère qu’elle trouvera ce qu’elle désire sur l’appli « K-MEET ».
− Oui. Puisse-t-elle rencontrer un agneau plutôt qu’un loup.
− C’est clair...
− Au fait, d’ici quelques jours David m’invitera pour la première fois, à dîner chez lui.
− Ah génial...Et il y aura quoi à manger ? Toi ? Demanda Jennifer.
Stéphanie se mit à rire.
− Je ne sais pas. Peut-être bien, rétorqua cette dernière l’air faussement intimidé.
− Mais au fait...Comment se fait-il qu’il ne t’ait pas encore invité chez lui depuis ?
− Je ne sais pas. C’est vrai que c’est un peu chelou. Ou du moins, tout à son honneur peut-être.
− Peut-être qu’il ne voulait pas brusquer les choses ou paraître pervers, spécula Jennifer.
− Purée, ça existe encore des mecs comme ça, qui savent prendre leurs temps ?
− Faut croire que oui, rétorqua Stéphanie en souriant. En tout cas, j’te tiendrai au courant t’inquiète (elle lui fit un clin d’œil).
− Ah bah j’espère bien, fit Jennifer en lui faisant un clin d’œil à son tour.
− Et toi ? T’as pu trouver quelqu’un d’intéressant sur l’appli ?
− J’ai commencé à parler avec un mec du nom de Julien. Un beau gosse renoi chauve. En plus d’être mignon il n’a pas l’air d’être idiot non plus. On s’envoie des messages régulièrement et il connait pas mal de choses.
− Tu vois que cette appli sert à quelque chose. On y rencontre du beau monde. Et votre premier rendez-vous c’est pour quand ?
− Ah ne brusquons pas les choses...J’aime bien prendre mon temps et de connaître les gens, avant de vouloir les rencontrer. Histoire de ne pas perdre mon temps et d’en gagner de surcroît.
− J’comprends, mais fais gaffe qu’une autre belle renoie ne te le vole pas du coup. Y’a d’la concurrence sur l’appli « K-MEET ». Tu n’es pas la seule belle gosse dessus.
-Merci de me mettre la pression.
Stéphanie se mit à rire.
****
Au même moment dans un appartement, à l’autre bout de Paris, un jeune homme noir proche de la vingtaine, se trouvait attablé dans la cuisine, les yeux rivés sur son smartphone. Il avait la peau foncée, le visage imberbe et les cheveux rasés courts. Il était en compagnie de sa mère quarantenaire qui se tenait débout en train de préparer le repas. C’était une femme ronde au même teint chocolaté, coiffée de nattes collées, qui serpentaient harmonieusement le long de son crâne. A proximité, une radio installée sur un des meubles habillait le silence en diffusant de la musique à faible volume. Alors qu’elle continua de mijoter le repas, la jeune maman se retourna machinalement et vit son fils comme hypnotisé devant son smartphone, comme à l’accoutumée.
− Christopher, lâche un peu ce téléphone bon sang ! On ne va pas tarder à manger là.
Le jeune homme soupira légèrement.
− Okay m’man. J’termine juste de regarder un truc la et je le dépose, promis.
− Pourtant tu n’es pas né avec. C’est fou ça ! Déplora sa mère en secouant sa tête. Tu es comme toutes ces femmes noires complexées avec leurs perruques : tu ne lâches jamais ton smartphone. Comme si tu ne pouvais vivre sans, le temps d’un instant.
− Voilà, ça y est. Je le range, fit le jeune homme en logeant son smartphone dans la poche de son pantalon.
− Ce n’est pas trop, rétorqua sa mère en déposant sur la table le repas, qui fut composé d’un grand bol de riz accompagné d’une sauce au poulet.
Elle éteignit ensuite la radio provisoirement et alla s’asseoir à table rejoindre son fils, qui fut sur le point de se servir.
− Eh, t’as rien oublié Christopher avant de commencer à manger ?
− Ah oui, pardon. J’avais oublié m’man.
− Tu oublies souvent ces jours-ci je trouve. Allez, fais-moi le bénédicité s’il te plaît.
Christopher et sa mère inclinèrent simultanément leurs têtes.
− Père céleste, je te rends grâce pour ce repas que Tu as mis encore sur notre table en ce jour. Puisses-tu Seigneur bénir et sanctifier cette nourriture. Daigne également bénir la personne qui l’a préparé. Je Te le demande et je t’ai ainsi prié Père, au Nom de Jésus-Christ. Amen !
− Amen ! Maintenant tu peux à présent te lâcher mon fils et te faire plaisir, fit la mère en lui souriant. Enfin...Pas trop quand même !
La jeune maman se leva aussitôt et se mit à rallumer la radio, avant de se rasseoir et de partager le repas avec son fils Christopher. Au même moment, un flash info fut diffusé à travers les ondes. Ce fut la voix d’un homme.
« Flash info spécial. Des disparitions étranges d’individus à travers le monde ont été constatées ces dernières semaines. Disparitions qui ne semblent viser spécialement, que des personnes noires. La police soupçonne une organisation mondiale raciste, semblable au Ku Klux Klan, qui tend à kidnapper et tuer des personnes noires. Des plaintes ont été déposées ainsi que des avis de recherche. Une enquête est en cours. C’est tout ce que nous savons pour le moment. Nous continuerons à vous donner d’autres infos, au fur et à mesure qu’elles nous parviendront. Prochain flash info dans une heure. Retour à la musique à présent avec votre animatrice préférée à la voix suave : j’ai nommé Barbar… »
La radio fut de nouveau éteinte. Lassée d’entendre à chaque fois de mauvaises nouvelles, la mère de Christopher s’était de nouveau levée, entre-temps, pour éteindre définitivement le poste avant de se rassoir.
− Ah bon sang ! Aies pitié Seigneur. Que des mauvaises nouvelles en ce bas monde. Y’a de quoi perdre le moral par moment...et d’éteindre la radio !
− Ce monde n’est que l’Éden de satan m’man.
− En effet mon fils. A mon avis, ça doit être des racistes blancs qui se cachent derrière ces choses, pour qu’il y ait autant de noirs qui disparaissent ou soient tués en l’espace de si peu de temps.
− Ou peut-être pas m’man.
− Comment ça ? Pourquoi dis-tu cela ? Demanda la mère l’air perplexe.
− Parce j’ai l’amie d’une amie qui a disparu, environ une semaine après qu’elle ait téléchargé une appli de rencontre panafricaine. Elle n’a plus donné de ses nouvelles depuis. Peut-être que toutes ces disparitions de personnes noires, sont en relation avec cette appli. Bien sûr, cela n’est qu’une hypothèse, une supposition.
− En tout cas, si ce que tu dis est vrai, je n’utiliserai jamais cette appli pour pouvoir me trouver de nouveau un mari.
Cette remarque fit sourire Christopher.
− Quel est le nom de cette appli déjà ? Demanda sa mère.
− Je crois qu’elle se nomme... « K-MEET » !
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A mesure que le temps s’égrenait à la rigueur d’un métronome, des avis de recherche de personnes noires se placardaient aux quatre coins du globe, sur les murs des métropoles aux abords des gares, des stades, des salles de spectacle, des cinémas et des commerces. Laissant une grande partie de la communauté afro perplexe.
Quelques jours plus tard, à Pierrefitte-sur-Seine (dans la région parisienne, en France) deux jeunes femmes noires tressées attendaient patiemment leur bus à un arrêt. L’une d’entre elles posa machinalement les yeux sur une des vitres, où se trouvaient affichés les horaires et les passages des bus et des navettes. Elle se nommait Katia. Elle avait la vingtaine ; et l’histoire originelle se lisait sur sa peau. Elle fronça légèrement les sourcils.
− Chelou tous ces renois qui disparaissent dans le monde en c’moment, lança cette dernière à son amie. T’as vu ces trois affiches de renois disparus Cynthia ?
Cette dernière surprise, se mit à regarder à son tour.
− Oui j’avoue c’est chelou. J’ai même une amie qui m’en a aussi parlé y’a quelques jours. Ça fait un peu flipper sa mère...C’est peut-être une organisation raciste comme le Ku Klux Klan qui se cache derrière tout ça ; ou un truc dans l’genre. Qu’est-ce t’en pense toi ?
− Peut-être ? C’est fort probable oui...En tout cas, restons prudentes et faisons attention pour que nos têtes de renois ne se retrouvent pas sur des affiches... et que l’on se tape l’affiche !
Cynthia se mit à rire. Au même moment le bus 150 arriva et les deux belles gazelles d’ébène l’investirent pour pouvoir ensuite rentrer chez elles.
****
Deux jours plus tard.
Dans un parc parisien, l’aube venait d’éclore la promesse d’un nouveau jour. Des oisillons perchés sur des arbres centenaires ; ou fendant l’azur de leurs ailes flamboyantes, entonnaient tour à tour leurs louanges au divin créateur. Comme à l’accoutumée, Jennifer y faisait ses foulées bravant la fraîcheur matinale baignée de rosée diffuse. Elle était munie d’un bonnet, d’un survêtement et de baskets, tout de noir vêtu. Une poignée d’autres sportifs tout aussi courageux et déterminés qu’elle firent de même, repoussant sans relâche les limites de leurs capacités.
Après plusieurs tours de parc ininterrompus et de sudations corporelles balbutiantes, Jennifer se mit à ralentir la cadence jusqu’à se mettre à sautiller sur place quelque peu. Saturée d’efforts et de motivation, elle commença ensuite sa douloureuse séance d’étirements intrinsèque.
− C’est bien jeune fille...C’est bien ! fit une voix derrière elle, contre toute attente.
Jennifer se retourna brusquement pour voir qui lui parlait. Une vieille femme noire assise sur un banc à proximité, venait de l’interpeller. Le temps avait patiemment blanchi ses cheveux de laine et creusé conjointement des sillons sur sa peau d’ébène. Elle portait un manteau caban vert sapin par-dessus une longue jupe marron foncé, ainsi que des bottes en cuir de même couleur.
− Le sport c’est comme la spiritualité, jeune fille : c’est un dépassement de soi, reprit la dame.
− Je vous demande pardon ? C’est à moi que vous parlez madame ? Demanda Jennifer, surprise.
− Oui jeune fille...Je disais que le sport c’est un dépassement de soi. La spiritualité est comme un long escalier. Ça a toujours été plus dur d’y monter, que d’y descendre. Pour ceux qui s’efforcent d’y monter, ils seront toujours les plus vaillants, les plus nobles sur cette terre. Par contre, pour ceux qui ne pensent qu’à y descendre, ils seront toujours les faibles, les plus lâches. Les rebuts de l’humanité.
Alors qu’elle continua à faire ses étirements, Jennifer fronça les sourcils, l’air perplexe. Elle ne comprenait pas où cette vieille dame voulait en venir.
− C’est bien beau ce que vous dites, mais pourquoi me le dire madame ?
− Pour tout vous dire, je ne le sais pas, mais Dieu seul le sait. Méfiez-vous juste des apparences jeune fille. Méfiez-vous des ténèbres qui se drapent de lumière. Et sondez la lumière que l’on drape de ténèbres.
− Et qu’est-ce que les ténèbres madame ? Demanda Jennifer esquissant un sourire moqueur.
− Ce qui est présenté comme bien et qui est mal. Ce qui est présenté comme mal et qui est bien. Ce que l’on vilipende et qui est honorable. Ce que l’on encourage et qui est condamnable. Ce qui est présenté comme mensonge et qui est vérité. Ce qui est présenté comme vérité et qui est mensonge.
Jennifer acquiesça de la tête.
− Je vois...
− Il n’y a rien de vrai en ce monde, si ce n’est la mort et le corps que nous avons revêtu dès notre naissance. Sinon, tout le reste est relatif et aisément falsifiable. Même parfois ce que l’on appelle « parents », peut ne pas l’être en réalité. Trop d’infidélités parfois inavouées...La vérité est bien souvent tapie dans les soupirs que dans les sourires ; et la bienveillance est bien souvent dans la dureté que dans la légèreté. Il faut aller au-delà du voile et sondez les cœurs.
− Mais encore une fois, pourquoi tous ces mots Madame ? Je ne faisais que mes étirements...
− Parce que je vois une ombre invisible vous étreindre, jeune fille. La réalité est ce que l’on ne voit pas.
A ces mots, Jennifer commença étrangement à éprouver un sentiment particulier. Une inquiétude mêlée de peur, s’insinua progressivement en elle.
− Euh...excusez-moi madame...je...Je dois reprendre mon footing, prétexta cette dernière afin de pouvoir prématurément prendre congé de la vieille dame mystérieuse.
Cette dernière acquiesça de la tête en soupirant, tout en fixant des yeux Jennifer qui s’apprêta à reprendre ses foulées.
− Eh bien...hum...bonne journée madame.
− Puisse Dieu vous bénir...jeune fille ! « Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. » (Matthieu 7.15), ponctua la vieille dame noire en citant les Saintes Écritures.
L’air perplexe, Jennifer reprit sa course tout en ayant pris soin néanmoins de se retourner au bout de quelques secondes, pour la regarder une dernière fois. A sa grande surprise...elle avait disparu !!
****
A l’autre bout du monde, au Canada, dans une forêt luxuriante où des milliers d’arbres côtoyant le ciel s’étendaient à perte de vue, un rutilant 4x4 noir s’arrêta aux abords d’un chalet en bois, à proximité d’un lac. L’endroit était isolé, paisible, loin de la faune et de la jungle urbaine. Le genre de lieu où les âmes s’enivrent de silence, pour mieux se ressourcer. Un couple noir trentenaire sortit de l’habitacle. L’homme avait les cheveux rasés courts, le visage imberbe et se nommait Richard. La femme quant à elle était coiffée d’un sublime afro ébouriffé et se nommait Alicia.
− Ça à l’air pas mal, se réjouit cette dernière en sortant son smartphone de sa poche. Wow, en plus y’a du réseau ici. C’est génial.
− Tu croyais quoi ? fit Richard en sortant les valises du coffre de la voiture. Je ne t’ai pas emmené dans un goulag non plus.
Alicia rejoignit Richard afin de prendre ses affaires.
− J'espère bien.
− Mais ce ne sera pas une raison non plus, pour passer toutes tes journées les yeux rivés sur ton smartphone. Je ne t’ai pas emmené non plus dans l’un de mes pied-à-terre, en pleine nature, pour avoir l’impression d’être seul au final, soupira légèrement Richard tout en refermant le coffre du véhicule.
− Oh comme c’est chou. Il souhaite un peu d’attention de ma part, fit narquoisement Alicia en lui souriant. Chacun son tour bébé.
Cette dernière lui fit un clin d’œil. Richard secoua sa tête en esquissant un sourire ; tout en verrouillant les portes de son véhicule à l’aide de sa télécommande.
− Allez viens on y va !
Dès lors qu’ils arrivèrent au niveau du chalet le bellâtre trentenaire sortit les clefs de la poche de son pantalon et ouvrit la porte d’entrée. Galanterie oblige, il laissa sa compagne investir les lieux en premier, pour ensuite passer après elle, tout en ayant pris soin de refermer derrière elle.
− Voici mon humble demeure. Très rustique et paisible à la fois, lança-t-il en déposant provisoirement ses affaires à terre.
− En effet, c’est très joli, confirma Alicia en faisant de même, tout en balayant du regard l’endroit. Parfait pour se reposer et méditer. Wow, y’a même une cheminée !!
Richard sourit
− Évidemment. Un tel endroit sans cheminée serait vraiment dommage Alicia. Cela doit faire partie du package, avec le lac à proximité.
− Je sens que je vais m’y plaire, le temps d’un week-end, fit cette dernière en lui faisant un clin d’œil.
− J’espère bien. Y’a une cuisine, une salle de bain une chambre, mais pas d’électricité.
− Dans ce genre d’endroit, je m’en doutais un peu. On ne peut pas tout avoir non plus.
La jeune femme fit faussement la moue.
− Au moins cela est compensé par le charme bucolique du lieu. Et puis y’a du réseau pour les smartphones.
− Dieu merci. Même si vouloir commander de la nourriture chez Uber Eats, sera un peu compliqué ici. A moins qu’ils viennent ici en...pirogue ou en calèche !
Alicia fit une grimace et Richard se mit à rire.
****
Quelques heures plus tard, le jeune couple se lézardait devant leur cabane, sur le perron, assis respectivement sur leurs fauteuils à bascule, disposés à proximité de la porte d’entrée laissée ouverte. Ils admiraient le spectacle coutumier délivré par un coucher du soleil, rougeoyant un ciel impassible somptueux. Deux lampes à huile déjà allumées, accrochées à chacune des extrémités de la maison en bois, étaient déjà parés à prendre leur relais lumineux dès la nuit tombée.
− Qu’est-ce que c’est beau ! fit Alicia admirative. Je pourrai regarder ce coucher du soleil pendant des heures, tellement c’est beau.
− Y’a pas plus beau spectacle que celui que nous livre la nature. Y’a pas plus beau tour de chant, que celui que nous entonnent les oiseaux. C’est un spectacle que je ne veux rater pour rien au monde, quand je viens ici.
− Mieux qu’un concert de Michael Jackson, de Prince ou de Justin Timberlake ?
Richard acquiesça de la tête, tout en écarquillant ses yeux.
Alicia feignit de réfléchir.
− Hum...je crois que tu as raison, rétorqua-t-elle en admirant le paysage.
Le bel étalon noir trentenaire se mit à rire.
− En voyant toute cette beauté paisible, j’ai compris pourquoi les citadins étaient et seront toujours plus « agités et stressés » que les gens ruraux.
− Et c’est dû à quoi ton avis ?
− C’est parce que la nature ne coule pas dans leur ADN. Ils n’ont pas souvent l’occasion de se ressourcer là où il faut.
− Je vois ce que tu veux dire...Et je pense que tu as raison. C’est bien dommage que bon nombre de...
Alicia fut interrompue par le son d’une notification qui retentit de son smartphone, qui fut posé sur la table de la cuisine à l’intérieure. Elle se leva promptement de sa chaise à bascule. Richard soupira.
− T’es sérieuse là ? Alors qu’on est en pleine nature, dans un endroit paisible, en admirant un coucher de soleil somptueux, toi tu ne cherches même pas à mettre un peu ton smartphone de côté, voire de l’éteindre quelques jours. Toujours à l’affût du moindre sms ou de la moindre notification.
− Désolé bébé, mais c’est important pour moi. Il faut que j’aille voir ce que c’est. Ça ne va pas être long, je regarde rapidement ce que c’est. Rien de plus...
Alicia s’empressa d’entrer dans la cabane en direction de la cuisine pour voir l’objet de cette notification, reçue il y a quelques secondes. Parallèlement, Richard secoua sa tête tout en soupirant. Dès qu’elle fut arrivée dans la pièce, la belle femme noire saisit le smartphone et consulta la notification affichée sur l’écran, sans prendre la peine de le déverrouiller. Contre toute attente, elle se mit à esquisser un sourire sardonique. Elle déposa de nouveau le smartphone sur la table, se dirigea le visage fermé, vers la cheminée et prit des lunettes de soleil qui furent déposées juste au-dessus.
− Alors, qu’est-ce que tu fous Alicia ? Demanda son petit copain, à l’extérieur. Ça prend autant de temps pour consulter une notification ?
Au moment où il décida de se lever pour aller la chercher, la jeune femme noire réapparut, chaussée de lunettes de soleil.
− Non tu peux rester assis bébé.
Le jeune trentenaire s’exécuta. Alicia se mit ensuite sur ses genoux, à califourchon face à lui.
− Ah, tu mets des lunettes de soleil à la tombée de la nuit maintenant ? Intéressant...
− C’est pour ne pas être éblouie par ta beauté chéri, répondit-elle en lui caressant le visage.
Nonobstant les lauriers qu’Alicia était en train de tresser à Richard, l’intonation de sa voix contrastait de manière flagrante. Elle sonnait même comme une légère menace et Richard le sentit indéniablement.
− Aaaah, Tes ongles en acier rouge, s’agaça-t-il ...Je ne m’y ferai jamais ! Ça me griffe légèrement...Quelle idée d’avoir voulu acheter des ongles en acier rouge comme ça ?
− J'ai trouvé ça original chéri et tu sais que j’aime ce qui sort de l’ordinaire.
La jeune femme se mit de nouveau à le caresser de la même manière, en esquissant cette fois-ci un léger sourire sardonique. Ce qui provoqua un changement d’humeur soudain chez Richard.
− Ah, Arrête ça j’te dis, maugréa-t-il en fronçant les sourcils, tout en lui repoussant la main presque violemment. Bon sang, tu n’entends pas ou quoi ? Qu’est-ce qui t’arrives ? Et puis, enlève-moi ces lunettes ridicules.
− Okay...comme tu veux chéri. Je...je les retire...
Alicia s’exécuta toujours avec le même sourire aussi malsain qu’auparavant. Richard la dévisagea et ressentit aussitôt de l’effroi. Il devenait pâle, haletait et déglutissait.
− Tes...Tes yeux...Que...Que...leur est-il arr...Arrivé ?
A peine avait-il fini de poser cette question, qu’Alicia, munie de ses ongles rouges en acier, façon Wolverine des X-men, lui asséna un violent coup au visage qui lui arracha toute la partie gauche et projeta plus loin au sol, un bout de chair ensanglanté. Le coup porté fut d’une telle force, que l’on put voir la mâchoire de Richard souillée de sang, privée de sa peau. A le voir se morfondre de douleur, Alicia ne ressentit que de la joie. Elle se mit à sourire de plus belle, comme le pire des psychopathes. Elle ne ressentit aucune once de remord. Comme une personne sans âme, ni émotions. Voulant lui porter l’estocade, elle continua sa funeste besogne en lui tranchant la gorge, toujours à l’aide de ses ongles rouges en acier. Richard mit instinctivement les mains sur son coup, mais le sang gicla abondamment et s’écoulait entre ses doigts. Il suffoquait et sentit la vie peu à peu quitter son corps, jusqu’à ce qu’il s’immobilisa progressivement la tête penchée sur le côté droit, sous l’œil amusé d’Alicia. Cette dernière, l’air satisfait, se mit à lécher dans un premier temps ses ongles maculés de sang, puis se leva en laissant s’écrouler au sol le cadavre mutilé de Richard. Elle se dirigea ensuite vers le morceau de joue ensanglanté de Richard qui fut jonché au sol un peu plus loin et le ramassa. Elle l’examina quelques secondes le visage impassible, puis esquissa contre toute attente un sourire sardonique ...et le mangea.
****
− Aaaaaaaah...
Stéphanie, l’amie de Jennifer, se réveilla brusquement de son lit en pleine nuit, dans sa chambre. Elle haletait et avait le visage en sueurs. Son cœur tambourinait contre sa poitrine. Elle venait de faire un cauchemar. Elle mit la main sur son front, en récupérant peu à peu ses esprits.
− Mon Dieu c’était horrible.
Elle alluma la lampe de chevet posée sur la table de nuit près du lit, puis se leva. Elle se dirigea ensuite vers la salle de bain afin de se barbouiller le visage d’eau froide. Histoire de se remettre de ses émotions. Elle prit ensuite une serviette pour s’essuyer, éteignit la salle de bain et alla se recoucher.
− Ah, si seulement David avait pu être là avec moi, pour me réconforter, soupira-t-elle sous ses draps. Enfin...ce n’est qu’un cauchemar !
****
Au même moment dans la nuit, à quelques kilomètres de là, un homme noir trentenaire, pénétra dans la cuisine de son appartement. Il était pieds nus, vêtu d’un jean et d’un tee-shirt noir. Une musique classique douce émanant du salon, se diffusait parallèlement partout dans la pièce. Ce fut «la forêt et la rivière. Litvinoski - suite for strings - le grand cahier ». L’homme prit une assiette suspendue sur l’égouttoir installé près de l’évier, ainsi qu’un couteau, une fourchette et un verre ; et les déposa sur la table. Il ouvrit ensuite le frigo et en sortit une bouteille en verre remplie d’un liquide écarlate et un sachet en plastique transparent, dans lequel se trouvait quelque chose qui s’apparentait à un morceau de viande cru. Il posa la bouteille sur la table, vida le sachet sur l’assiette. Il jeta enfin le plastique dans la poubelle, avant de s’attabler et de consommer son repas ; au beau milieu de la nuit. Ce fut David, le petit ami de Stéphanie.
****
Comme à l’accoutumée, cette dernière se trouvait le lendemain, dans l’après-midi, en compagnie de Jennifer, attablées toutes deux dans le même café de la dernière fois : celui situé en face de la Gare du Nord.
− Alors, quand est-ce que vous vous rencontrez toi et Julien ? Questionna Stéphanie.
− Bientôt, très bientôt. Laisse-nous le temps de nous connaître un peu par sms et téléphone. Rien ne presse. Moi j’ai besoin de sonder un peu les mecs, avec qui j’envisage une éventuelle relation. Je ne fonce pas tête baissée au premier beau morceau de chocolat venu.
Stéphanie se mit à sourire.
− Ouais je vois, tu veux prendre ton temps. Il a une belle voix au moins ?
− Oui, comme son visage, répondit Jennifer à lui faisant un clin d’œil. Mais bon, la beauté n’est que la partie visible de l’iceberg, ma chère.
− C’est vrai. On peut avoir un visage d’ange, mais un cœur de démon ; et inversement.
Stéphanie acquiesça de la tête.
− Mais ne tarde pas trop quand même Jennifer. Y’a beaucoup de belles renoies sur l’appli « K-MEET ». Fais attention que Julien ne jette pas son dévolu sur une autre gazelle, reprit Stéphanie en lui faisant un clin d’œil.
− T’inquiète, je sais. « Black is beautiful », rétorqua Jennifer en lui retournant son clin d’œil. Normalement, on a prévu de se voir pour Halloween dans une semaine. Ce que j’aime bien avec Julien c’est qu’il ne brusque pas les choses et semble être très compréhensif.
− Ça c’est soit un signe de maturité ou d’expérience. Apparemment, il s’y connaît en psychologie féminine. T’es sûrement tombé sur un mec bien.
Jennifer sourit tendrement en regardant brièvement dans le vide.
− Oui je le pense aussi.
− On semble avoir de la chance toutes les deux.
− On dirait bien, oui. Et toi, avec David ? Ou vous en êtes ? Vous vous êtes déjà vu pas mal de fois. Il veut toujours faire le mec bien ?
− On se fait des bisous, des caresses par-ci par-là, mais on n’a pas encore...Hum...Enfin, tu vois ce que je veux dire ! Et j’aime cette attitude, cet état d’esprit. C’est pour ça que je pense que c’est un mec bien.
− Fais tout de même attention Stéphanie. A force de trop tarder, même si David veut faire genre « le mec bien » ayant des principes et tout, il risquerait peut-être de se lasser de toi. Comme tu m’as dit, y’a beaucoup de belles renoies sur l’appli « K-MEET ».
− T’inquiète, je ferai tout pour être « entreprenante » lorsqu’il m’invitera chez lui à dîner.
Stéphanie lui fit de nouveau un clin d’œil. Jennifer se mit à lui sourire.
− J’espère bien, car un mec restera toujours un mec, même s’il déploie des trésors de gentillesse et de patien...
− Il y a des monstres, des créatures assoiffées de sang, partout sur la terre, L’interrompit soudainement, un sdf assis à proximité qui buvait son café et parlait à la cantonade. Les ténèbres sont autour de nous.
C’était un homme blanc qui avait la soixantaine, les cheveux grisonnants avec une barbe de trois jours. Il avait une voix rauque, les yeux écarquillés et portait des vêtements partiellement déchirés et sales.
− Pardon ? C’est à nous que vous vous adressez ? Demanda Jennifer.
L’individu continua de soliloquer, sans même la regarder ni lui répondre. Comme s’il s’adressait à un personnage invisible ou imaginaire en face de lui.
− La fin du monde est proche. Repentez-vous, le Seigneur revient bientôt.
Suite à ces mots dignes d’un prédicateur eschatologique courroucé, le clochard termina aussitôt son café et s’enferma de nouveau dans son mutisme.
Jennifer eut instinctivement peur alors que Stéphanie de son côté rigolait. Les deux jeunes femmes virent ensuite le vieil homme se lever et quitter les lieux.
− Purée, il m’a fait peur avec sa voix d’outre-tombe.
Stéphanie se mit à rire.
− Encore un fou sorti de l’asile.
− J’te jure...En c’moment y’a plein de gens chelous comme ça qui apparaissent. C’est un truc de fou.
− Ah bon ? T’en avais déjà rencontré un récemment ?
− Oui. Quand je faisais mes foulées matinales au parc y’a quelques jours, le matin. Une dame aussi chelou que ce vieillard, me sermonnait et me saoulait avec ses prêchi-prêcha. Elle me disait de faire attention à l’apparence des gens, de me méfier, etc. Enfin, ce genre de choses quoi !
− Ça doit être la pleine lune ce n’est pas possible, répondit Stéphanie de manière narquoise.
− On dirait qu’ils sont tous de sortis.
− C’est peut-être parce que c’est bientôt Halloween.
Jennifer se mit à rire.
− Oui finalement ça doit être ça. C’est fort probable.
− Moi aussi il m’est arrivé un truc chelou hier dans la nuit. J’ai fait un cauchemar horrible.
− Ah mince ! T’as pas trop eu peur ?
− Ben si. J’étais en sueurs même.
− Ouais j’imagine. C’était quoi ton cauchemar ? Qu’est-ce qui a bien pu te faire flipper autant ?
− J’ai vu quelqu’un se faire tuer de manière atroce. Cela se passait dans une sorte de forêt. Ensuite je me suis vu attachée, bâillonnée, pieds et poings liés, à la place de la victime, avec le tueur à côté de moi sur le point de me mutiler. Et c’est là que je me suis réveillée...
− Et le tueur était une femme ou un homme ?
− C’était un homme. Un homme blanc...
****
Un peu plus tard à la tombée de la nuit, dans une zone pavillonnaire située dans la région parisienne ; Patrick Marou et Franck Birgotti, les voisins noirs cinquantenaires qui vivaient à trois pâtés de maison de chez Julien (Le crush de Jennifer sur l’appli « K-MEET ») ; s’échangeaient comme à l’accoutumée leurs derniers potins.
− T’as vu toutes ces noirs qui disparaissent en ce moment dans le monde, Patrick ? C’est assez inquiétant quand même. Quand je suis allé au centre-ville ce matin, j’ai vu plein d’affiches placardées partout sur les murs, des avis de recherches de personnes noires. Comme s’ils avaient été kidnappés ou quelque chose dans le genre.
− Oui j’en ai entendu parler à la radio. C’est assez étrange oui.
− C’est peut-être une organisation raciste qui se cache derrière ces disparitions.
− Je ne sais vraiment pas Franck. En tout cas, j’aimerai bien disparaître avec eux de temps en temps.
− Pourquoi donc ?
− Pour pouvoir fuir ce régime contraignant que m’impose ma femme depuis des semaines.
Franck se mit à rire.
− C’est pour ton bien Patrick qu’elle te fait faire ce régime.
− Peut-être mais ce bien est un mal pour moi. J’te jure j’en peux plus Franck. Elle me demande même de jeûner parfois. Ça va me rendre fou cette histoire.
Son voisin se mit à rire de nouveau.
− T’exagères. Crois-moi ce régime te fera le plus grand bie...
− Tiens, regarde qui arrive, l’interrompit Patrick en lui indiquant de la tête ; un 4x4 noir rutilant qui venait de passer devant eux.
C’était celui de leur voisin Julien. Il rentrait chez lui.
− Depuis qu’il a emménagé ici, je jure devant Dieu que je ne l’ai jamais vu en plein jour ce gars, fit Franck l’air légèrement intrigué.
− Moi non plus.
Les deux voisins regardèrent s’éloigner le véhicule qui se positionna devant la porte du garage de la maison ; qui se hissa automatiquement au bout de quelques secondes. Le 4x4 pénétra ensuite lentement dans le garage, s’immobilisa, puis se mit à l’arrêt. Trois secondes plus tard, Julien apparaissait au niveau de la porte afin de la faire coulisser par le bas et de la fermer, sous le regard curieux de ses voisins cinquantenaires. Au moment où il leva son bras pour saisir au-dessus de lui, le bas de la porte coulissante du garage ; il marqua une pause contre toute attente. Il regarda le sol quelques secondes puis releva brusquement sa tête et la tourna en direction des deux voisins, qui le regardaient avec insistance. Ces derniers, soudainement gênés, tournèrent aussitôt leurs visages de l’autre côté.
− Tu...tu crois qu’il nous fixe encore ? Questionna Patrick en déglutissant tout en s’efforçant de continuer à regarder dans le sens opposé.
− Je ne sais pas. Et puis comment le saurai-je ? Je suis en train de regarder dans la même direction que toi.
De son coté, Julien continua encore quelques secondes à les dévisager de loin en affichant une légère moue, puis secoua sa tête avant de refermer sur lui la porte du garage.
Soulagés, Patrick et Franck relâchèrent aussitôt la pression et reprirent leurs comportements naturels. Ils regardèrent de nouveau la maison de Julien, dont la porte du garage fut désormais fermée.
− Vraiment chelou ce nouveau voisin.
− Tu l’as dit. Il fait même un peu...comment dire…flipper !
****
Quatre jours plus tard. Au parc de Bercy à la verdure luxuriante, prisé de parisiens carpe diem, des âmes suspendaient le temps de leurs loisirs respectifs. Certains s’évadaient l’esprit aux confins de l’imaginaire, au détour d’une lecture chronophage ; ou écoutaient religieusement le fond de leurs âmes, assis sporadiquement sur une pelouse fraîchement tondue. D’autres improvisaient une promenade le long des allées bordées de buissons, d’arbres et de végétation en tout genre. A l’image de Stéphanie et de son compagnon David (rencontré sur l’application « K-MEET »), qui se tenaient par la main.
− Pas mal comme endroit, je ne connaissais pas, fit la jeune femme trentenaire, souriante. Je suis agréablement surprise.
− Il y a tellement de parcs sur Paris, aussi sublimes les uns que les autres, qu’on ne peut en effet tous les connaître.
− Oui c’est vrai. Cependant Je ne savais pas que tu connaissais un aussi bel endroit David.
− Et encore tu n’as rien vu Stéphanie. Je te ferai connaître un bien plus bel endroit ce soir, lui répondit de manière allusive le jeune homme trentenaire.
Stéphanie le regarda d’un air enamouré et lui souriait tendrement.
− J’espère que tu me prépareras un bon dîner du coup, rétorqua cette dernière.
− Ce sera la surprise du chef.
David lui fit un clin d’œil et la jeune femme lui souriait de nouveau. Cette dernière se mit ensuite à regarder machinalement une jeune femme noire ayant la vingtaine, qui vint dans leur direction en face d’eux, pour se diriger vers le sens opposé. Contre toute attente, la jeune femme pleurait à chaudes larmes. D’instinct, Stéphanie absorba son aura émotionnelle qui l’incita à s’émouvoir et à afficher de manière conjointe, un air pétri de compassion.
− Vous allez bien mademoiselle ? Demanda cette dernière lorsqu’elle fut arrivée à son niveau, en lui mettant la main sur l’épaule. Que vous est-il arrivé, sans indiscrétion ?
− Ma sœur jumelle a été assassinée. Elle a été retrouvée démembrée dans une benne à ordure, près d’un terrain vague.
− Oh bon sang !
David sortit un paquet de kleenex de sa poche et le remit à la jeune femme éplorée.
− Tenez !
− Merci Monsieur.
− Qu’est-il arrivé pour que votre sœur jumelle, se retrouve atrocement mutilée de la sorte ?
− Je...Je ne sais pas Madame. Je...
− Vous pouvez m’appeler Stéphanie si vous le souhaitez, l’interrompit-elle.
− Merci. En fait, je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé, Stéphanie. Je sais juste que ma sœur avait rencontré quelqu’un sur une application de rencontre (la belle trentenaire écarquilla furtivement ses yeux). Je ne sais pas si je peux y faire un rapprochement avec cela, mais depuis que ma sœur fréquentait son nouveau petit copain ; je la voyais de moins en moins et n’avait plus de nouvelles d’elle.
La jeune femme éclata de nouveau en sanglots. Stéphanie lui caressa l’épaule afin de la réconforter. David quant à lui resta étrangement stoïque, comme si la détresse de la jeune femme lui était insensible.
− Et...comment s’appelait cette application mademoiselle ?
− Je suis désolé Stéphanie. Je...vais devoir y aller.
− Oui...oui bien sûr ! Pas de soucis...Je peux comprendre que vous n’êtes bien évidemment pas disposé à vouloir converser longuement, vu votre malheur. Je souhaitais juste connaître le nom de l’application s’il vous plaît.
− Elle se nomme « K-MEET » ...Lui Révéla la jeune femme en s’essuyant les yeux à l’aide du Kleenex, avant de reprendre sa marche funèbre et de s’éloigner du jeune couple.
Stéphanie, stupéfaite, écarquilla de nouveau les siens. Elle se tourna vers son compagnon et l’incita à reprendre la marche de leur côté.
− T’as entendu ça David ? Apparemment il y aurait des psychopathes qui sévissent même sur l’application ou l’on s’est rencontré.
David se mit à se mordiller les lèvres furtivement.
− Pas étonnant. Comme l’application est destiné à tout le monde noir, c’est donc pas étonnant qu’il y ait aussi des...gens peu recommandables qui s’y soient incrustés.
− En gros, c’est une vraie cour des miracles cette application !
− Ben non, sinon je ne m’y serai pas inscrit.
David esquissa subrepticement un sourire malicieux. A ces mots Stéphanie parut comme soulagée et lui esquissa à son tour un sourire attendrissant.
− Oui c’est vrai. Heureusement qu’il y a aussi des gens bien, comme toi David. Sinon je n’aurai jamais accepté de te voir.
Ce dernier se mit à se mordiller les lèvres furtivement.
− Merci c’est gentil. Tout n’est juste qu’une question de feelings, pour qu’il y ait des atomes crochus. Et malheureusement oui c’est vrai : Il y a des monstres cachés partout, cherchant qui ils vont pouvoir dévorer.
− Et toi, tu comptes me dévorer ? Demanda Stéphanie de manière allusive, d’une voix sensuelle.
David se mit à rire.
− J’te mangerai tout cru, s’il le faut. En temps voulu.
− Hum...intéressant. Alors tu dois être l’un de ces monstres j’imagine, si tu souhaites ardemment me dévorer.
David se mit de nouveau à rire.
− Disons que je suis un gentil monstre (Stéphanie se mit à rire à son tour) ...Un bon gars qui a parfois ses mauv...
− Oh regarde le chiot, l’interrompit-elle. Il est trop mignon.
Un golden retriever de quelques mois au pelage beige, avait accourut entre-temps vers Stéphanie pour pouvoir jouer à ses pieds. Il était espiègle et remuait joyeusement sa queue. Émerveillée par l’animal, Stéphanie s’agenouilla et le caressa affectueusement.
− Une vraie machine à câlins, reconnut cette dernière en s’adressant à David qui était resté debout en la regardant. Il était étrangement impassible. Contre toute attente, la jeune femme saisissa l’animal et se releva, tout en continuant de lui témoigner de l’affection.
− Regarde comment il est mignon David, fit-elle en le lui présentant. Tiens prends-le deux secondes. Il n’est pas méchant.
Ce dernier fronça légèrement les sourcils.
− Euh...non...Je...
Au moment où le chiot fut au plus près du jeune trentenaire, il se mit instinctivement à lui grogner dessus de manière soudaine puis à lui aboyer toute sa rage. Surpris, David fit un pas en arrière. Stéphanie afficha un air légèrement perplexe.
− Petit chien mais très hargneux, fit David la mine légèrement renfrognée.
− Viko, viens ici ! Arrête de déranger les gens, fit aussitôt sa maîtresse qui le cherchait déjà depuis quelques minutes auparavant.
C’était une femme caucasienne sexagénaire, portant des lunettes et ayant de longs cheveux grisonnants coiffés d’un chignon.
− Nan, ce n’est pas grave Madame. Il est trop mignon votre chien. Tenez !
Stéphanie remit le chiot à sa propriétaire. Blotti dans ses bras l’animal avait de nouveau retrouvé sa joie de vivre, comme l’indiquait le remuement de sa queue.
− Merci c’est gentil. Je le cherchais depuis 5 mn déjà. Il ne vous a pas trop dérangé j’espère ?!
Stéphanie regarda David en esquissant un sourire.
− Non du tout. A part qu’il a un peu grogné contre mon compagnon, lorsque j’ai voulu le lui présenter.
A ces mots, la dame fut surprise.
− Ah bon ? Pourtant mon chien c’est un amour, s’étonna-t-elle. Il est encore jeune. Je ne l’ai jamais vu grogner sur quiconque. Regardez-le ! Ce n’est qu’un bébé. Il n’a que quelques mois.
− Un bébé qui a bien failli pourtant me sauter dessus, soupira David.
− Ben disons qu’il y a un début à tout, fit Stéphanie de manière narquoise.
− Ah ah, très drôle.
− Veuillez donc me pardonner pour son côté fougueux Monsieur, fit la sexagénaire embarrassée. Pardonnez-moi.
− Non, ce n’est pas gra...
Surpris, David fut interrompu par le départ soudain de la dame, qui reparti avec son chiot dans ses bras.
− Mais qu’est-ce…
− Ce n’est pas grave t’inquiète, rassura Stéphanie. La dame était sûrement pressée. Elle avait sûrement des choses à faire.
− Wow...Visiblement, elle est aussi impolie que son chien.
Stéphanie se mit à rire, puis reprit sa promenade avec son compagnon en lui prenant la main.
Quelques minutes plus tard, ce dernier ressentit la vibration de son smartphone au fond de sa poche. Instinctivement, Il regarda sa petite amie du coin de l’œil. Celle-ci fut distraite pendant quelques secondes, en tournant machinalement sa tête du côté gauche. David à sa droite, en profita pour extraire discrètement l’appareil de son pantalon, afin de voir quel était la teneur de cette notification. Il décala légèrement son smartphone de manière latérale, afin que Stéphanie ne puisse pas le remarquer. Puis il jeta un coup d’œil furtif sur l’écran et vit qu’il venait d’avoir un nouveau crush sur l’appli « K-MEET ». Il réinséra discrètement l’appareil au fond de sa poche (toujours en regardant Stéphanie du coin de l’œil) ; et se mit contre toute attente à esquisser...un léger sourire sardonique !
****
Dans la soirée, David se trouvait devant la porte de son appartement en compagnie de Stéphanie. C’était la première fois que cette dernière allait chez lui, depuis qu’ils s’étaient rencontrés sur l’application « K-MEET ».
− Bienvenue dans mon humble demeure, fit le jeune homme en ouvrant la porte de son domicile à sa petite amie.
− Merci Monsieur, rétorqua la jeune femme en passant devant lui, tout sourire.
− N’oublie pas d’enlever tes chaussures.
− Pas d’soucis patron, rétorqua narquoisement Stéphanie en s’exécutant, après avoir mis sa veste sur le porte-manteau.
Le jeune trentenaire referma ensuite la porte derrière elle et fit de même. Curieuse, la jeune femme se précipita ensuite machinalement vers le salon.
− C’est bien chez toi, dit-elle en balayant l’endroit du regard.
− Merci bébé.
Contre toute attente, un objet particulier posé sur une commode interpella la jeune femme et lui fit écarquiller les yeux. Cela attira intrinsèquement son attention. C’était le buste d’un être reptilien. Stéphanie avait l’air légèrement perplexe.
− C’est quoi ça ? Les reptiliens te fascinent ?
− Oh, c’est bien plus qu’une fascination.
− Ah bon ? C’est à dire ? Tu serais un de ces reptiliens ? Demanda la belle femme noire en plaisantant.
David se mit à rire.
− Allez viens, que je te montre le reste de l’appartement.
Après avoir fait le tour du propriétaire, Stéphanie se trouva attablée quelques minutes plus tard dans le salon en train de surfer en ligne sur des sites fashion, grâce à l’ordinateur portable de David. Ce dernier, parallèlement, préparait le repas dans la cuisine. De temps à autre sa petite amie regardait encore le buste de reptilien qui se trouvait juste en face d’elle, posé sur une des commodes. Bien qu’elle se disait que cela était absurde, c’était comme si elle se sentait fixée par le lézard ou que sa présence le gênait viscéralement.
− Arrête d’être folle dans ta tête comme ça Stéphanie, se dit-elle. Bref...
Elle secoua sa tête.
− Quand est-ce qu’on mange bébé ? Je commence à avoir faim, demanda la jeune femme du salon, en s’adressant à David d’une voix audible.
− Très bientôt Stéphanie...Très bientôt. Ça arrive !
− T’en mets du temps.
− C’est parce que je le prépare avec amour pour toi, bébé.
− Hum...Si tu le prépares avec amour ; alors je le mangerai avec amour aussi, fit la jeune femme trentenaire en se levant machinalement pour aller rejoindre son petit ami dans la cuisine.
En entrant dans la pièce, elle vit son compagnon en train de couper de la viande en lamelle, sur une planche en bois.
− Tu me cuisines quoi comme repas ? Ça a l’air d’être bon !
− C’est la surprise du chef, rétorqua David.
− J’adore les surprises.
− Tu n’auras jamais goûté ça de ta vie. Ça je peux te l’assurer. Je pense que tu vas aimer ce plat.
− Hum...J’en salive d’avance. J’ai trop hâte de le déguster, fit Stéphanie en enlaçant David par la taille, de derrière.
Cette dernière d’humeur espiègle, s’improvisa à lui caresser le torse puis le bas du ventre, tout en l’embrassant dans le cou.
− Ah Stéphanie...Laisse...Laisse-moi terminer le repas, s’il te plaît.
David tenta de gesticuler de gauche à droite, comme pour se débarrasser des caresses et des baisers de sa compagne, et de s’efforcer de rester concentré.
− J’ai faim chérie. Désolé.
A ces mots, David s’immobilisa quelques secondes et se tourna vers Stéphanie.
− Moi aussi rassures-toi, rétorqua-t-il d’un air presque solennel.
Suite à ces mots, il se retourna aussitôt pour continuer sa cuisine, laissant sa petite amie légèrement perplexe durant quelques secondes.
− Retourne dans le salon surfer sur internet ou te reposer. Je te préviendrai quand tout sera prêt.
− Ne tarde pas trop dans ce cas, car sinon c’est moi qui vais te manger, plaisanta Stéphanie.
David se tourna de nouveau vers elle et se mit à rire. La belle femme noire trentenaire lui esquissa un sourire avant de se diriger de nouveau dans le salon.
Quarante minutes plus tard le couple s’y trouva attablé. Pendant le repas, Stéphanie ne put s’empêcher de regarder furtivement à plusieurs reprises, le buste reptilien qui trônait sur la commode en face d’elle ; placé légèrement du côté gauche de David. Entre deux sourires complices avec sa dulcinée, le jeune homme trentenaire le remarqua par la force des choses. Cela le fit sourire de manière intrinsèque.
− Je vois que ce buste t’intrigue beaucoup apparemment. Tu n’arrêtes pas d’y jeter un coup d’œil.
− Ben, disons que ce n’est pas commun de trouver un buste de reptilien, chez son petit copain. Tu ne crois pas ?
David se contenta de lui sourire, sans même répondre.
− Tu crois à l’existence des reptiliens, toi ? Questionna Stéphanie l’air perplexe.
− Non seulement j’y crois, mais certains en ont même déjà rencontré sans le savoir. Si ça se trouve peut-être même toi aussi.
A ces mots, la jeune femme se mit à rire.
− Désole de te dire ça David, maïs s’il y a une chose dont je suis sure ; c’est que je n’en ai jamais rencontré. Car je sais qu’ils n’existent pas.
− Oh détrompe-toi. Tu risquerais d’être surprise un de ces jours.
− Sérieux David, comment peux-tu croire à toutes ces fables ?
Ce dernier se mit à lui sourire de nouveau, sans répondre.
− S’ils existent réellement, d’où viendraient-ils ces reptiliens ? Sortiraient-ils tout droit de la série américaine « V » ? Demanda Stéphanie d’un ton narquois.
− « V » était bien plus qu’une série. Ce fut un documentaire.
Stéphanie se mit à rire de nouveau.
− Sincèrement, d’où viennent-ils David, s’ils existent ?
− Les reptiliens sont des êtres d’apparence humaine, avec des gênes de reptiles, de serpent. Ils sont le fruit d’une relation sexuelle initiale entre une femme humaine et un serpent qui jadis fut bipède.
− Ça me fait penser à la Genèse dans la Bible, avec Eve qui coucha avec le serpent ancien, qui ne fut rien d’autre que le diable incarné.
− C’est exactement ça. Suite à cette relation adultérine avec le serpent ancien, en l’occurrence le diable, Eve enfanta ensuite Caïn. Ce dernier fut officiellement le premier reptilien de l’histoire, ayant une apparence humaine comme sa mère ; et des gênes de serpent comme son père. Caïn fut donc l’ancêtre de tous les reptiliens qui allaient exister sur toute la surface de la terre.
Stéphanie secoua sa tête en souriant.
− « Race de vipères, comment échapperez-vous au châtiment de la Géhenne » (à ces mots David fronça légèrement les sourcils), paraphrasa la jeune femme d’un air moqueur et faussement solennel, en citant un verset des Evangiles (Matthieu 23.33). Désolé David mais moi je ne crois pas à toutes histoires et autres légendes de reptiliens venus de l’espace, s’étant accouplés avec des extraterrestres christiques. Bref…Moi je ne crois qu’aux dieux de mes ancêtres africains ; et rien d’autres.
− Tu peux croire ce que tu veux, bébé. Ce n’est pas un problème.
− J’espère bien, rétorqua Stéphanie en prenant une énième bouchée de son plat.
− Je n’ai fait que répondre à ta question, fit le jeune trentenaire en lui faisant un clin d’œil.
− Oui je sais. Hum…Par contre, je crois que ce repas que tu as préparé est délicieux David. Tu as vraiment des talents culinaires, que je ne soupçonnais même pas.
− Merci bébé. Et tu es loin d’avoir tout vu.
− Pourquoi ? Tu as d’autres talents cachés ? Questionna la jeune femme noire, d’une manière sensuelle.
David se mit à rire.
− ça aussi ce sera la surprise du chef, répondit ce dernier en lui faisant de nouveau un clin d’œil.
− En parlant de surprises, c’était quel genre de viande que tu as préparé ? Elle est délicieuse…C’était du poulet, du porc ou du bœuf ?
− Pourquoi tu demandes ? Tu n’as pas reconnu ? Demanda David en esquissant un léger sourire sardonique.
Surprise, Stéphanie écarquilla instinctivement les yeux.
− Ben non, sinon je ne te l’aurai pas demandé, rétorqua cette dernière l’air légèrement étonné. Quelle sorte de viande as-tu donc préparé, accompagné de cette sauce sublime au curry ?
− C’est de...l’humain ! De « l’humaine » plus précisément, révéla David en prenant soudainement un air impassible.
Suite à cette réponse improbable, le visage souriant de Stéphanie se rembrunit aussitôt durant une poignée de secondes ; avant de faire réapparaitre de nouveau, ses zygomatiques contre toute attente.
− Nan, arrête, dit-elle l’air amusé. Sérieusement, quelle est cette viande que j’ai eu le plaisir de déguster David ?
Elle se mit à rire en secouant sa tête.
− Toi, t’es soit un blagueur, soit un petit cachotier.
− C’est ce qui fait mon charme bébé. Tu le sais.
Stéphanie se mit à sourire de nouveau.
− Tiens, si tu allais me chercher le fromage dans le frigo s’il te plaît.
− Okay, sans problème bébé. Mais je te préviens, en revenant je veux que tu me dises réellement, quel genre de viande tu as préparé, ordonna la jeune femme en se levant de table.
− Bon, comme tu ne sembles pas me croire, faudra que j’invente quelque chose pour que tu sois satisfaite dans ce cas.
− Toi, t’es vraiment un filou, fit Stéphanie tout sourire en se dirigeant vers la cuisine. Je reviens.
− Ça marche.
Des lors que Stéphanie eut le dos tourné et commença conjointement à s’éloigner du salon, David lui lança contre toute attente...un regard des plus glacials. Sa sympathie naturelle avait soudainement fait place à un visage plus sombre. Quelques secondes plus tard, la belle trentenaire noire arriva au niveau du frigidaire. Dès l’instant où elle saisit la poignée elle se mit à l’ouvrir tout en détournant machinalement son visage du côté droit, sans même voir ce qu’il y avait à l’intérieur ; et ce afin de pouvoir s’adresser à son petit copain.
− Comme je suis devant le frigidaire, tu veux que je prenne autre chose en plus, David ? lança-t-elle à haute voix pour bien se faire entendre.
Étrangement, elle ne reçut aucune réponse. Ce qui la rendit légèrement perplexe, de manière ponctuelle. Elle tourna enfin sa tête pour voir l’intérieur du frigidaire ; et eut aussitôt contre toute attente une vision d’effroi qui lui donna des haut-le-cœur, jusqu’à en vomir.
− Oh Seigneur...
Instinctivement, Stéphanie se mit à trembler des mains. Ce qu’elle venait de découvrir fut l’antichambre de l’horreur. Des morceaux de corps humains démembrés, emballés dans des sacs plastiques transparents maculés de sang, s’exposaient à chaque compartiment. Des bouteilles en verre transparentes suspendues aux balconnets de la porte, furent même remplies de sang humain. Que ce soit la tête, les bras, les mains, les pieds, le cerveau, le tronc ou les intestins, toute la composition d’un corps humain était sporadiquement disposée à l’intérieur. Corps humain qui appartenait à une femme noire. Stéphanie, horrifiée, sentit soudainement une présence se tenir debout derrière elle.
− Da...David...c’est...c’est toi ? Demanda-t-elle en se retournant lentement la peur au ventre, tout en haletant légèrement.
Son cœur tambourinait contre sa poitrine, comme un fou en camisole qui se cogne constamment le visage contre un mur. Le temps était comme suspendu. Dès lors qu’elle posa ses yeux sur lui, elle sursauta et poussa un cri d’effroi. Stéphanie tremblait de plus belle. Comme une double peine, elle venait d’avoir sa deuxième vision d’horreur. La personne qui était en face d’elle ne lui était plus du tout familière. Ce n’était plus David ; ou du moins celui qu’elle avait toujours connu. Ce dernier arborait des yeux de serpent, doublé d’une langue de 5 cm fendue en deux à l’extrémité, qui sortait de sa bouche. Une partie de son visage (du côté de sa joue gauche), laissait entrevoir sa peau écaillée reptilienne verdâtre. Dans sa main, il tenait un couteau de cuisine. Le visage hargneux et défiguré par la haine, il trancha la gorge de Stéphanie, d’un geste brusque.
− Alors, tu n’y crois toujours pas aux reptiliens ?
David se mit à tenir la tête de Stéphanie par les cheveux de la main gauche, tout en lui poignardant la joue gauche à trois reprises de sa main droite. Il lui coupa ensuite son oreille, du même côté ; puis relâcha la jeune femme qui s’effondra aussitôt raide morte sur le sol, baignant dans son sang. Il récupéra ensuite son apparence humaine tout en dévisageant le corps inerte de sa victime ; et en esquissant un sourire sardonique.
Puis il tourna légèrement sa tête et vit la vomissure de Stéphanie par terre, en face du frigidaire. Aussitôt, il changea brusquement d’humeur.
− Bon sang, ce n’est pas vrai ! Maugréa-t-il en donnant un violent coup de pied, au cadavre étendu au sol.
La mine renfrognée, David referma le frigidaire puis se dirigea vers un meuble de cuisine. Contre toute attente, il en sortit une scie dont la lame dentée en acier ; fut déjà sporadiquement maculée de sang séché. Le regard froid, déterminé, et le cœur remplit de ténèbres, il retourna ensuite vers le corps sans vie de Stéphanie.
****
Hélas la mort de cette dernière ne fut pas un cas isolé. Au même moment, partout dans plusieurs villes du globe, des personnes noires qui avaient souscrit à l’application « K-MEET » subissaient le même sort tragique dans divers appartements, ou autres lieux externes. Ils furent tous sauvagement assassinés, mutilées, par ce même type de créatures reptiliennes cannibales.
****
Le lendemain en fin de matinée. Après avoir parcouru quelques kilomètres sur le tapis de course motorisé de sa chambre et brûlé quelques calories, David se dirigea vers le salon afin de faire quelques exercices physiques, au sol. Que ce soit des pompes, des abdominaux ou du gainage, tout y passait. Il termina ensuite sa séance par quelques étirements intrinsèques, avant de se retrouver sous la douche. Quelques minutes plus tard, le reptilien noir était dans la cuisine (qui fut entre-temps nettoyée) habillé, tout frais et parfumé. Il était l’heure pour lui de se sustenter. Il ouvrit le frigidaire et sembla réfléchir pour savoir ce qu’il voulait prendre, devant tout cet amas de chair, de sang et d’os négroïde. Il referma le frigidaire et ouvrit le congélateur. Les membres équarris du corps de Stéphanie étaient disséminés dans des sacs plastiques, maculés de son sang séché. Sa tête gelée décapitée logeait même au fond d’un bac.
-Non, autant prendre ce que j’ai déjà commencé à entamer. De plus, je n’ai pas le temps devant moi pour décongeler tout ça, se dit-il. Bref...
Il referma le congélateur, ouvrit le frigidaire et prit un sac d’où se trouvait un bout de bras noir sectionné. Quelques minutes plus tard, David fit frire à la poêle quelques bouts de chair qu’il avait pris soin de couper en lamelles, avant de le mettre dans une assiette accompagnée de salades et d’haricots. Son repas cannibalesque coutumier était fin prêt et il s’attabla. A peine s’était-il assis, qu’il se mit à faire une légère moue tout en fronçant les sourcils.
− Il manque quelque chose...
Il se leva, se dirigea dans le salon et s’arrêta à proximité de sa colonne enceinte wifi Bluetooth.
− Mets-moi « la forêt et la rivière. Litvinoski. Suite for strings - Le grand cahier » s’il te plaît, dit-il à l’appareil audio.
Grâce à la magie de la technologie, l’appareil se mit à jouer sa plus belle des partitions classiques. C’était son morceau fétiche. Il ne s’en lassait jamais.
− Ah, là c’est mieux…
L’air satisfait, le jeune trentenaire retourna s’attabler dans la cuisine. Alors qu’il se délectait de son plat improbable, son smartphone posé à côté retentit. David se mit à regarder sur l’écran pour connaître l’identité de l’appelant. Il affichait le nom d’Alicia. C’était celle qui avait défiguré et tué son petit copain il y a quelques semaines, sur le perron d’un chalet au Canada, lors d’une escapade amoureuse en pleine forêt. Elle était dans son appartement en train de faire du vélo. David décrocha.
− Eh, comment vas-tu sœurette ? S’enthousiasma ce dernier.
− Moi ça va. Et toi grand frère ? Et papa comment va-t-il ?
− Son buste se porte comme un charme. Il a toujours fière allure.
− Ah, génial.
− Je le nettoie tous les jours, comme il se doit. Il a même intrigué hier soir une de mes dernières...victimes ! Fit David en prenant une bouchée de son repas.
− Ah bon ? Je vois que « K-MEET » te réussit bien beau gosse, répondit Alicia en esquissant un sourire sardonique.
Le visage de la jeune femme laissa apparaitre de manière subliminale, une mâchoire aux dents très pointues, des yeux de serpent et une peau partiellement verdâtre écaillée ; avant de reprendre son apparence humaine.
− Je n’ai pas à me plaindre. Tout comme toi, rétorqua David en esquissant le même rictus ; et en effectuant la même transformation reptilienne furtive.
− C’est vrai. Toi et moi nous profitons de la vie. Nous sommes de vrais gourmands.
Ils se mirent tous deux à rire.
− En tout cas, je suis ravi de voir que tu te portes bien et que tout se passe pour le mieux pour toi.
− Merci frangine. Idem pour moi.
− N’hésite pas à venir me voir un jour au Canada, frangin.
− Pas de soucis. Et toi, n’hésite pas à venir me voir un jour en France aussi. Ça fait 3 ans qu’on ne s’est pas vu sœurette.
− C’est vrai. C’est pour ça que je t’appelle souvent afin de garder le contact.
− Merci Alicia.
− A bientôt David. Bye !
− A bientôt sœurette.
Ils raccrochèrent simultanément. David déposa ensuite son smartphone sur la table. Alors qu’il s’apprêtait de terminer son plat, une notification retentit. Elle venait de l’application « K-MEET ». C’était un de ses « crush » qui venait de lui laisser un message. Elle se nommait Victoria. C’était une ravissante femme trentenaire à la peau chocolatée et aux dreadlocks plongeants jusqu’aux épaules. David prit son cellulaire, le déverrouilla et consulta le message de la belle jeune femme noire.
− « Salut David ! Merci pour m’avoir adressé ton « crush ». Ça m’a fait plaisir . Comment vas-tu ? »
A la lecture de ce message, David afficha de nouveau un sourire sardonique...et des yeux reptiliens !
****
Le lendemain après-midi dans un parc parisien, deux jeunes hommes noirs étaient assis sur un banc. Ils avaient tous deux la vingtaine. L’un s’appelait Moustapha. Il portait des lunettes sur son visage imberbe et fut coiffé d’un afro. Quant à son ami, il se nommait Éric, était chauve et portait le bouc.
-Croire que tous les blancs sont mauvais ; est tout aussi stupide que de penser que tous les noirs sont bons, assura mordicus Moustapha. Malcom x s’est fait tuer par un noir. Thomas Sankara s’est fait tuer par un noir. Etc. Les exemples sont légion.
− C’est vrai, malheureusement, confirma Éric en soupirant.
− Dans certains quartiers américains où en Afrique des noirs tuent d’autres noirs. Le racisme est une vaste arnaque manichéenne. Un raciste noir ne vaut pas plus qu’un raciste blanc. Ils ont tous les deux le même esprit ; et sont par conséquent tous les deux condamnables.
Éric soupira et secoua brièvement sa tête.
− En attendant ce ne sont pas les noirs qui ont fait subir le racisme en premier, sur d’autres peuples, ergota ce dernier.
− Peut-être mais pour moi le racisme n’est pas une question de couleur de peau, mais plutôt une question de couleur de cœur.
− Ouh la...T’es trop philosophe pour moi, mec.
Moustapha se mit à rire.
− Mais non, t’inquiète...C’est assez simple, rassura ce dernier. En gros je dis que si je me bats pour mettre en exergue le paradigme et l’intelligentsia séculaire de ma communauté, cela ne sera jamais intrinsèquement, au détriment des autres communautés.
− C’est parce que tu sors avec une blanche que tu parles comme ça.
− Non. C’est parce que je suis quelqu’un qui sait réfléchir.
− Modeste en plus.
− Non, réaliste. Et lucide... Mais bon, vu comment tu parles, et que tu sembles être buté dans tes idées panafricanistes extrêmes, tu pourrais peut-être essayer l’appli « K-MEET » si ça t’intéresse. Tu pourras peut-être trouver ton bonheur, qui sait.
− C’est quoi ça comme appli ?
− C’est le « Meetic » des renois. J’ai deux potes qui s’y sont inscrits y’a quelques semaines déjà.
− Et alors ? Ont-ils trouvé leurs âme-sœurs ?
− Je suppose. Ça fait un moment que je n’ai plus de leurs nouvelles (à ces mots, Moustapha afficha brièvement un air intrigué). Ils doivent sûrement filer le parfait amour depuis.
Il fit un clin d’œil à Éric.
− Okay. J’irai jeter un coup d’œil sur l’Apple store. Comment ça s’écrit déjà ?
− Ça s’écrit K, tiret, M, deux E, T, « K-MEET ». Contraction entre le mot « Kamite » qui veut dire « noir » et le mot « Meet » qui veut dire « rencontrer » en anglais.
− Bon Ben ça va, j’avais compris. Je ne suis pas encore trop teubé non plus.
Moustapha se mit à rire de nouveau.
− Je t’explique, c’est tout, répondit ce dernier l’air amusé. En l’occurrence, « K-MEET » peut donc vouloir dire « rencontrer un noir » ou « rencontre entre noirs ».
− Et toi, tu n’as pas envie d’y aller jeter un coup d’œil, sur cette appli ?
− Franchement pas trop non...Comme tu sais j’ai ma copine blanche et cela me convient parfaitement.
− C’est comme tu veux, mec.
− Et puis, ce genre d’initiative communautaire je m’en méfie toujours un peu. Juste par intuition.
− Ah bon ? Pourquoi ?
− Parce que comme je t’ai dit précédemment, parfois un noir se disant panafricain (tout comme un blanc se disant philanthrope envers les noirs) peut être un loup déguisé en agneau.
− Je vois. Ce qui importe est l’esprit qu’il y a derrière chaque chose, finalement.
− Exactement Éric. C’est pourquoi, je ne peux pas être dans l’amalgame concernant les blancs. Et si Dieu était contre le métissage, Il n’aurait jamais créé les blancs ni les autres peuples, par Sa prescience.
− En tout cas, je ne sortirai qu’avec des femmes noires malgré tout. Tu ne me feras pas changer d’avis. J’aime trop le caramel et le chocolat.
− Tant mieux et tant pis pour toi, mec. Mais sache que l’Amour n’a pas de couleur.
− Si tu le dis.
− Va sur l’appli « K-MEET » dans ce cas. Tu y trouveras sûrement ton bonheur.
− Oh, cette appli est mortelle, lança une femme noire quarantenaire, assise derrière Moustapha et Éric, sur l’autre partie du banc. Elle était coiffée de longues tresses et tenait un livre qu’elle venait juste de refermer, pour pouvoir ensuite surprendre la conversation des deux jeunes hommes, et se retourner pour leur parler.
− Pourquoi vous êtes y êtes membres ? Questionna Moustapha.
− Oui, depuis que l’application a été lancée, répondit la femme en souriant. Si vous comptez vous y inscrire, vous ne le regretterez pas. Cette application, elle tue.
− Ah ben tu vois ? J’te dis que t’y trouveras ton bonheur, fit Moustapha en s’adressant à son ami.
− Oh ça c’est certain. Vous allez forcément tôt ou tard en être mordu, confirma la femme noire.
Cette dernière se mit légèrement à esquisser un sourire sardonique.
− Bon, vous m’avez convaincu tous les deux. J’irai télécharger l’application « K-MEET » tout à l’heure, pour pouvoir jeter ma bouteille à la mer.
− Vous allez trouver beaucoup de belles femmes noires là-bas, révéla Aïcha. Elles ont toutes faim et soif d’amour ; et veulent trouver la bonne personne. Et en plus l’application est gratuite. Courez, vous y inscrire.
− T’as entendu ? Va chercher bonheur, fit Moustapha à Éric de manière narquoise.
Ce dernier baissa furtivement la tête en souriant.
− Et vous ? Vous avez pu trouver l’amour sur l’application ? Demanda Moustapha.
A cette question, la femme se mordilla les lèvres et parut légèrement gênée.
− Hum...euh...Bon, excusez-moi messieurs, fit Aïcha en se levant du banc. Je dois y aller.
− Pas d’soucis...Madame ?
− Aïcha. Je m’appelle Aïcha.
− Et moi Éric.
− Moi c’est Moustapha. Enchanté.
− Enchanté également. Ravi d’avoir pu parler avec vous. Passez une bonne journée messieurs.
− De même Aïcha.
− Au revoir. Bye ! Fit la femme en s’éloignant.
− Au revoir, rétorquèrent à l’unisson Moustapha et Éric.
Ces derniers se regardèrent l’un à l’autre, d’un air légèrement intrigué avant de se résoudre à afficher mutuellement sur leurs visages, un sourire de connivence. A environ deux mètres d’eux, de dos, Aïcha se mit à sourire de manière sardonique et laissa subliminalement apparaitre des yeux de reptiliens, avant de chausser ses lunettes de soleil.
****
Plus tard dans la nuit, vers 23h, sur une bouche d’aération d’un métro parisien, un clochard désœuvré tentait péniblement de se réchauffer le corps et le cœur. Il s’enivrait d’alcool, comme Paris s’enivrait de nuit. Le jour avait basculé du côté sombre. Il était blanc. Il se nommait Richard. Il avait la quarantaine, de l’embonpoint, le crâne dégarni et portait une longue barbe hirsute grisonnante. La solitude était sa fidèle compagne et sa bouteille de whisky Jack Daniels à la main : son unique maîtresse. Il fuyait souvent la première, trop pesante, pour mieux se réfugier chez la seconde ; où comme à l’accoutumée, il buvait ses paroles plus que de raison. Le quartier était quasi désert, silencieux, et les boutiques à proximité étaient toutes fermées. On pouvait même parfois à s’y méprendre, entendre siffler un léger vent ; venir soulever et faire voleter des bouts de papier journaux jonchés au sol. Alors que Richard buvait au goulot et entamait son énième gorgée, un homme noir quarantenaire apparaissait sur le trottoir d’en face à environ trois mètres, par la droite. Il se déplaçait vivement en roulant debout sur une mono roue électrique, soutenu par des repose-pieds latéraux, faisant office d’étriers modernes. Il longeait les boutiques qui parfois étaient séparées de grands miroirs muraux. L’individu arriva au niveau du sdf situé sur le trottoir d’en face. Bien que groggy, ce dernier remarqua sa présence et se mit à le regarder machinalement, d’un air ahuri. Chose étrange. Quelque chose l’intrigua. En voyant l’individu passer près du miroir mural, qui se trouvait juste en face de lui sur le trottoir opposé ; Richard ne vit apparaître sur le reflet que l’appareil électrique qui roulait tout seul en équilibre, sans son propriétaire dessus. Chose qui ne cadrait pas avec ce qu’il voyait de ses yeux. Comme si un maillon de la réalité s’était perdu entre-temps, dans une brèche spatio-temporelle. Le miroir ne reflétait qu’une partie de la réalité. Richard fronça les sourcils d’un air perplexe, en suivant du regard l’individu se déplacer.
En le voyant s’éloigner au loin sur sa roue électrique, le sdf commença à se tarauder l’esprit de questions, l’air perplexe. Puis Il se mit à regarder sa bouteille de whisky en fronçant toujours des sourcils. Il avait trop bu. Son esprit venait vraisemblablement de lui jouer des tours, sous l’effet de l’alcool. Et comme pour mieux se rassurer, il se mit à valider dans son cœur cette explication rationnelle.
− Bon sang...Faut que...j’arrête...de...de boire, dit-il l’air soulagé.
****
Deux jours plus tard. Comme à l’accoutumée, Jennifer faisait inlassablement ses foulées matinales dans un parc parisien. Lors d’un énième tour de piste, cette dernière vit machinalement au loin, à environ une dizaine de mètres, une silhouette parmi tant d’autres, qui se rapprochait inexorablement d’elle, pour se diriger dans le sens opposé. Au fur et à mesure de ses foulées, cette silhouette, progressivement, se révéla être une forme féminine qui lui sembla au final, contre toute attente, étrangement familière. C’était la vieille femme noire qui lui avait sermonné la dernière fois, des prêchi-prêcha improbables. Elle portait le même manteau caban vert qu’auparavant, par-dessus cette fois-ci une longue jupe noire ainsi que des ballerines en cuir de même couleur. Dès lors qu’elle se mit à la reconnaître, Jennifer fronça légèrement les sourcils.
− Oh bon sang, soupira-t-elle.
Au moment où elles étaient sur le point de se croiser, la vielle femme noire la fixa d’un regard quasi hypnotique tout en marchant devant elle.
− L’ombre se répand jeune fille, fit cette dernière d’un ton solennel ; avant de continuer son chemin sans même se retourner.
Après lui avoir adressé ces quelques mots étranges qui sonnèrent comme une parabole, Jennifer secoua sa tête en continuant de courir, puis s’arrêta une poignée de secondes plus tard. Les sourcils légèrement froncés, elle soupira et se retourna brusquement.
−Mais vous êtes folle ou...
La jeune femme était stupéfaite. La vieille n’était plus là. Elle semblait s’être volatilisée. L’air perplexe, Jennifer balaya du regard le parc mais ne vit plus la mystérieuse femme.
− Bon sang, mais c’est un vrai ninja cette femme, fit-elle en secouant sa tête tout en soupirant.
Elle se mit à sautiller quelques secondes sur place, en balayant furtivement de nouveau l’endroit du regard ; puis se retourna et reprit sa course.
****
Revenue de son footing coutumier et de sa séance d’étirements complémentaire intrinsèque, Jennifer se trouva quelques minutes plus tard chez elle, sous les jets d’eau de sa douche.
− Bon sang, qu’est-ce que ça fait du bien, se dit-elle en passant la main dans ses cheveux.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme y sortit. Elle enfila ensuite son peignoir bordeaux et enroula sa tête d’une serviette de même couleur. Soudain une pensée lui vint à l’esprit qui la fit soupirer. Elle alla aussitôt dans la salle à manger, prit son smartphone qui fut posé sur la table et le déverrouilla. Elle lança ensuite un appel à destination de son amie Stéphanie, l’air intrigué.
− Allez, décroche !
Au bout de 8 sonneries, Jennifer raccrocha. Elle réfléchissait et semblait perdue dans ses pensées, l’air rembrunit, avant que l’esquisse d’un sourire malicieux vienne se dessiner sur son visage.
− Petite coquine va, depuis que David t’as invité chez lui, tu es aux abonnés absents. J’espère néanmoins que tu ne...
BAM, BAM, BAM, ... BAM, BAM, BAM !!
Contre toute attente, plusieurs coups frappés contre la porte d’entrée retentirent et interrompirent le soliloque de Jennifer. Cette dernière s’y dirigea, afin de l’ouvrir et de voir qui était à l’origine de ces coups intempestifs. Trois jeunes enfants hauts comme trois pommes, d’environ 7 à 8 ans chacun, se tenaient debout devant la jeune femme. La sonnette d’entrée était bien trop haute pour qu’ils puissent l’atteindre et appuyer dessus. L’un d’entre eux qui fut un jeune garçon noir était accoutré en tenue de momie, le corps enveloppé de bandelettes. L’autre garçon qui était de type asiatique, fut déguisé et fardé en clown maléfique, comme celui de « Ça » de Stephen King. Quant à la dernière qui fut une ravissante fille de type indienne, elle portait une tenue de sorcière ; composée d’une tunique noire et coiffée d’un chapeau pointu sur sa tête, de même couleur.
− Des bonbons ou un sort ! Firent-ils à l’unisson, dans toute leur candeur juvénile.
D’un prime abord Jennifer fut faussement surprise, avant d’afficher un réel sourire attendrissant aux gamins.
− Ouh la ! Je ne souhaite pas que vous me jetiez un sort. Je tiens à ma vie ! Plaisanta la jeune femme.
Les enfants se mirent à rire.
− Ne quittez pas les enfants, je reviens. Je vais vous chercher des bonbons. Pas envie d’avoir un sort. Ah ça non...
Les enfants se mirent à rire de nouveau.
− Je reviens, fit Jennifer en refermant provisoirement la porte sur eux.
Une poignée de secondes plus tard, cette dernière revint avec trois barres chocolatées Mars et quelques bonbons acidulés, mis dans un sachet plastique transparent.
− Voilà pour vous les petits monstres, fit la jeune trentenaire en leur tendant les friandises.
− Merci madame ! Répondirent l’un des enfants en s’avançant pour les prendre.
− Et n’oubliez pas de vous brosser les dents ensuite. Je ne voudrai pas que vous ayez des caries et que vous reveniez me jeter un de vos sorts par représailles, plaisanta de nouveau la jeune femme, en faisant le signe de croix.
Les enfants firent encore travailler leurs zygomatiques.
− Merci et bonne journée à vous Madame.
− Bonne journée à vous les petits monstres, rétorqua Jennifer en leur faisant un clin d’œil, avant de refermer la porte.
****
Une autre porte s’ouvrît quelques heures plus tard en soirée, toujours par cette dernière. Ce fut celle d’un restaurant parisien, dont la plupart des clients étaient respectivement accoutrés aux couleurs d’halloween. Bien évidemment, Jennifer n’avait pas dérogé à la règle. Elle portait un déguisement squelette, une combinaison moulante en polyester noir qui épousait à ravir, ses belles formes africaines, chaussée de talons de même couleur. Son visage était grimé d’un maquillage de circonstance, arborant une tête de mort d’outre-tombe ; coiffé de ses tresses attachées en forme de chignon. Elle se dirigea dans un coin du restaurant, en balayant l’endroit du regard au préalable. Elle s’amusait de voir les divers costumes Halloween, qu’arboraient respectivement la clientèle. Certains étaient accoutrés en Frankenstein, d’autres en reptiliens ou en joker de Batman. On pouvait même y voir quelques faux zombies, manger autre chose que de la chair humaine. Certaines femmes avaient opté pour des déguisements de diablesses, d’autres en Catwoman ou bien en Harley Quinn, la fille déjantée du film « Suicide Squad ». L’ambiance était agréable, rythmée par une musique techno diffuse. Arrivée à une table, Jennifer vit un homme noir assis de face, déguisé à l’ancienne en vampire Dracula, qui l’attendait en regardant son smartphone. C’était Julien. Il portait un costume gothique noir, doté d’un gilet, d’une cravate, d’un chapeau, de gants blancs ; et d’une cape de couleur rouge vue de l’intérieur et de couleur noire, vue de l’extérieur.
− Coucou black Dracula, fit Jennifer tout sourire en s’asseyant en face de lui.
Julien rangea aussitôt son cellulaire dans sa poche et fit mine ensuite de montrer ses dents de vampire, comme un lion qui rugit.
Jennifer se mit à rire.
− Salut belle gosse ! rétorqua le jeune trentenaire en enlevant aussitôt ses fausses dents, pour les mettre dans la poche de son pantalon. Ouh là, je crois que t’as besoin de manger chérie. T’es tout maigre. On ne voit plus que tes os.
Jennifer se mit à rire de nouveau.
− On a bien fait d’aller au restaurant du coup. Ça te permettra de reprendre des forces et du poids.
− T’es bête, rigola la jeune femme.
− Non je rigole. Ce costume te va à ravir. C’est très original.
− Je t’avais dit que j’allais te surprendre Julien.
Ce dernier acquiesça de la tête en écarquillant ses yeux.
− Au fait, pourquoi n’avoir pris rendez-vous que maintenant à 22h ? Questionna Jennifer. On aurait pu se voir plus tôt. Surtout qu’il a fait beau aujourd’hui.
− Oui je sais mais j’avais beaucoup de choses à faire aujourd’hui, avant de te voir. N’oublie pas que c’est Halloween.
− Oui, et donc ?
− Ben j’ai dû aller faire quelques courses dans la journée, pour acheter des bonbons et des gâteaux pour les enfants, qui passeraient sonner à ma porte.
− Ah, okay...Comme c’est mignon ça. Et as-tu eu beaucoup d’enfants aujourd’hui qui ont sonné à ta porte ?
− Énormément.
− Ce sont de petits monstres...
− De petits monstres affamés de bonbons surtout.
Jennifer se mit à rire.
− Oui c’est vrai.
La jeune femme marqua une légère pause, le sourire aux lèvres, avant de reprendre la conversation.
− J’ai un cousin qui est artiste peintre et qui fait une exposition demain à 14h. Je lui avais promis que je viendrai le voir. Ça te dit de venir avec moi Julien ?
Ce dernier ressentit comme une légère gêne.
− Je...Je ne pourrai...pas hélas.
− Pourquoi ? Tu devrais venir. Ça pourrait être sympa.
− Oui...Je sais mais...Disons que je ne serai pas disponible demain dans la journée.
− T’as déjà prévu quelque chose ?
− Euh...Oui, exactement. Je...J’ai le plombier qui doit venir demain dans la journée, car je n’ai plus d’eau chaude depuis 3 jours.
Julien paraissait légèrement nerveux, mais Jennifer le remarqua à peine.
− Ah, je comprends, fit cette dernière. Si tu as déjà pris rendez-vous avec ton plombier, je peux comprendre dans ce cas. J’irai seule à l’exposition du coup.
− Je suis désolé Jennifer. Ça aurait été un plaisir de pouvoir aller à cette exposition demain avec toi, mais j’aurai hélas cet empêchement.
− Ce n’est pas grave. Peut-être une prochaine fois, suggéra la jeune femme en lui faisant un clin d’œil.
− Avec plaisir.
Sans que Julien et Jennifer le remarquèrent, une silhouette fantomatique se rapprocha entre-temps du jeune couple.
− Hum...Excusez-moi !
Jennifer tourna sa tête et sursauta instinctivement.
− Aaaaaaah...
Un homme doté d’une longue tunique noire et portant au visage le masque angoissant du film « Scream » se présenta devant eux. Ce fut l’un des serveurs du restaurant.
− Oh, pardonnez-moi madame, fit ce dernier en relevant son masque par-dessus sa tête. Désolé de vous avoir fait peur. Ce n’était bien évidemment pas mon intention.
− Je...non, c’est...Ce n’est pas grave monsieur, répondit Jennifer en reprenant ses esprits. C’est juste que vous m’avez surpris.
− Visiblement elle a plus peur d’un simple masque, que d’un vampire assoiffé de sang, plaisanta Julien.
− Ah ah, très drôle chéri.
− Je suis l’un des serveurs. Comme aujourd’hui c’est une soirée Halloween, je me suis habillé pour la circonstance. Je ne cherchais pas à vous effrayer madame.
− Ce n’est pas grave, rassura Jennifer.
− Très bien. Que souhaitez-vous manger ?
− Nous ne prendrons pas de plat d’entrée.
− Très bien.
− Je prendrai juste un steak avec des frites.
− Et pour vous madame ?
− Je prendrai un cheeseburger avec des frites également.
− Très bien.
Muni d’un stylo, le serveur écrivit la commande de ses deux clients sur son carnet.
− Et pour le dessert ? Demanda le serveur.
− Pour le dessert ? J’ai déjà ma femme, plaisanta Julien.
Le serveur se mit à rire et Jennifer parut légèrement gênée.
− Pour le dessert on commandera plus tard, assura cette dernière.
− Très Bien. Sinon Monsieur, quelle cuisson souhaitez-vous pour votre steak ?
− Saignant s’il vous plaît. Bien saignant.
− Bien évidemment, répondit le serveur de manière allusive tout sourire, tout en regardant furtivement la tenue de Julien.
− Soit on est vampire jusqu’au bout ; soit on ne l’est pas, plaisanta Jennifer en s’adressant au serveur.
− Effectivement, rétorqua ce dernier. Et pour vous madame, quelle cuisson souhaitez-vous pour votre hamburger ?
− Bien cuit. Ça suffira pour moi.
− Okay ça marche, fit le serveur en écrivant de nouveau sur son carnet. Je vous apporte vos plats de suite.
− Merci à vous, répondirent Julien et Jennifer.
Le serveur inclina furtivement sa tête et partit chercher les commandes.
Quelques minutes plus tard, les plats étaient servis, ravissant autant les papilles que les pupilles du jeune couple d’ébène.
− Et sinon tu l’utilises souvent cette appli sur laquelle on s’est rencontré ? Allez, tu peux tout me dire. J’le prendrai pas mal t’inquiète.
− Ben oui ça m’arrive, surtout quand j’ai un match qui m’a été notifié, reconnut Julien en lui faisant un clin d’œil.
− Hum...Et ça s’est bien passé avec toutes celles que tu as rencontré ? Demanda Jennifer d’une voix sensuelle.
− T’es bien curieuse toi.
Jennifer se mit à rire.
− Je sais. Alors ?
Son compagnon se mit à réfléchir quelques secondes.
− En fait Oui ça s’est bien passé. Comme toujours...
− Ben vas-y raconte.
− Oh, je ne sais pas si je devrai.
− Allez, ne t’en fais pas va. Je me doute bien que tu as eu plusieurs copines avant qu’on se rencontre ce soir.
− Okay… Ben en fait, toutes les filles avec qui je suis sorti...Je…Je les ai offertes en pâture à ma mère qui est une femme zombie, enchaînée dans la cave de ma maison, afin qu’elle se nourrisse.
A ces mots Jennifer resta bouche-bée quelques secondes, devant l’énormité qu’elle venait juste d’entendre, avant d’éclater de rire de manière soudaine.
− Bon sang mais t’es drôle toi, Julien.
− Oui il m’arrive de l’être également... ! Rétorqua ce dernier en souriant.
− Les zombies ça n’existe pas voyons.
− Détrompe-toi. Même les vampires existent. Sauf qu’ils sont discrets.
Jennifer se mit à rire de nouveau.
− Dans ce cas, les reptiliens aussi pendant qu’on y est.
− Rien n’est impossible. Et pour info, oui ils en existent aussi. En fait, n’existe ou ne vient à l’existence dans ce monde, que ce que l’on croit fermement et ardemment. La frontière entre le possible et l’impossible ne réside que dans le niveau d’intensité de l’esprit. Toutes ces choses ne sont que des lois énergétiques créatrices universelles séculaires, Jennifer.
Cette dernière l’air perplexe, secoua sa tête.
− De quoi tu parles ? Et en français ça donne quoi ? Trop compliqué pour moi, tout ça. Bref...Tout ça pour ne pas me raconter tes exploits sexuels antérieurs, avec tes anciennes conquêtes. Je suis sûr que t’en as toujours eu à te mettre sous la dent.
A ces mots, Julien baissa furtivement ses yeux, en esquissant un léger sourire sardonique.
− Comment tu sais ? Rétorqua ce dernier de manière narquoise en relevant sa tête, et en souriant cette fois-ci de manière plus malicieuse.
Jennifer se mit encore à rire.
− Enfin Bref...En tout cas moi ça fait à peine trois semaines que j’utilise cette application de rencontre « K-MEET ». Et le seul mec potable avec qui j’ai voulu matcher c’est toi.
− Merci ça me touche. En tout cas, je suis ravi d’avoir eu cette opportunité de rencontrer une fille comme toi.
− Le plaisir est partagé, fit Jennifer en lui faisant un clin d’œil.
− Je te présenterai à ma mère très bientôt.
− Pourquoi pas. Tant qu’elle ne me dévore pas.
− Pour ça je ne te promets rien, fit Julien en lui faisant à son tour un clin d’œil.
Jennifer se mit à rire de nouveau.
− T’es trop drôle. J’aime bien ton humour.
− Merci.
− Tu sais, j’ai une amie comme moi qui a aussi utilisé l’appli « K-MEET » et qui a trouvé me semble-t-il un mec qui lui convienne.
− Ah génial. Et comment elle s’appelle ?
− Sandrine.
− Okay.
− Mais...c’est...bizarre, fit Jennifer en secouant sa tête en regardant brièvement dans le vide.
− Quoi ?
− Je...Je ne sais pas...Elle...euh. Je n’arrive plus à l’avoir au téléphone et elle ne répond même plus à mes sms. Je ne sais pas. Cela me rassure autant que cela m’inquiète.
− Tu te fais trop du mouron pour rien Jennifer. C’est juste qu’elle profite de la vie avec son nouveau compagnon et veut vivre pleinement sa relation avec lui. Et du coup elle ne souhaite pas vraiment être dérangé. Enfin, j’interprète cela de cette manière.
− Ouais, t’as peut-être raison.
− Ça ne peut être que ça...Ou alors c’est qu’elle est morte !
− Ah non, ne dis pas ça, fit Jennifer l’air inquiète. Je vais m’inquiéter encore plus sinon. T’exagère là...Tu penses qu’il a pu lui arriver quelque chose, Julien ?
− Mais non. Je disais ça pour te taquiner, t’inquiète.
Il lui fit un sourire malicieux.
− Ce n’est vraiment pas drôle...
− Bon okay, désolé.
− Je trouve quand même ça fou comment les gens vous oublient vite, une fois que tout commence à bien se passer pour eux. Depuis quelques jours, elle ne donne même plus signe de vie. C’est le silence total, s’étonna Jennifer en écarquillant ses yeux.
− C’est souvent ce qui arrive lorsque l’on meure...de désir ! Rétorqua Julien en lui faisant un clin d’œil. Elle doit être au paradis à présent.
− C’est tout le bien que je lui souhaite. Mais bon...Ce n’est pas une raison pour tout plaquer et d’oublier ses potes. Enfin...Si elle a trouvé le grand amour et qu’elle est épanouie, tant mieux pour elle. J’espère avoir tout de même bientôt de ses nouvelles. En plus, je lui avais dit que j’allais chez toi ce soir pour la première fois.
− Et je suis honoré que tu aies pu venir. Tu pourras même un jour venir avec ton amie si tu veux.
− Oui pourquoi pas. Quand je réussirai de nouveau à pouvoir lui parler de vive voix.
− Oui c’est sûr. Hum...sinon dis-moi...tu le trouves comment cet hamburger Jennifer ? Demanda Julien en prenant une bouchée, tout en changeant soudainement de sujet. Moi je trouve ce steak, délicieux.
− C’est vrai que c’est très bon. Ils font de la très bonne cuisine ici.
Au même moment, un autre couple déguisé pour l’occasion entra dans le restaurant.
− On reviendra y manger très souv...
Contre toute attente, Julien s’interrompit brusquement.
− Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda Jennifer l’air intrigué.
− Derrière toi. Regarde le couple qui vient d’entrer ! Répondit Julien en rigolant. Le gars habillé en costard noir, il porte un masque rougeâtre de Macron façon démon, avec des oreilles pointues. Et la femme à ses côtés avec sa robe noire, pareil. Elle porte le masque rougeâtre de Brigitte Macron façon démon également ; avec les mêmes oreilles pointues comme Docteur Spock dans « Star Trek ». C’est la famille Adams, qui est venu dîner ce soir, on dirait.
A ces mots, Jennifer pouffa de rire.
− Y’en a qui sont culottés quand même, fit cette dernière.
Un serveur déguisé en momie vint se présenter au couple entrant et les installa à une table ; sous l’œil amusé de Julien et de Jennifer.
− Ceci dit ça peut être une bonne astuce, de se faire roi, pour manger aux frais de la princesse, plaisanta Julien.
− T’es trop bête, fit Jennifer en rigolant.
****
Un peu plus tard dans la nuit les deux bons vieux compères et voisins noirs, Patrick Marou et Franck Birgotti, habitant une zone pavillonnaire (à quelques pâtés de maison de chez Julien.), refaisaient le monde comme à l’accoutumée devant chez eux.
− Je vois que t’as commencé à perdre du poids Patrick, depuis quelques jours. Apparemment ton régime a l’air de bien marcher. Je suis fier de toi. Continue comme ça.
− Merci ...Mais je ne sais pas si c’est grâce au régime ou bien à la pression constante que je subis de la part de ma femme, soupira faussement son voisin.
Franck se mit à rire.
− Ou bien peut-être les deux, plaisanta ce dernier.
− En tout cas, c’est la dernière fois que je fais un régime. Trop de contraintes et de pressions, juste pour quelques kilos en trop.
− Ah, cesse de te plaindre. C’est pour ton bien.
Patrick secoua sa tête en faisant la moue.
− Peut-être mais c’est trop dur. T’as pas idée, rétorqua ce dernier sur un ton plaintif. La prochaine fois que ma femme me parlera encore de régime, je lui parlerai de divorce. Si elle ne veut plus que je mange comme je l’entends ; alors je m’abstiendrai aussi de la manger comme je l’entends.
Franck se mit à rire de nouveau.
− C’est vrai que vu comme ça. Y’a débat, répondit Franck l’air amusé.
− Nan mais sérieux...y’a des fois j’aimerai un peu disparaître comme tous ces noirs qui disparaissent mystérieusement en ce moment, reprit Patrick de manière narquoise. Juste pour respirer un peu. J’te jure...J’en peux plus Franck...
− Moi aussi...Tu me fais trop rire !
Patrick soupira.
− J’te jure, ce n’est pas drôle Franck.
− J’imagine, répondit ce dernier en faisant toujours travailler ses zygomatiques.
Au même moment, un 4x4 noir passa sur la route devant les deux voisins. Ces derniers reconnurent de suite le véhicule, qui leur était familier. Ce fut celui de Julien.
− Tiens, v’là le mystérieux noctambule, fit Patrick.
Les deux hommes fixèrent du regard la trajectoire du véhicule qui se mit à ralentir pour au final s’immobiliser et se garer en bataille ; juste devant la porte du garage de leur voisin. La porte côté conducteur s’ouvrît et laissa apparaître Julien toujours déguisé en vampire.
− Tu vois ? Je savais bien qu’il était un vampire, plaisanta Patrick en le voyant sortir de l’habitacle. Il ne se cache même plus...
Franck se mit discrètement à rire.
− C’est juste parce que c’était Halloween hier, voilà tout, répondit ce dernier l’air amusé, en voyant l’intéressé se diriger de l’autre côté du véhicule, côté passager.
Julien saisit la poignée de la porte, l’ouvrit et fit sortir Jennifer, toujours également accoutrée aux couleurs d’halloween, munie de sa combinaison moulante façon squelette.
− Oh, mais c’est qu’il est avec une demoiselle le bougre, s’étonna Franck.
− Et pas dégueu en plus. Elle a de bien belles formes la cousine.
− Fais attention Patrick. Essuie ta bouche. T’es en train de baver là.
Ce dernier fit mine de s’exécuter en souriant.
− Ça y est, c’est fait.
Les deux voisins virent ensuite le couple d’halloween se diriger vers la porte d’entrée. Leur curiosité n’avait d’égale que leur étonnement. Julien, enfonça la clef de son domicile dans la serrure, la tourna à double tour, puis marqua une pause. Contre toute attente, il se retourna brusquement et regarda en direction de Patrick et de Franck, l’air impassible ; sous le regard légèrement étonné de Jennifer, qui fit de même.
Les deux voisins l’air gêné regardèrent aussitôt ailleurs, comme si de rien n’était.
− Putain, il nous a repérés, fit Patrick en déglutissant.
− Pas étonnant, on le fixe du regard depuis tout à l’heure, rétorqua Franck. Continuons à regarder par-là, pour ne pas qu’il vienne nous sucer le sang. On ne sait jamais.
A ces mots, Patrick étouffa un rire.
− T’es bête. Arrête de me faire rire. Il va nous griller.
− T'inquiète, j’ai de l’ail et un pieu chez moi. Au cas où...
Patrick se mit à rire discrètement.
− Putain, t’es trop con mec.
Après avoir fixé à son tour pendant de longues secondes les deux voisins, Julien secoua sa tête en soupirant puis ouvrit la porte.
− Après toi, fit ce dernier à la jeune femme, en allumant le hall de sa maison.
Jennifer se mit à entrer la première
− Merci. C’est qui ces gens ? Ce sont tes voisins ?
− Oui hélas. Mais ce sont de vraies commères. Toujours là à palabrer et à m’observer quand je rentre ou quand je sors de chez moi. Ça devient saoulant à force, Rétorqua Julien en entrant à son tour, tout en refermant la porte derrière lui.
Ce dernier, face à l’entrée, esquissa un léger sourire sardonique, sans que Jennifer s’en aperçoive.
− Faut dire que tu t’es accoutré en vampire aujourd’hui, donc tu pouvais difficilement passer inaperçu, relativisa cette dernière.
− Oui mais que je sois déguisé ou pas en vampire, je me sens toujours « espionné » par ces voisins, soupira Julien en se retournant vers la jeune femme.
− Apparemment, ils n’ont que ça à faire on dirait.
− Pff...C’est clair. C’est leur passe-temps favori. Dès que je suis devant chez moi, je sens toujours leurs gros regards indiscrets. Enfin bref...Allez, viens.
****
Quelques minutes plus tard, Jennifer se trouva assise dans le salon sur le canapé en cuir noir, en train de lire un magazine TV. Quant à Julien, il se trouva dans la cuisine en train de préparer quelques rafraichissements. Il ne portait plus sa cape (il l’avait balancé sur son lit, dans sa chambre), mais avait toujours son costume de vampire.
− Franchement, c’est pas mal chez toi ? Lança Jennifer en balayant machinalement la pièce du regard.
− Merci c’est gentil, Rétorqua Julien en remplissant deux verres de jus d’orange sanguine, avec des glaçons, sur la table de la cuisine.
− De rien. C’est sincère.
Contre toute attente, un tableau accroché au mur, attira l’attention de la jeune femme. Curieuse, elle se leva et se rapprocha du cadre ; qui révélait le portrait d’un homme noir coiffé d’un afro en habit d’apparat, d’époque médiévale. Ce fut un personnage historique. Etrangement, il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Julien. Il avait le même grain de beauté que ce dernier, situé au même endroit. C’est-à-dire juste à côté de la narine gauche. Chose étonnante également, le portrait arborait une cicatrice au niveau de la tempe droite. Jennifer écarquilla ses yeux.
− Wow, quelle ressemblance.
Ce portrait troublant avait titillé la curiosité de Jennifer qui se mit à regarder autour d’elle avec plus d’attention. Se laissant guider par son intuition, elle se dirigea vers un couloir au bout duquel, se trouva une porte en bois. Arrivée à proximité, elle s’apprêta à saisir la poignée afin de l’ouvrir.
− NON !!! N’ouvre pas cette porte Jennifer, ordonna Julien à l’autre bout du couloir, le regard froid et la mâchoire serrée ; tenant dans ses mains un plateau muni de deux verres de jus et d’un bol de cacahouètes.
Surprise, Jennifer sursauta.
− Bon sang ! Tu m’as fait peur, répondit cette dernière en mettant la main sur sa poitrine, comme pour se remettre de ses émotions.
− Désolé de t’avoir fait peur. Reviens par-là s’il te plait, fit Julien en indiquant de la tête la direction du salon.
Ce dernier se mit de nouveau, soudainement, à afficher un visage plus avenant et agréable, à la grande surprise de Jennifer qui demeura malgré tout perplexe.
− Okay…Mais qu’est-ce…Qu’est-ce qu’il y a derrière cette porte Julien ? Demanda-t-elle en longeant le couloir pour le rejoindre.
− Je te l’ai dit au restaurant tout à l’heure, pourtant. Cette porte mène à la cave, où se trouve ma mère zombie qui est enchainée, rétorqua Julien de manière narquoise.
A ces mots, le visage de Jennifer s’illumina de nouveau par un sourire attendrissant.
− Oh, arrête de me charrier Julien. Nan, sérieusement il y a quoi derrière cette porte beau gosse ? Insista la jeune femme.
Julien secoua sa tête en faisant mine de soupirer.
− Promis, tu le sauras très bientôt, répondit-il le visage impassible.
− Bon, fit Jennifer en haussant les épaules l’air résigné. Si tu le dis…
− Ne t’inquiète pas, tu le sauras très vite. Allez, retournons dans le sal…
Julien fut interrompu par la notification d’un sms qui retentit de son smartphone, logé au fond de sa poche.
− Attends, tiens-moi le plateau s’il te plait Jennifer.
Cette dernière s’exécuta. Une fois les mains déchargées, Julien saisit son portable et jeta un coup d’œil rapide sur le message reçu. Il le rangea ensuite de nouveau dans sa poche.
− C’est qui ? Demanda Jennifer le plateau dans ses mains.
− Une connerie, répondit le jeune homme. Un message publicitaire lambda.
Jennifer acquiesça de la tête. Alors qu’il reprenait le plateau dans ses mains, Julien savait pertinemment qu’il venait de lui mentir. Il venait en réalité de recevoir la confirmation d’un nouveau « crush » sur l’appli « K-MEET ».
− Allez. Allons-nous rafraichir un peu, ordonna-t-il en faisant un clin d’œil à la belle femme noire.
Jennifer lui sourit tendrement et lui prit le pas en se dirigeant en premier vers le salon. Julien, plateau en main, la suivit tout en esquissant derrière elle un sourire sardonique ; sans qu’elle s’en aperçoive.
Une fois dans la pièce ce dernier déposa le plateau sur une table, prit un des deux verres et le donna à Jennifer.
− Merci.
Julien prit le sien à son tour et leva son verre en face de Jennifer, afin de trinquer avec elle.
− A notre amour, fit-il en esquissant un sourire.
− A notre amour, mon amour, répondit Jennifer par un large sourire.
− Vive l’appli « K-MEET » sans qui je n’aurai jamais pu te…Connaitre !
−Oui. Vive l’appli « K-MEET » bébé. Sans qui je n’aurai pu rencontrer un mec génial comme toi, rétorqua Jennifer en buvant une gorgée de son verre de jus.
− Oh ça c’est sûr, fit le jeune homme en lui faisant un clin d’œil ; tout en buvant à son tour.
− Ah oui…
− Quoi ?
Jennifer se dirigea brusquement vers le tableau qui l’avait interpellé. La ressemblance frappante du portrait avec le visage de Julien, lui fit tarauder quelques questions dans son esprit.
− C’est qui ce personnage ? Questionna la jeune femme en le pointant du doigt. Je trouve que vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau. Même grain de beauté et même cicatrice au même endroit. C’est assez bluffant.
− Oui je sais, répondit Julien en se rapprochant. C’est un de mes ancêtres. Je sais qu’on ne le dirait pas, mais je descends d’une lignée royale, issue de France. Peu de gens le savent, mais il y a eu des nobles noirs en France qui possédaient des châteaux et des terres au moyen-âge. Et même avant…Beaucoup de peintures et de dessins d’époque, d’armoiries et de tapisseries en témoignent.
− C’est sûr qu’avec l’esclavage et la colonisation, on a préféré cacher ces choses au peuple noir afin de mieux l’asservir.
− Exactement. Les livres en fait, ne nous ont raconté que des histoires.
Jennifer acquiesça de la tête.
− Mais c’est quand même fou cette ressemblance malgré tous ces siècles qui vous séparent, s’étonna la jeune femme. On aurait dit ton père, voire… peut-être…toi-même ! Bien que cela soit bien évidemment impossible.
Julien se mit à rire en ouvrant sa bouche, laissant soudainement apparaitre des dents carnassières pointues, comme ceux d’un vampire.
− Qui te dit que ce n’est pas le cas ? Questionna ce dernier d’un ton calme extrêmement malaisant.
Instinctivement Jennifer déglutit et commença à sourire jaune.
− Mais…Pour…Pourquoi as-tu remis tes fausses dents de vampire Julien ? Je…Je ne t’ai pas vu les remettre.
A ces mots, ce dernier, sourire sardonique aux lèvres, mit la main dans sa poche et sortit l’objet en question.
− Tu parles de ça ? Fit Julien en laissant encore conjointement apparaitre devant Jennifer, ses longues canines pointus.
Cette dernière se mit de nouveau à déglutir et commença à haleter. Par l’écarquillement soudain de ses yeux horrifiés, elle venait de comprendre, mais il était hélas déjà trop tard pour elle. Julien se jeta brusquement sur Jennifer, lui saisit le coup et le mordit férocement, tel un lion affamé se jetant sur sa proie. La jeune femme n’eut même pas le temps de crier, qu’elle sentit les crocs du vampire noir s’enfoncer avidement dans sa chair. Elle laissa aussitôt tomber son verre de jus qui se brisa sur le sol. Alors qu’il fut en train de lui sucer son sang en la maintenant par le bras droit, Julien en profita pour déposer son verre sur la commode qui fut juste derrière lui, à l’aide de son bras gauche. Jennifer fut morte sur le coup. Au bout de quelques instants, après avoir presque vidé la victime de son sang, le vampire noir traina le cadavre de la jeune femme jusqu’à la porte au bout du couloir. Celle dont il avait expressément défendu à Jennifer d’y accéder, quelques minutes auparavant. Il déposa provisoirement au sol le corps de cette dernière, le temps de l’ouvrir. Un escalier menait vers une cave lugubre, peu éclairée. Julien reprit la dépouille, la souleva légèrement devant lui puis l’enserrant par la taille ; et descendit ensuite dans ce lieu ténébreux. Il arriva devant une cellule qui se trouva à environ deux mètres, en face de l’escalier. Celle-ci fut à moitié plongée dans l’obscurité. L’autre partie fut simplement éclairée par des bougies. Le silence morne allié à l’ambiance glauque du lieu lui conférait une atmosphère étrange, voire malaisante. De toute évidence, cet endroit ne transpirait pas la vie, mais plutôt quelque chose de beaucoup plus inquiétant. Julien redéposa le corps sans vie de Jennifer sur le sol. Ce qui lui permit de composer ensuite un code à quatre chiffres, sur un clavier mural à touche numérique. Un déclic retentit. La porte de la cellule se déverrouilla et s’entrouvrit légèrement. Le vampire noir l’ouvrit davantage et reprit le cadavre pour le déposer au beau milieu de la partie éclairée de la pièce. Il referma ensuite la cellule qui fit retentir de nouveau un clic. La pièce fut de nouveau verrouillée. Julien se dirigea ensuite vers un système de poulie qui fut à proximité et qui communiquait jusque dans la cellule. Il se mit à lâcher du l’est sur une silhouette qui fut tapie dans l’ombre. Au bout de quelques secondes, un grognement semblable à une bête fauve se fit entendre. Stupeur. Contre toute attente, surgissant de l’ombre, une vielle femme noire zombie à la peau ravagée et au teint atrocement livide, se jeta sur le cadavre qui jonchait devant elle. Elle fut enchaînée au niveau du cou par la poulie, tel un chien attaché au bout d’une laisse ; ou tel un démon enchaîné de l’enfer. La créature mort-vivante se mit à se repaitre de son sinistre repas ; que Julien venait de lui jeter en pâture. Elle se mit à dévorer, à déchiqueter, à arracher de ses dents le corps sans vie ; jusque dans ses moindres entrailles. A la vue de ce spectacle horrifique, le jeune vampire noir se mit à esquisser un sourire attendrissant.
− Bon appétit m’man !
****
5 jours plus tard. Dans un poste de police d’un arrondissement de Paris, une sonnerie de téléphone retentit. Il était 22h47. Un homme cinquantenaire de type asiatique décrocha. Il était commissaire et se nommait Joseph. Il avait les cheveux et le bouc grisonnants ; ainsi que le corps affûté d’un athlète chevronné. A l’autre bout du fil, une femme noire quarantenaire a l’Afro assumée et de forte opulence. Elle était inconsolable et se noyait, impuissante, dans l’abime de ses larmes. Elle se nommait Maryse.
− Commissariat du 12ème arrondissement, j’écoute, lança Joseph. Qui est à l’appareil ?
− Bon...Bonsoir Monsieur l’agent. Je...je...vous appelle...pour...pour...une disparition, révéla Maryse la voix sanglotant.
− Tout d’abord, calmez-vous Madame. Ça va aller. Que vous arrive-t-il ? De quelle disparition parlez-vous ?
− De mon fils.
− Que lui est-il arrivé ?
− Il...Il était parti à.… à un rendez-vous galant il y a cinq jours. Et depuis je n’ai plus de nouvelles de lui. Quand je lui envoie des sms ou que j’appelle sur son smartphone, il ne répond pas. Alors que cela n’a jamais été dans ses habitudes.
− Je vois. Comment s’appelle-t-il Madame ? Demanda le commissaire s’apprêtant à noter sur un cahier les informations de la femme noire éplorée.
− Taylor, il s’appelle Taylor Monsieur, rétorqua cette dernière.
− Quel âge a-t-il ?
− 25 ans.
− Y’a-t-il dans son entourage des gens qui lui en veulent ou qui ne l’aiment pas ?
Maryse écarquilla ses yeux d’étonnement.
− Oh non Monsieur. Mon fils est quelqu’un de bien. Je l’ai bien éduqué. Je lui ai toujours appris que le bien était de faire aux autres ; ce qu’on aimerait que l’on nous fasse. Non...Non...Mon fils est un brave garçon qui n’a jamais eu de problèmes ni de ressentiments envers qui que ce soit.
Le commissaire continua à coucher sur papier les révélations de la dame.
− Je n’en doute pas Madame. Je n’en doute pas. Pardonnez-moi, vous vous appelez ?
− Maryse. Maryse Boisin. C’est mon nom de jeune fille. Étant divorcé depuis quatre ans, je l’ai repris. Ça s’écrit comme ça se prononce « B - o - i - s - i - n ».
Le policier nota son nom sur son cahier.
− Ah très bien madame Boisin. Et votre fils Taylor porte-t-il votre nom ou bien celui de votre ex-mari ?
− Celui de mon mari.
− Donc il s’appelle Taylor comment ?
− Il s’appelle Taylor Richard Rivaire.
− Okay. C’est noté Madame Boisin. Auriez-vous d’autres choses à nous confier ?
− Oui. D’après ce que j’ai pu comprendre, ils s’étaient rencontrés sur une application spécialisée pour personnes noires. Il me semble qu’elle s’appelle « kamut...Kaleet » ou quelque chose dans le genre.
− Ah, la fameuse application « K-MEET », c’est ça ?!
− Oui. C’est ça je crois... « K-MEET » ...Vous...Vous connaissez cette appli Monsieur l’agent ?
− Oui...Enfin...Disons de manière indirecte. Nous commençons à recevoir pas mal de plaintes ou de signalements de disparition, quant aux membres de cette application. Je pense que nous allons vraisemblablement rendre une petite visite très bientôt, au siège de la société.
A ces mots, Maryse sanglota de plus belle.
− Oh oui, s’il vous plaît Monsieur retrouvez mon fils. C’est le seul et unique que j’ai.
− Ne vous inquiétez pas Madame on le retrouvera, rassura le commissaire. Prenez courage. On va faire tout notre possible pour le retrouver.
− Oh, je vous serai éternellement reconnaissant Monsieur. J’espère que rien de grave ne lui est arrivé.
− Restez confiante. Passer au commissariat pour remplir quelques documents.
− Oui Monsieur. Je passerai demain dans la matinée.
− Très bien. Ah oui...Ramenez 2/3 photos récentes de votre fils également.
− Je le ferai. Pas d’soucis Monsieur.
− Soyez forte Madame Boisin. On le retrouvera votre fils. A demain !
− Merci Monsieur. A demain. Bonne soirée.
− Bonne soirée Madame. A demain !
Des lors que le commissaire raccrocha, il s’adressa à l’un de ses collègues noirs subalternes qui fut à proximité ; en train de rédiger un rapport sur son ordi.
− Eh Jacques !
Ce dernier tourna sa tête en direction de Joseph.
− Quoi ! Fit l’homme noir trentenaire en continuant de pianoter sur son clavier.
− T’es de service demain ?
Son collègue acquiesça de la tête.
− Okay. Ben je crois que nous allons rendre une petite visite dans l’après-midi chez des gens.
− Pas d’soucis, chef. Et ça serait pour aller où ?
− C’est pour aller voir une société qui a créé une application de rencontre et qui se nomme « K-MEET ».
Jacques acquiesça de nouveau de la tête, en soupirant légèrement.
− Trouve-moi leurs coordonnées s’il te plaît.
− Entendu.
Jacques alla sur Google en y tapant le mot « K-MEET », puis trouva en une poignée de secondes, le siège social de de l’application. Il nota l’adresse sur un bout de papier.
− Voilà ! fit ce dernier en le tendant à son supérieur.
Celui-ci se leva et vint prendre la feuille des mains de son collègue.
− Merci ! Rétorqua Joseph en allant se rassoir à sa place.
− De rien. Par contre, ils ne sont ouverts qu’en soirée apparemment, de 22h à 5h du matin.
Le commissaire fronça légèrement des sourcils, l’air perplexe.
− Comment ça ? Ils ne sont pas ouverts dans la journée ?
− Apparemment non. C’est du moins ce que me révèle leur site web « K-MEET.COM ». Ils n’ouvrent qu’à la tombée de la nuit.
− Comme c’est étrange. Ça ne me dit rien qui vaille tout ça.
Jacques, l’air impassible, acquiesça légèrement de la tête, sans dire un mot.
− On leur fera une petite visite demain, assura Joseph.
− Comme vous voulez, chef.
****
Quelques heures plus tard, la nuit parisienne fut tombée comme à l’accoutumée ; alanguissant les esprits harassés d’une longue journée de labeur. A contrario, le soleil fut toujours à son zénith dans le cœur d’une belle femme noire : Isabelle. Ce fut celle qui avait rencontré par hasard il y a quelques semaines de cela, Jennifer et Stéphanie qui furent toutes deux attablées dans un café parisien ; en face de la Gare du Nord. Ces dernières leur avaient parlé de l’application « K-MEET ». Ainsi, dans son for intérieur, le jour rayonnait encore de tous ses éclats, en pleine nuit. On pouvait même y entendre parfois, quelques rossignols y faire leur récital. La raison en fut un homme chocolaté, coiffé de dreadlocks et portant le bouc. Il se nommait Brandon. La jeune femme l’avait rencontré sur la fameuse appli panafricaine.
Le jeune couple roulait sur une autoroute parisienne, au sein d’un 4x4 noir rutilant. L’homme conduisait et Isabelle fut du côté passager.
− Alors on va où beau gosse ? Dans quel genre d’urbex m’emmènes-tu ? Demanda cette dernière en souriant à son compagnon.
A ces mots, ce dernier tourna brièvement sa tête vers sa petite amie et lui sourit.
− On va à l’hôpital.
− Mais je ne suis pas malade, tu sais ? répondit narquoisement la belle femme noire en écarquillant ses yeux.
Brandon se mit à rire.
− Moi si. Je suis malade de toi, révéla Brandon en lui faisant un clin d’œil.
− Oh, c’est mignon, s’attendrit Isabelle en lui caressant le Bras. Moi aussi je suis malade de toi. Dans le bon sens du terme, bien sûr.
− J’espère bien.
− Je n’ai jamais fait d’urbex encore, surtout de nuit, avoua Isabelle. J’espère que ce ne sera pas trop effrayant. Si ça n’avait pas été toi qui me propose un tel plan, je n’aurai jamais accepté. Sache-le...
− Ne t’en fais pas. Tout va bien se passer. Je serai tout le temps à tes côtés. Tu n’auras rien à craindre.
− Je te crois bébé. Ceci dit, pourquoi as-tu voulu n’y aller que la nuit ? On aurait pu faire ça la journée.
− C’est vrai mais la nuit c’est plus intéressant. C’est le côté sombre de la nuit allié au silence, qui rend l’urbex mystérieux, parfois même angoissant ; et donc par conséquent excitant.
− C’est quand même un peu flippant d’y aller la nuit, non ? On pourrait y rencontrer des gens ou des choses bizarres.
− Comme quoi par exemple ?
− Je ne sais pas. Des espèces de gens bizarre : des satanistes...Ou...je ne sais pas...euh...tiens...des fantômes ou des esprits par exemple. D’autant plus que je sais que ça existe.
Brandon se mit à rire.
− Et pourquoi pas des loups garous aussi ?! Pendant qu’on y est...
− Ah non...Ça je sais que ça n’existe pas. Il n’y a pas de risques.
Brandon se mit à rire de nouveau.
− Et qu’en sais-tu ? Demanda ce dernier.
− Voyons chérie. Un peu de sérieux...
− Bref. Rassure toi Isabelle. Rien de tout cela n’arrivera. Ce n’est pas la première fois que je fais de l’urbex la nuit. Crois-moi, il n’y aura ni fantômes, ni esprits ou même satanistes.
− ...Ou même aucun loup-garou ! Surenchérit Isabelle en souriant.
Brandon la regarda furtivement et lui esquissa un sourire.
− Au fait, Tu as bien pris les lampes frontales j’espère ? Questionna la jeune femme noire.
− Oui, ils sont dans le coffre arrière du véhicule. Sinon, toi tu as pris quoi comme appareil photo ? Je suis curieux de savoir.
− Oh, j’ai pris mon Polaroïd nouvelle génération pour l’occasion, révéla la jeune femme en sortant l’appareil d’une sacoche en cuir noir ; posée sur ses genoux.
A ces mots, Brandon écarquilla ses yeux et tourna brièvement sa tête vers sa copine ; ainsi que sur l’appareil qu’elle tenait dans ses mains.
− Quoi ?! Tu n’as pas un appareil photo reflex ? S’étonna ce dernier.
− Non...Je...Disons que j’ai toujours aimé le Polaroïd depuis que je suis toute petite. C’est mon côté nostalgique. J’aime bien l’instantanéité du tirage photo. Tu cliques et ça sort aussitôt. C’est à la fois commode et ludique je trouve.
− Ouais, si tu le dis. Pour moi, rien ne vaut un bon Canon Eos 800D, comme appareil numérique. Il n’est pas tout récent mais il fait bien son taf malgré tout.
Isabelle se retourna et vit l’appareil muni d’un flash cobra externe, posé sur la banquette arrière.
− C’est celui-là ? Demanda cette dernière.
Brandon acquiesça de la tête, les yeux fixés sur la route.
− Donc, toi aussi t’es un nostalgique alors, plaisanta Isabelle en lui faisant un clin d’œil.
− Je serai toujours nostalgique des bonnes choses, répondit Brandon en lui retournant son clin d’œil.
Quelques minutes plus tard, ce dernier gara sa voiture à proximité d’un immeuble en briques rouges, situé en région parisienne. Ce fut un hôpital désaffecté pour enfants.
− C’est ici que se déroulera notre urbex de cette nuit, assura le jeune homme à sa petite amie, en coupant le moteur.
Cette dernière, curieuse, jeta un coup d’œil rapide sur le bâtiment imposant composé de briques rouges.
− Wow, c’est à la fois impressionnant et...effrayant ! Reconnut-elle par une grimace.
Brandon l’air amusé, secoua sa tête.
− Arrête de faire ta pleureuse et ta peureuse, s’te plaît. Crois-moi, tout va bien se passer. Tu ne risques rien, tant que je suis avec toi. J’ai l’expérience des expéditions urbex nocturnes. Ne t’inquiète pas bébé.
− Je ne m’inquiète pas. Je te fais confiance.
Isabelle afficha un air faussement inquiet qui fit rire son compagnon. La jeune femme sortit le Polaroïd noire en bandoulière de sa sacoche, le mit autour de son coup et sortit de l’habitacle en refermant la porte. Brandon fit de même en ouvrant aussitôt la porte de derrière. Il prit son appareil Canon Eos 800D en bandoulière, le mit également autour de son coup et referma la porte. Il ouvrit ensuite le coffre arrière et prit les deux lampes frontales. Il en remit aussitôt une à Isabelle. Cette dernière la posa sur sa tête puis l’alluma. De son côté Brandon fit de même, avant de verrouiller toutes les portes du véhicule ; à l’aide de sa télécommande.
− Allez, c’est parti...pour une nuit de frayeur ! Plaisanta-t-il en esquissant un sourire.
− Ah c’est bon. N’en rajoute pas s’il te plaît, rétorqua Isabelle en affichant une légère moue boudeuse.
Brandon se mit à rire.
Arrivés quelques marches plus loin aux abords de l’hôpital, ils investirent le bâtiment par une dérobée au sous-sol ; puis remontèrent les escaliers pour arriver dans le hall de l’accueil.
De là, ils virent déjà les vestiges d’un hôpital jadis animé. L’endroit fut partiellement éclairé par la lumière diffuse du lampadaire céleste séculaire, au teint blême. Les murs qui viraient à vau-l’eau, parfois souillés de graffitis, furent placardés de toute sorte d’affiches relatives à la santé. Des feuilles de papier diverses, des classeurs colorés, des stylos et autres documents professionnels jonchaient le sol. Quelques fenêtres restées ouvertes sur l’inconnu, comme des bras tendus hospitaliers, accueillaient parfois chaleureusement des brises de vent vagabondes ; qui animèrent ici et là, des mobiliers qui meublaient le silence. Entre les grincements de porte, les claquements de fenêtres, les roulements de chaises, les craquements de murs, les soulèvements puis les volettements de feuilles papier, s’improvisait parfois ; toute une symphonie du vide. Comme si une autre vie s’insinuait malgré tout, au-delà des vicissitudes humaines. Dans tout ce décorum hospitalier nimbé d’étrangetés et de mystères, Brandon avait déjà immortalisé quelques clichés avec son appareil numérique, tandis qu’isabelle qui le suivait derrière ; continuait à balayer du regard avec de grands yeux, l’endroit qu’elle découvrait au fur et à mesure.
− Cet hôpital a je trouve quelque chose d’inquiétant tout de même, Brandon.
− C’est peut-être un peu normal. On est en pleine nuit et l’endroit est abandonné depuis des lustres. Ce qui lui confère cette atmosphère mystérieuse intrinsèque.
− Oui. T’as sûrement raison, rétorqua la belle femme noire en prenant enfin son premier cliché ; à l’aide de son Polaroïd.
Ce fut un petit tricycle rouge d’enfant, muni d’une selle jaune, situé au beau milieu d’une pièce composée d’une armoire à étagères vide et de quelques canettes de coca froissées au sol. − Ah, je vois que t’as pris ta première photo. Qu’est-ce que t’as pris du coup ? Demanda Brandon, en entendant le bruit du Polaroïd.
− Juste un petit tricycle rouge d’enfant. J’ai trouvé ça mignon.
Isabelle se mit à sourire tendrement.
A ces mots, Brandon écarquilla furtivement ses yeux.
− Ah bon ? Je n’avais pas fait attention à ça, quand je suis passé devant, dit-il en revenant sur ses pas.
− Normal. Tu étais en train de shooter droit devant toi en avançant. Et du coup t’as zappé la pièce.
− C’est vrai. Tu as raison. J’étais concentré sur d’autres perspectives de shooting.
− Oui j’ai vu ça. Ça aurait été dommage que tu rates ce cliché.
− C’est clair. Merci bébé, fit Brandon en embrassant Isabelle.
− Il n’y a pas de quoi.
Le bel étalon noir se trouva à l’entrée de la pièce qui borda le couloir, la balaya du regard et immortalisa le fameux tricycle rouge.
− Ça me fait replonger dans mon enfance tout ça. C’est marrant.
− Oui moi aussi. Ça me rappelle le bon vieux te...
Isabelle fut interrompue par un léger bruit, qui émanait d’une autre pièce à quelques mètres de là. Elle se mit aussitôt à sursauter.
− Qu’est-ce...C’est quoi ce bruit ? Demanda-t-elle l’air apeuré.
Brandon fronça instinctivement les sourcils. Il sortit un taser de la poche de son treillis noir et s’approcha prudemment de la pièce d’où le bruit avait retenti. Isabelle se cachait derrière lui en déglutissant.
− Fais...Fais attention...à.…à toi, haletait légèrement la jeune femme.
− T’inquiète. Reste bien derrière moi, répondit
Brandon en continuant d’avancer, l’air déterminé et les sourcils toujours aussi froncés.
Il n’était plus qu’à quelques centimètres de la pièce. Nonobstant sa témérité et son air menaçant, ce dernier déglutissait également. Il était humain après tout, avec tout ce que cela impliquait émotionnellement. Il savait que la peur n’était qu’un choix et n’écartait pas le danger. Mais il savait par-dessus tout, que maîtriser sa peur c’était bien souvent maîtriser conjointement les circonstances inopinées défavorables. Il n’était donc pas du genre à se laisser berner par ses émotions, mais à se laisser plutôt guider par la raison...Et son intuition ! Chose que ne partageait pas Isabelle, qui visiblement était beaucoup moins sereine que lui. Dans un silence sépulcral ambiant, on pouvait même presque entendre le cœur de cette dernière tambouriner contre sa poitrine.
Dès lors qu’il arriva au niveau de l’entrée de la pièce sans porte, Brandon s’arrêta brusquement et se posta débout sur le côté, son taser à la main. Après une grande inspiration suivit d’une petite expiration, il se mit à pencher lentement sa tête, pour y voir à l’intérieur à l’aide de sa lampe frontale.
Miiiiaaaouu...
Fausse Alerte. Un petit chaton noir avait surgi précipitamment de la pièce en cavalant, tout en démystifiant de manière conjointe ; les interrogations légitimes de Brandon et les angoisses paranoïaques d’Isabelle. Le petit félin venait en fait d’écraser un petit gobelet blanc froissé en plastique, qui fut au sol.
− Oh, bon sang. Ce n’était qu’un chaton qui m’a mis dans tous ces états ? J’ai cru que mon cœur aller lâcher, fit la jeune femme en mettant la main sur sa poitrine ; comme pour se remettre de ses émotions.
− Je savais que c’était quelque chose de ce genre, même si il faut tout de même rester vigilant pour les urbex nocturnes.
− Mais...comment a-t-il fait pour entrer ? Il doit appartenir à quelqu’un, non ?
− Non. Je pense que c’est un chat errant qui a dû rentrer par une des fenêtres ouvertes ; ou bien qui a pris le même itinéraire que nous pour accéder dans cet hôpital.
− Mais ça ne porte pas malheur les chats noirs, la nuit ?
− Seulement pour ceux qui y croient, rétorqua Brandon en esquissant un sourire.
− Toi tu n’as peur de rien on dirait. Les chats noirs ça ne t’effraient pas ? S’étonna Isabelle.
Son compagnon se mit à rire.
− Voyons bébé. Tu sais bien que non, rétorqua-t-il de manière allusive ; en lui lançant un regard lubrique avant de reprendre son exploration urbaine.
Isabelle baissa sa tête, la secoua légèrement en souriant, puis se mit à le suivre aussitôt.
Au bout de trente-cinq minutes, les deux amants prirent déjà pas mal de clichés de leurs appareils respectifs ; dans divers endroits du bâtiment tout aussi mystérieux et inquiétants les uns que les autres. Selon l’endroit et l’étage où ils se trouvaient, ils découvrirent toute sorte d’objets insolites tels que des poupées aux bras cassés, des bougies, des préservatifs usagés, des Jaquettes de dvd pornos, ainsi que des pentagrammes sataniques peints en rouge sur les murs, entre autres. Ils immortalisèrent ce qui leur semblait visuellement ou artistiquement intéressant, voire intriguant.
− J’ai de quoi faire un roman-photo d’horreur avec toutes les photos que j’ai prises. Les deux poches latérales de mon treillis sont pleines à craquer, fit Isabelle en débouchant encore avec son compagnon ; sur un énième couloir entrecoupé de portes battantes avec hublots.
L’endroit fut partiellement éclairé de rayons de lune.
− Pourtant tu n’y a vu aucun monstre il me semble, bébé. Si ce n’est un environnement un peu angoissant et des choses certes quelque peu...mystérieuses ! Répondit Brandon légèrement en retrait derrière elle.
La belle gazelle acquiesça de la tête, en écarquillant ses yeux tout en pinçant ses lèvres.
− Ah, ça c’est clair ! Confirma-t-elle en prenant quelques clichés du couloir aux murs décrépis ; maculés de divers graffitis et autres gribouillages.
Au même moment, une notification sms fit vibrer le smartphone en mode silencieux de Brandon, qui fut dans une des poches avant de son treillis. Ce dernier saisit l’appareil et jeta un regard furtif sur l’écran. Il venait de recevoir un nouveau « crush » sur l’application « K-MEET ». Ce fut pour lui, de nouveaux atomes crochus en perspective.
Alors qu’isabelle vaquait encore à ses occupations photographiques, Il rangea aussitôt son cellulaire à son insu à la même place ; et se mit soudainement à esquisser un sourire sardonique.
− Oh, regarde Brandon, s’enthousiasma Isabelle soudainement.
Ce dernier fronça instinctivement les sourcils.
− Quoi ?
− Regarde. Par terre. Il y a un jeu de marelle dessiné au sol.
Brandon s’approcha et s’agenouilla près du dessin composé de plusieurs cases, qui fut à proximité de portes battantes avec hublots, puis se releva.
− C’est marqué à la craie rouge on dirait, révéla ce dernier.
− Ça te dit d’y jouer juste un peu ? Proposa-t-elle d’un air espiègle. Ça me rappellera mon enfance.
Face à l’excitation soudaine d’Isabelle, son compagnon fit mine de réfléchir quelques secondes, avant de délivrer sa réponse.
− Hum...J’ai une meilleure idée, rétorqua-t-il.
− Ah bon ? Comment ça ? Quelle meilleure idée ?
− Comme je vois que tu es très nostalgique avec ta marelle et ton Polaroïd d’un autre siècle (Isabelle secoua sa tête en feignant la vexation) et surtout pour détendre l’atmosphère, je te propose de jouer à un autre jeu de notre enfance.
− Lequel ?
− Celui appelé « un, deux, trois...Soleil ». Tu t’en souviens ?
− Ah ouiiiii ! S’enthousiasma la belle femme noire. Bien sûr que je m’en souviens. J’y jouais à la cour d’école et aussi en colonie de vacances ; quand j’étais petite.
− Si tu veux on y joue un peu ; car pour moi « la marelle » ça n’a jamais été mon truc. C’était plus un jeu de fille ça il me semble, non ?
− C’est vrai que c’était généralement des filles qui y jouaient, mais il y a avait aussi parfois quelques garçons qui se prêtaient au jeu.
− Oui c’est vrai. Alors ça te dit une petite partie de « un, deux, trois...Soleil » bébé ?
Isabelle sembla réfléchir en baissant furtivement sa tête, un sourire accroché à ses lèvres.
− Jouer à « un, deux, trois soleil » en pleine nuit dans un hôpital abandonné, aussi chelou que la famille Adams, sera je pense l’expérience ultime pour moi, admit-elle.
Brandon se mit à rire.
− Ah, ça c’est clair, répondit ce dernier en esquissant brusquement un léger sourire sardonique.
− Bon...okay. Je suis partante du coup.
− Cool. Voilà ce qu’on va faire. Tu vas te diriger vers les portes battantes. Et de la, tu vas te mettre à compter jusqu’à trois, puis te retourner pour voir si j’ai bougé. Et tu répètes cela à chaque fois jusqu’à ce que je touche ces fameuses portes. Si tu me surprends entre-temps en train de bouger, tu as gagné ; si je tou...
− Je connais les règles du jeu bébé, l’interrompit Isabelle en lui mettant brièvement la main sur la bouche, tout en lui faisant clin d’œil. Tu sais, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas.
− Je sais. Je sais...Je te fais juste une petite piqûre de rappel. Rien de plus.
− Okay désolé Brandon. Vas-y continue bébé.
− Nan, t’inquiète. Pas d’soucis...Donc, comme je t’ai dit, si tu me surprends en train de bouger, en te retournant tu as gagné. Si je me rapproche au fur et à mesure et que je touche finalement les portes battantes ; sans que tu m’aies au préalable surpris en train d’avancer, j’ai gagné. Ça marche ?
− Okay… J’ai compris bébé, fit Isabelle en s’éloignant de Brandon pour se rapprocher des portes. J’ai joué à ce jeu un nombre incalculable de fois. Mais merci quand même pour ta piqûre de rappel.
La jeune femme tourna furtivement sa tête vers Brandon tout en avançant ; et lui fit un clin d’œil. Ce dernier le lui retourna et fit demi-tour en s’éloignant de sa compagne, en esquissant de nouveau un sourire sardonique à son insu. Il se plaça à environ 4 mètres d’elle, puis se retourna en direction d’Isabelle. Il ôta ensuite son appareil photo Canon autour de son cou et le déposa par terre, prêt à pouvoir commencer le jeu « un, deux, trois ...Soleil ! ». Quant à Isabelle, elle avait sa tête contre l’une des portes battantes, le sourire aux lèvres.
− C’est bon, bébé. Tu peux commencer à compter, dit-il.
A ces mots, la belle femme noire s’exécuta.
− Un, deux, trois...Soleil !
Isabelle se retourna aussitôt et vit Brandon immobilisé, s’étant à peine déplacé.
− Un, deux...Trois...Soleil !
Elle se retourna encore et vit son compagnon de nouveau immobilisé, ayant gagné encore quelques centimètres.
− Un...deux...trois...Soleil ! Dit-elle en se retournant toujours.
Brandon s’était davantage rapproché tout en restant immobilisé, figé comme une statue. Il n’était plus qu’à environ 3 mètres du but. Mais quelque chose semblait avoir changé dans son aspect physique. Il avait pris quelque peu, du volume. Isabelle eut l’air comme intriguée, mais se retourna ensuite malgré tout pour continuer le jeu.
− Un, deux...trois, Soleil !
Elle se retourna et vit Brandon toujours immobilisé à environ 2,50 mètres d’elle. Cette fois-ci quelque chose d’inhabituelle semblait s'être réellement passée. Le système pileux du bel étalon noir avait étonnamment poussé, en l’espace de quelques secondes. Ses mains et son visage en était recouverts. Il devenait de plus en plus velu.
Isabelle fronça instinctivement les sourcils, et sentit que quelque chose n’allait pas. Elle se mit à déglutir.
− Qu’est-ce...Qu’est-ce qui t’arrive bé...Bébé ?
− Nan ce n’est rien. Ça fait partie du jeu, t’inquiète. Retourne-toi et continue de compter, rétorqua-t-il d’une voix devenue étrangement plus grave
La jeune femme s’exécuta et commença légèrement à haleter tout en tremblotant.
− Un...d..deux...trois... So…Soleil !
Elle se retourna encore et vit son compagnon de nouveau immobilisé, à environ 2 mètres d’elle.
« Un...deux...trois...Soleil ! » Dit-elle en se retournant toujours.
Brandon continua sa progression. Il n’était plus qu’à 1,50 mètre d’Isabelle.
« Un, deux...tr…trois, So…Soleil ! » répéta cette dernière, l’air apeuré.
La jeune femme se retourna et vit un Brandon changeant, en pleine mutation, toujours immobilisé à la même distance qu’auparavant.
« Un...d..deux...trois... So…Soleil !
Dès lors qu’elle se retourna de nouveau, Isabelle vit son compagnon doubler de volume et ses vêtements presque déchirés de haut en bas. Brandon était maintenant à environ 1 mètre d’elle et son corps s’était progressivement transformé. Il était presque recouvert de longs poils. Son visage déformé devenait méconnaissable. Son nez s’était allongé, tel le museau d’un loup. A la vue de toute cette horreur, Isabelle haletait et tremblait de plus belle.
« CON - TINUE...DE...COMP - TER », ordonna d’une voix gutturale et menaçante, la créature qui petit à petit prenait forme devant la jeune femme…Ou plutôt derrière elle !
Cette dernière, tétanisée, victime de tachycardie, se retourna toute tremblante pour s’exécuter paradoxalement…au lieu de s’enfuir ! Comme si elle ne croyait pas encore ce qu’elle voyait. Comme si elle ressentait encore des sentiments, envers celui qui se transforma davantage en une bête fauve.
« Un...de…deux...trois...So...So…Soleil ! » Dit-elle une énième fois la voix chevrotante et les yeux lacrymaux.
Isabelle, traumatisée comme jamais elle ne l’a été de sa vie ; se retourna lentement avec hésitation et vit la transformation de la bête, qui fut arrivée à maturité. Brandon, ou du moins de ce qu’il en restait, ne ressemblait plus qu’à un loup-garou aux dents acérées, de près de deux mètres. La distance qui le séparait d’elle, n’était plus que de quelques centimètres. Cette dernière était à deux doigts du trépas, là où l’imposante créature velue et féroce, quant à elle, était à deux doigts...du repas !
Contre toute attente, la bête fit un léger bond pour se retrouver nez à nez (juste séparé de 15 centimètres) avec la jeune femme, qui fut en état de choc. La peur avait phagocyté sa raison jusqu’aux tréfonds de son âme.
« Bran...Brandon...C’est...c’est moi », fit Isabelle, comme résignée, percluse de peur et les larmes aux yeux.
Mais ce qui fut en face d’elle, ce n’était plus son compagnon ; mais bel et bien une créature sauvage bipède, bestiale, avide de chair et de sang. De l’autre côté des portes battantes, qui donnaient sur l’autre partie du couloir ; on entendit brièvement les cris d’effroi d’Isabelle alliés aux grognements féroces de la bête fauve qui déchirèrent le silence ; à l’image de ses griffes qui lacéraient inlassablement la peau noire ; ainsi que les entrailles de sa proie. Contre toute attente, une lumière éclaira le temps d’une seconde la face hargneuse du monstre. Face à toute cette horreur, les deux hublots des portes battantes, tel des yeux vitreux, furent témoins de cette barbarie indicible nocturne. Et faute de « deus ex machina », ces deux hublots se remplirent peu à peu de larmes…de sang !
****
Parallèlement, aux quatre coins du globe, bon nombre de personnes noires ayant utilisé l’application « K-MEET » avaient subi le même sort. Ils furent tous tués de manière atroce, soit par des reptiliens cannibales, des vampires démoniaques ou des loups garous féroces. Et sur les murs du désespoir se placardaient inlassablement ; de sombres avis de recherche.
****
Le lendemain dans l’après-midi, l’hôpital était de nouveau désertique. Depuis l’horreur d’hier soir où Isabelle avait malencontreusement vu le loup, le 4x4 noir rutilant de Brandon avait quitté les lieux. Ce dernier était parti dans la nuit après avoir commis son crime barbare sanglant, et qu’il ait repris progressivement son apparence humaine, comme un animal sauvage repu. Ses chaussures et ses vêtements furent bien évidemment déchirés. Tout était de nouveau à la fois paisible, mystérieux et toujours aussi étrangement inquiétant ; et ce même en plein jour. Comme le temps qui se suspend à la lisière du réel. Le silence morne de l’endroit fut bientôt interrompu par le vrombissement d’un moteur. Ce fut celui d’une camionnette blanche. Elle se gara quasiment au même emplacement que le véhicule noir de Brandon, de la veille. A l’intérieur, deux personnes s’y trouvaient. Ce fut un couple enamouré. Côté conducteur, un homme blanc d’une trentaine d’années y siégeait. Il avait les cheveux blonds, les yeux bleus, portait une barbe de trois jours qui lui donnait l’allure d’un vieux baroudeur ; et se nommait Jean-Paul. Il fut accompagné côté passager de sa douce et tendre. Ce fut une belle jeune femme de type indien proche de la trentaine, qui arborait de beaux cheveux longs noirs ; et se nommait Nathalie.
− C’est ici l’endroit dont tu m’as parlé la veille pour faire de l’urbex ? Demanda cette dernière après que le moteur du véhicule ait été coupé.
− Oui tout à fait, répondit Jean-Paul. A la base, j’ai voulu te proposer d’y aller hier dans la nuit, mais je me suis dit que tu n’allais peut-être pas l’accepter. Donc je me suis ravisé et t’ai proposé de faire cette expédition de jour.
Le jeune homme la regarda et se mit à lui sourire.
− Pourquoi ? Tu pensais que j’allais peut-être avoir peur de faire une expédition urbaine nocturne, avec toi ?
− Nan ce n’est pas ça. C’est juste que je me suis dit, que ça allait être beaucoup plus commode et moins stressant de partir en journée, pour faire de belles photos et de bien voir ce que l’on shoote.
− Avec toi à mes côtés, je ne risque rien chéri, fit Nathalie en lui faisant un clin d’œil.
A ces mots Jean-Paul lui sourit tendrement et lui fit un baiser.
− Merci pour ta confiance bébé. Allez, allons visiter ce vieil hôpital. Y’aura je pense de belles photos à prendre en perspective.
Cette dernière acquiesça de la tête en lui souriant. Les deux amants sortirent ensuite de leur camionnette, prirent leurs appareils photos respectifs dans le coffre, fermèrent leur véhicule à clef ; et partirent aussitôt à la découverte de cet immeuble à l’abandon ; qui s’érigeait impassiblement devant eux.
Pendant plus d’une heure, Jean-Paul et Nathalie visitèrent la plupart des lieux de l’hôpital et les immortalisèrent de leurs appareils photos numériques respectifs. Ils tombèrent sur les mêmes bizarreries et les mêmes babioles, que Brandon et Isabelle avaient découvertes la veille. Ce qui n’empêcha pas de continuer leurs expéditions, malgré tout. La curiosité qui les animait prenait le pas, sur tout autre sentiment. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent, naturellement, à un énième endroit.
− Encore un long couloir à parcourir, dans ce dédale hospitalier, fit Nathalie venant de l’extrémité du passage.
− Avec encore je pense, son lot de surprises en perspective. Rétorqua Jean-Paul à ses côtés.
− Ah ça...Des surprises, on a eu des tonnes ici.
− C’est clair.
Au bout d’un moment, le couple se rapprocha progressivement des portes battantes, situées au beau milieu du couloir. A la vue de celles-ci, le visage de Nathalie sembla perplexe dans un premier temps, puis se décomposa ensuite contre toute attente, au fur et à mesure qu’elle avançait.
− C’est...C’est quoi ça ? Demanda-t-elle d’un air étonné ; en pointant du doigt les éclaboussures écarlates sporadiques, qui furent sur les portes, au sol, ainsi que sur les murs à proximité.
Sans répondre, Jean-Paul s’approcha prudemment d’un des hublots et toucha de son doigt hésitant une partie des taches empourprées, qui y furent projetées. Ses yeux s’écarquillèrent d’étonnement.
− C’est...Je crois que... C’est du sang. Et du sang...frais ! Révéla-t-il en fronçant légèrement les sourcils. Un crime ou un rituel satanique a dû avoir lieu soit la veille ou voire même ce matin.
− T’es sérieux ? T’en es sûr ? Questionna Nathalie l’air effrayé.
Son compagnon acquiesça de la tête, puis se retourna lentement et balaya instinctivement du regard tout autour de lui ; pour mieux réaliser l’ampleur des dégâts.
Tels les vestiges d’une scène de crime barbare indicible, certains lambeaux de chairs et de peaux ensanglantés (projetés par la violence des coups de griffes de la bête fauve d’hier) ; restèrent fixés sur les murs, à proximité des portes battantes.
− En tout cas, je pense que ça a dû être très violent ; et que la victime a dû mourir sur le coup.
− Tu penses vraiment qu’un ou des criminels ont perpétré en ce lieu des crimes, il y a quelques heures de cela ?
− C’est n’est pas moi qui le dit mais le sang sur les murs qui le révèle, assura Jean-Paul. C’est du sang frais. Ce qui donc implique que la ou les victimes ont dû mourir il y a moins de 24h de cela.
A peine avait-il révélé cela qu’un bout de papier blanc de forme carré, situé au coin d’une des portes battantes, attira l’attention de ce dernier. Intrigué, il le ramassa en fronçant les sourcils. C’était la pellicule photo d’un Polaroïd. Il se mit lentement à la retourner. L’image qui fut figée dessus était celle...d’un loup-garou, ayant le visage hargneux ! Pendant qu’Isabelle la veille, s’était débattue vainement face à ce monstre velu ; un flash s’était involontairement déclenché, immortalisant le visage de la créature sauvage couverte de sang.
− Quand on parle...du...Du loup ! Fit Jean-Paul bouche bée, en dévoilant la photo à Nathalie qui à son tour…n’en croyait pas ses yeux !
****
Quelques heures plus tard, après que le Soleil ait comme à l’accoutumée tiré sa révérence ; Joseph le commissaire de police se présenta devant la façade d’un immeuble parisien de 6 étages, complètement recouverte de verres teintés. Le bâtiment était opaque et ne laissait rien transparaître, à l’image d’un homme manipulateur impassible ; maître de ses émotions. Le commissaire était accompagné de son collègue noir de la veille nommé Jacques ainsi que d’un autre homme nommé Christopher : un homme blanc d’une trentaine d’années, rasé court et portant la barbe. Les agents de police en uniforme se rapprochèrent de la sonnette d’entrée, qui fut à proximité des portes en verres teintées. A peine Joseph avait-il dirigé son doigt vers la sonnerie qu’un déclic se fit entendre ; et désactiva la porte de gauche qui, contre toute attente, s’entrouvrit de l’intérieur.
Le commissaire écarquilla furtivement ses yeux.
− Vous avez vu ça les gars ? Impressionnant...
Ces derniers hochèrent de la tête, d’un air légèrement désabusé.
− Bonsoir messieurs ! Fit une voix venant de l’intérieur, avant de révéler son visage.
C’était un homme noir d’une cinquantaine d’années. Il avait les cheveux afro et la barbe grisonnantes ; et était légèrement chargé d’embonpoint. Il portait un costume gris trois pièces style prince de Galles, pardessus une chemise blanche et une cravate noire ; ainsi que des baskets blanches. Comme un savant mélange d’élégance traditionnelle et de modernité.
− Euh...Bonsoir...Rétorqua Joseph quelque peu étonné. Vous...Vous êtes Monsieur ?
− Je suis Monsieur Landel. Martin Landel. A qui ai-je l’honneur ?
− Bonsoir. Je suis le commissaire Joseph Nguyen. Et voici mes deux collègues : Jacques et Christopher.
Les deux agents de police, impassibles, saluèrent Monsieur Landel de la tête.
− Très bien. Que me vaut votre visite ? Questionna ce dernier.
− Tout d’abord excusez-nous pour cette heure tardive, mais vos horaires d’ouvertures nocturnes ne nous permettaient pas de pouvoir venir dans la journée. Nous faisons donc amende honorable.
− Hum...oui c’est vrai, reconnut Mr Landel en baissant furtivement sa tête, comme pour s’excuser. Nous avons, mes collaborateurs et moi, préféré bosser la nuit pour plus de...de commodités.
− De commodités ? C’est à dire ? Demanda Joseph l’air intrigué.
− Disons que notre secteur d’activité peut nous dispenser de travailler en journée. Et cela nous permet aussi de faire des économies d’énergie et d’argent. Et cet argent économisé nous l’investissons davantage dans le marketing et la communication.
− Ah très bien. Je comprends un peu mieux. Dites-moi, votre secteur d’activité c’est bien les applications, n’est-ce pas Mr Landel ?
− Oui tout à fait. Je suis le fondateur de l’application et de la société « K-MEET ». Ainsi que d’autres applications qui vont bientôt sortir également.
− Ah très bien.
− Mais vous n’avez toujours pas répondu à ma question, Mr Nguyen.
− Ah oui, laquelle Mr Landel ? Demanda le commissaire.
− Que me vaut votre visite en cette heure ?
− Ah oui, pardonnez-moi ! Pourrais-je entrer un instant s’il vous plaît ? Je préférerai vous répondre à l’intérieur, si vous me permettez.
− Oui pas d’soucis, répondit le fondateur de l’appli panafricaine, en ouvrant davantage la porte tout en se décalant pour laisser entrer les 3 hommes.
Ces derniers passèrent la porte qui se referma ensuite d’elle-même, en se verrouillant de nouveau par un déclic. Les agents de police balayèrent instinctivement l’endroit du regard. Le logo « K-MEET » de couleur rouge sang surplombait le portrait de Mr Landel et de l’accueil qui fut vide, sans hôtesses. Plusieurs visages de personnes noires souriantes (qui furent membres de la fameuse application de rencontres), étaient sporadiquement encadrés sur les murs.
− Belle décoration, félicita Joseph. Dommage que l’on ne puisse pas voir tout cela de l’extérieur, avec vos verres teintés.
− Certes, mais on peut voir l’extérieur de l’intérieur, avec ces mêmes verres. Ils sont teintés de l’extérieur et non de l’intérieur. Retournez-vous commissaire et voyez par vous-mêmes.
A ces mots ce dernier ainsi que ses deux collègues se retournèrent du côté de la porte d’entrée. Il écarquilla ses yeux à contrario de ses deux hommes qui restèrent toujours impassibles.
− wow, c’est donc vrai ce que vous dites. C’est bien foutu votre truc...Bonne idée !
− Merci Monsieur l’agent. Oui, on voit les choses de l’intérieur et non de l’extérieur. C’est tout un symbole qui revêt intrinsèquement une profondeur.
− Ah oui ?
− Bien sûr. Tout comme l’on perçoit mieux les choses du monde, quand on les regarde de notre for intérieur ; et non des avis extérieurs diverses. Les révélations, les fulgurances les visions, viennent toujours de l’intérieur et non de l’extérieur. Ainsi, on ne peut que mieux voir de l’intérieur ; et non de l’extérieur.
− Hum...intéressant comme concept, s’étonna Joseph.
− Bon...je vous écoute Monsieur Nguyen, soupira légèrement Mr Landel, comme s’il commençait à perdre patience. Que me vaut donc votre visite ?
Suite à cette question, le commissaire se tourna vers l’un de ses collègues.
− Sors moi le document s’il te plaît, Jacques.
Ce dernier acquiesça de la tête, ouvrit la sacoche en cuir en bandoulière qu’il tenait par-dessus sur son épaule ; et en sortit cinq feuilles à papier, agrafées les unes sur les autres. Il les remit aussitôt à Joseph.
− J’te remercie, rétorqua ce dernier. Tenez.
Mr Landel prit les feuilles et les examina, l’air intrigué.
− Qu’est-ce que c’est ? Demanda-t-il.
− Vous ne voyez pas ? Ce sont des noms qui figurent sur ces pages. Les connaissez-vous ? Tous ces gens étaient pourtant des membres de votre application panafricaine ; et ils sont tous morts. Qu’avez-vous à dire sur cela ? Pensez-vous qu’avec autant de morts pour une seule et même appli ; cela relève toujours de la coïncidence ?
Mr Landel mordilla brièvement ses lèvres.
− Que voulez-vous insinuer par-là, Monsieur l’agent ?
− Je n’insinue rien. Je pose juste une question, répondit Joseph en esquissant un sourire.
− Je ne saurai quoi vous répondre, dans ce cas.
− Ah oui, bien sûr. Bien évidemment. Tout ça n’est qu’un pur hasard.
− Croyez ce que vous voulez Monsieur Nguyen. Mais sachez que tout ce que je peux vous dire ; c’est que tant qu’il n’y aura aucune once de preuves tangibles ; cela ne pourra être relégué qu’au rang de la « coïncidence » comme vous dites. Et je n’aurai donc aucune raison à devoir répondre à vos questions que j’estime être tendancieuses. A moins que je sois contraint de faire appel à un avocat.
Joseph fit glisser sa main sur son visage, puis l’arrêta au niveau du menton.
− Okay...Très bien, très bien, fit ce dernier en dodelinant légèrement de la tête de haut en bas.
− Tenez. Reprenez votre document, Monsieur Nguyen.
Le commissaire reprit les feuilles en soupirant et les remit à Jacques qui les déposa de nouveau au fond de sa sacoche.
− Ceci étant, ne trouvez-vous pas cela raciste Mr Landel que de faire une appli de rencontre ; uniquement destinée aux personnes noires ? Demanda le policier.
− Non pas du tout. Pourquoi quand des noirs veulent construire ou entreprendre des choses ensemble, cela serait-il du racisme ? Il y a bien des associations voire des applis pour musulmans, juifs ou chrétiens. Il y a aussi tout type d’associations communautaires. Y’a même des applications destinées à des personnes végans. Pourtant on ne taxe pas toutes ces choses de « racisme » ou de « discriminatoire ». Alors en quoi notre application « K-MEET » serait-elle une démarche raciste ?
− Je comprends, je comprends, acquiesça Joseph de la tête. En même temps, je peux comprendre que les injustices et le racisme outrancier qu’ont subi et que subissent encore les noirs, peuvent parfois inciter viscéralement à un repli communautaire. Nonobstant ces persécutions, ces brimades endémiques, peut-être que cela fut la volonté de Dieu après tout.
A ces mots, le commissaire feignit un air de compassion.
− Désolé, je ne crois pas en Dieu, s’agaça le fondateur de K-MEET.
− Ah pardonnez-moi Mr Landel. Dites-moi, j’imagine que vous n’y verrez pas d’inconvénients à ce que nous fassions un tour dans votre immeuble, étages par étages ? Questionna l’agent de police en changeant délibérément de sujet.
− Comme je n’ai rien à cacher, cela ne me pose donc aucun problème. Suivez-moi, ordonna le cinquantenaire grisonnant, en se retournant soudainement ; et en commençant à avancer.
Joseph s’exécuta, suivi de ses deux collègues aussi taciturnes qu’impassibles. Ils se dirigèrent en direction de l’ascenseur. Ce faisant, ils passèrent inévitablement devant une peinture murale verticale, d’une hauteur de 2 mètres et d’une largeur de 1 mètre 20 qui se trouvait à proximité. La toile révélait un escalier noyé dans la pénombre, qui descendit jusqu’au niveau d’une porte entrouverte ; d’où émanait une lumière de l’intérieur.
− Étrange cette toile. Enfin...j’veux dire...À la fois Mystérieuse, fascinante et étrange. Un escalier ? Tiens donc ! Et où mène-t-il ? Questionna Joseph en s’arrêtant devant l’œuvre picturale, l’air légèrement perplexe.
− C’est...C’est un symbole. Cet escalier symbolise la descente vers l’inconnu qui mène à la connaissance, symbolisée par la lumière qui émane de la pièce. Et la véritable connaissance n’est parfois accessible que par une certaine souffrance, d’où le côté sombre de l’endroit qui mène vers cette pièce éclairée. Comme la nuit qui précède au jour.
− Ah je vois, rétorqua Joseph en se tenant le menton de la main tout en mettant le doigt devant sa bouche. Cela me fait un peu penser au livre de genèse dans la bible (A ces mots, Monsieur Landel soupira légèrement en fronçant légèrement des sourcils). Avant que la lumière fût, il y avait des ténèbres. C’est un peu le même symbolisme n’est-ce pas ?
− Si vous le dites. Mais je ne parlais pas de cette symbolique-là. Mais bon...
− Et comment se nomme cette toile ?
− Elle se nomme « le trompe-l’œil ».
− Ah bon ? Et pourquoi se nomme-t-elle ainsi ?
− Je ne sais pas. C’est juste que la toile m’a plu et je l’ai acheté, sans me soucier du titre.
− Ah très bien...Si vous le dites.
− Ceci étant, avez-vous des questions relatives à notre activité, inspecteur ? Ce fut l’objet de votre visite, n’est-ce pas ?
Joseph fit mine de réfléchir.
− Oui tout à fait...J’ai une question.
− Je vous écoute.
− Pourquoi n’y’a-t-il personne qui travaille ce soir ? Demanda le commissaire. C’est assez étrange !
− Oh, il n’y a rien d’étrange, Monsieur Nguyen. C’est tout simplement parce que j’ai accordé à tous mes employés une journée...ou plutôt une nuit de repos, rétorqua Monsieur Landel en regardant furtivement les deux collègues du policier, avant d’appeler l’ascenseur.
A ces mots, Joseph était perplexe.
− Ah bon ? Juste le jour où je comptais passer vous voir ?! Quelle coïncidence ! Fit Joseph en regardant ses collègues impassibles.
− Coïncidence ? Que voulez-vous dire par là ? Je ne comprends pas très bien.
− Nan, laissez tomber ce n’est pas grave Monsieur Landel.
Au même moment, l’ascenseur arriva et ouvrit ses portes. Les quatre hommes l’investirent. Joseph appuya sur la touche du premier étage. L’inspection des lieux pu enfin commencer. Pendant près d’une heure trente, les policiers passèrent en revue toutes les pièces de l’immeuble, étages par étages, en présence de Monsieur Landel. Que ce soit les toilettes, les sorties de secours, les escaliers, les salles de réunions, de marketing ou de repos ; voire même les diverses salles dotées d’ordinateurs portables ainsi que le bureau personnel de ce dernier. Joseph et ses deux acolytes n’y trouvèrent rien de compromettant. Au grand dam du commissaire. Étonnamment, le fondateur de K-MEET fut autant coopératif et patient que transparent. Après avoir tout passé au peigne fin, les quatre hommes prirent de nouveau l’ascenseur pour redescendre au rez-de-chaussée.
− Alors, Monsieur l’agent ? Sommes-nous toujours suspects ? Questionna Monsieur Landel dans la cabine durant la descente, en esquissant un léger sourire.
Joseph soupira en fronçant les sourcils, tout en baissant furtivement sa tête.
− Suspects ou pas, moi ce que je vois ce sont les centaines de personnes disparues qui ont toutes utilisé votre appli. Parfois, il faut savoir regarder sous le tapis.
Monsieur Landel se mit à rire, au même moment que les portes s’ouvrirent.
− Ce n’est pas ce que vous venez de faire, pendant plus d’une heure ? Demanda ce dernier en sortant le premier de l’ascenseur.
Joseph suivi de ses hommes se dirigea ensuite vers la porte d’entrée en soupirant ; sans vouloir répondre à la question.
− Si vous avez des infos, ou quoi que ce soit qui puisse nous aider, n’hésitez pas à m’appeler, fit ce dernier en dégainant de sa poche intérieure ; sa carte de visite professionnelle qu’il remit aussitôt à Monsieur Landel.
− Vous pouvez me faire confiance Monsieur Nguyen. Je n’hésiterai pas une seconde, répondit ce dernier en saisissant le petit papier blanc, avant d’appuyer sur un bouton mural ; qui déverrouilla les deux portes d’entrée et entrouvrit aussitôt l’une d’entre elles. Jacques, l’un des policiers, l’ouvrit davantage afin de sortir en premier, accompagné de Joseph et de Christopher son subalterne.
− Merci de nous avoir reçus et d’avoir fait preuve de patience en nous consacrant un peu de votre précieux temps, fit le commissaire une fois à l’extérieur, devant les portes.
− C’est normal Monsieur Nguyen, rétorqua Monsieur Landel de l’intérieur en tenant de la main la porte entrouverte. C’était la moindre des choses.
A très bientôt, fit Joseph de manière allusive en souriant...
− Ou pas, répondit le fondateur de « K-MEET » de manière toute aussi allusive ; en regardant furtivement les deux collègues du commissaire, qui au même moment, regardaient ailleurs.
A ces mots, ce dernier eut l’air perplexe en voyant la porte se refermer devant lui, où retentit aussitôt le déclic du verrouillage.
****
Les 3 hommes regagnèrent ensuite leur véhicule de police : une rutilante Peugeot grise 5008 SUV. Comme pour l’aller, Joseph voulut prendre le volant.
− Nan, c’est moi qui conduis cette fois-ci, ne vous inquiétez pas. Reposez-vous un peu, conseilla Jacques en voyant le commissaire s’apprêter à ouvrir la portière.
Ce dernier écarquilla furtivement ses yeux d’étonnement.
−T’en es sur ? Ça ne me dérange pas tu sais.
− Oui ne vous inquiétez pas, rétorqua son collègue. Mettez-vous côté passager si vous voulez. Lui, il se mettra derrière.
Joseph se mit à réfléchir quelques secondes,
−Okay fit ce dernier en donnant les clefs à Jacques.
Ce dernier se mit à esquisser un sourire discret à Christopher qui se trouvait en face, de l’autre côté du véhicule. Une fois qu’ils investirent l’habitacle, le moteur vrombit et la voiture démarra. Direction le commissariat.
****
Les 3 policiers défilaient déjà depuis quelques minutes sur l’asphalte dans la nuit parisienne, à bord de leur Peugeot grise. Joseph, plongé dans un mutisme, avait l’air songeur.
− Apparemment cette société n’a rien à se reprocher chef, lança Christopher assis derrière le commissaire afin de le faire sortir de son silence.
A ces mots, ce dernier fronça les sourcils.
− Comment ça ils n’ont rien à se reprocher ? Maugréa Joseph. Comment une société dont une centaine de ses membres, en France, sont portés disparus voire peut-être morts peut-elle être clean ? Et j’imagine que cela doit être plus ou moins pareil, dans d’autres pays.
− Alors pourquoi n’a-t-on rien trouvé dans ce cas ? Questionna Jacques au volant en regardant furtivement dans le rétroviseur intérieur ; son collègue assis sur la banquette arrière qui fit de même.
Le commissaire réfléchissait deux secondes avant de répondre.
− Je...Je ne sais pas mais ce... ce Monsieur Landel doit sûrement nous cacher quelque chose, comme un lourd secret inavouable. Je ne compte pas lâcher l’affaire avec lui. Je vais ouvrir une enquête et aussi lui coller un contrôle fiscal au cul. On verra bien s’il est vraiment clean et si toutes ces disparitions de membres sont justes une « coïncidence » comme il prétend.
A ces mots, Christopher et Jacques se regardèrent de nouveau mutuellement via le rétroviseur intérieur. Au même moment, ce dernier décida de bifurquer vers la gauche ; en changeant brusquement d’itinéraire.
− Qu’est-ce que tu fais Jacques ? S’étonna Joseph. Le commissariat n’est pas par là. Visiblement, tu t’es trompé de direction.
− Nan, rassurez-vous chef. C’est juste que je vais me garer quelque part rapidement, pour passer un appel urgent.
− Tu ne peux pas attendre 15 minutes ? Le temps qu’on arrive au poste ?
− Malheureusement non. C’est assez urgent, chef. Je dois passer un coup de fil le plus vite possible. C’est presque une question de vie ou de mort, répondit Jacques en esquissant un léger sourire.
− Bon...très bien...se résolut Joseph. Je...J’espère que tu n’en auras pas pour longtemps dans ce cas.
− Nan, ne vous inquiétez pas, assura Jacques en s’embarquant aussitôt dans une impasse plongée dans la pénombre.
Ce dernier gara la voiture et coupa ensuite le moteur.
− Tu ne pouvais pas trouver un autre endroit un peu plus...éclairé...pour pouvoir passer ton coup de fil ? Questionna le, commissaire l’air agacé.
− Désolé...Mais ne vous inquiétez pas, ça ne sera pas long, croyez-moi, rétorqua Jacques en regardant encore furtivement Christopher dans le rétroviseur intérieur.
Joseph secoua sa tête en soupirant.
− Et puis y’a un truc que je ne comprends pas, fit ce dernier l’air soudainement perplexe.
− Quoi ? Demanda Christopher assis derrière lui, sur la banquette arrière.
Au même moment Jacques sortit de sa poche son smartphone et commença à composer un numéro.
− Je ne comprends pas qu’il n’y ait eu aucun employé tout à l’heure, lors de notre visite au sein des locaux de la société « K-MEET ». C’est comme si...Ils avaient été...prévenus au préalable de notre visite ; afin de s’organiser ou de se préparer. Personne n’était au courant de notre passage chez eux, si ce n’est... (Joseph afficha soudainement un air inquiet doublé d’étonnement, comme s’il venait de réaliser quelque chose) ...Vous et moi !
Le commissaire se mit à dévisager Jacques qui fut à ses côtés, comme s’il venait de voir...un monstre !
− Oui, ne vous inquiétez pas. Ce sera fait ...Monsieur Landel ! fit ce dernier en parlant à travers son smartphone, avant de raccrocher.
A ces mots, Joseph écarquilla ses yeux de stupeur. Jacques quant à lui, lui esquissa brusquement un sourire sardonique.
− Sale fils de pu...
Skkreuuuuu...
Quelque chose venait brusquement d’interrompre l’invective du commissaire courroucé. D’une force surhumaine Christopher transperça contre toute attente, de manière conjointe, le siège ainsi que la poitrine de son supérieur ! L’air surpris, ce dernier baissa lentement sa tête en suffoquant péniblement ; et vit son cœur arraché dégoulinant de sang, dans la main gauche griffée de son collègue. Ce dernier la retira aussitôt, tenant l’organe du policier dans sa paume. Par une inclinaison de la tête, Joseph rendit aussitôt son dernier souffle. Les deux policiers maléfiques se regardèrent ensuite l’un à l’autre en souriant de manière sardonique, laissant entrevoir respectivement leurs longues canines...de vampire !
****
4 jours plus tard. Il était 23h57. Monsieur Landel se trouva dans l’ascenseur de sa société qui descendit au niveau du rez-de-chaussée ; où se trouvait à l’accueil une ravissante hôtesse noire avec des dreadlocks qui vaquait à ses occupations administratives nocturnes. Elle portait une robe marron mi longue à manches courtes et des talons hauts noirs découverts.
Arrivées à destination, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et le fondateur de l’application « K-MEET » en sortit. Il se dirigea ensuite vers cette fameuse toile intitulée « le trompe-l’œil » qui fut à proximité ; et qui avait interpellé le désormais défunt commissaire Mr Joseph Nguyen.
− Tout se passe bien Kanisha ? Demanda Monsieur Landel en se retournant brièvement vers son employée.
− Oui Monsieur, pas d’soucis rétorqua la belle trentenaire en souriant.
− Bien, fit le cinquantenaire avant de se retourner de nouveau vers la toile. À environ 2 centimètres de celle-ci se trouvait un bouton incrusté et assorti à la couleur gris anthracite du mur. Il se fondait tellement bien dans le décor qu’il fut presque invisible à l’œil nu ; au point qu’il avait même échappé à l’attention du défunt policier, il y a quelques jours de cela. Le fondateur de l’appli appuya dessus et un déclic retentit aussitôt. Contre toute attente, l’œuvre picturale se décala du côté gauche (comme une porte coulissante de métro) et révéla un escalier descendant plongé dans l’obscurité ; qui fut en tout point semblable, à celui qui fut peint sur la toile. De même que cela fut également indiqué sur l’œuvre picturale, il y avait en bas des marches, une porte entrouverte d’où se dégageait de l’intérieur, un faisceau de lumière. Force est de constater que son appellation « le trompe-l’œil » n’était pas seulement en réalité qu’un mot lambda trouvé au hasard, mais s’avéra également en être un. Des lors que Monsieur Landel accéda au passage secret, la toile se referma aussitôt d’elle-même derrière lui, par un déclic ; en revenant à sa position initiale. Il descendit ensuite les marches et se dirigea vers cette fameuse porte mystérieuse. Il l’ouvrit davantage et pénétra à l’intérieur. La pièce mesurait environ 30 mètres carré. Les murs peints en gris furent sporadiquement décorés de plusieurs tableaux ; mettant en exergue des portraits de reptiliens, de vampires, de zombies et de loups garous. Certains se prenaient même en selfie, le sourire sardonique aux lèvres, en présence de cadavres atrocement mutilés derrière eux. Au milieu de tout ce décorum mortuaire, maléfique et glauque, il y avait une chaire de prédicateur en bois avec une croix inversée sur le devant. En face se trouvait une caméra suspendue par un trépied. Un homme blanc quarantenaire rasé court et imberbe s’y tenait à côté. A en juger par la forme elliptique de ses pupilles, c’était un reptilien sous forme humaine.
− La caméra est-elle prête John ? Demanda Mr Landel en entrant dans la pièce.
− Oui tous les frères connectés du darkweb vont vous regarder patron, rétorqua l’homme en souriant, révélant ainsi ses dents pointues carnassières.
− Très bien.
Le riche fondateur cinquantenaire de « K-MEET » s’approcha de la chaire et se posta juste derrière. Il s’apprêta à enregistrer une vidéo qui allait être retransmise en direct, sur la partie invisible de l’iceberg numérique du net.
− On va encore attendre un peu, le temps que nos frères se connectent, fit Mr Landel au cameraman reptilien, John.
Ce dernier acquiesça de la tête.
Un petit écran fixé sur le côté gauche de la chaire, indiquait au créateur de l’application panafricaine, le nombre d’internautes qui se connectaient au fur et à mesure. Il y en avait déjà une centaine de milliers. Un site web nommé « lesgriffesdelanuit.com » avait donné au préalable à ces derniers, un accès direct au live. Des quatre coins du globe plusieurs étaient présents pour assister à cette réunion des ténèbres. Des bas-fonds du darkweb, tout le bestiaire horrifique contemporain (toutes ethnies confondues) était connecté. Que ce soit Alicia qui avait perdu la raison dans les dédales d’une forêt ; ainsi que son frère David qui fut un fin gourmet de bonnes chairs ; ou Julien l’oiseau de nuit qui avait indéniablement les dents longues ; ou même Brandon qui manqua cruellement de charité dans un hôpital en pleine nuit ; ainsi que les deux agents policiers sanguinaires, Jacques et Christopher, entre autres. Comme à l’accoutumée, tous étaient prêts à écouter religieusement le discours de Monsieur Landel.
Ce dernier regarda le petit écran fixé sur la chaire, vit le nombre de Connectés qui avoisina presque le million et dodelina légèrement de la tête, en guise d’approbation.
− C’est bon John, tu peux commencer à enregistrer. Je suis prêt. Donne-moi juste le compte à rebours.
Ce dernier acquiesça de la tête et s’exécuta.
− Pas d’soucis patron...Attention...Trois, deux, un... top !
Un fois l’enregistrement lancé, Monsieur Landel afficha aussitôt machinalement son plus beau sourire et commença enfin son discours.
« Bonsoir à tous,
Cher frères et sœurs des ténèbres.
Merci de vous être encore une fois connectés sur le darkweb via notre site, pour notre énième réunion mensuelle en ligne, entre frères et sœurs des enfers. Celle-ci je pense ne sera pas trop longue. Juste histoire de vous tenir au courant des dernières nouvelles et de l’évolution voire des changements de notre première application « K-MEET » ; que j’ai créé pour traquer insidieusement la chair fraîche humaine à la peau noire (à ces mots, plusieurs monstres mélanodermes connectés, esquissèrent un sourire sardonique). Comme vous le savez bien chers frères et sœurs des ténèbres, la fiction n’est juste qu’une autre réalité. C’est une dimension parallèle. Elle n’existe que par la puissance de la pensée ; car oui la pensée est une énergie créatrice. Dieu a créé les hommes, et les hommes...nous ont créé (Monsieur Landel ouvre ses bras) ! Vous savez très bien, chers frères et sœurs des ténèbres, que nous ne sommes pas des créatures imaginaires ; bien que ce soit l’imaginaire qui nous a créé. Et ce n’est pas certaines vidéos YouTube qui vont nous contredirent, vous le savez très bien. Tout ce qui y est posté n’est pas toujours que du fake (à ces mots, le riche cinquantenaire grisonnant esquissa un léger sourire malicieux). Et que dire d’Hollywood ? Aaah, Hollywood....Après plus d’un siècle d’exploitation outrancière de notre image, de notre paradigme séculaire, ces derniers ne nous ont jamais versé aucunes royalties (tout le bestiaire maléfique connecté, se mit à rire). C’est tout de même un comble. Quelle injustice ! Ils se sont évertués à faire une fiction de nos réalités, en exploitant sans vergogne ce filon, sans pourtant nous verser le moindre centime (l’audience connectée se mit à rire de nouveau, y compris le cameraman reptilien). Pourtant, je sais que beaucoup de nos frères reptiliens y travaillent malgré tout. Enfin...C’est à n’y rien comprendre (Mr Landel lève ses deux bras). De la série « V » en passant par « entretien avec un vampire » jusqu’au « loup-garou de Londres », Hollywood n’a eu de cesse de faire passer aux humains des vessies pour des lanternes ; en qualifiant nos histoires de légendes, de mythes ou de contes. Bref...Quoi qu’il en soit, nous savons tous vous et moi, que l’imagination est une réalité qui sommeille. Une réalité tapie dans une dimension de l’esprit, qui se matérialise par la croyance (suite à ses mots, plusieurs créatures acquiescèrent de la tête). Ce que la plupart des hommes ne savent pas (ou ne veulent peut-être pas savoir) c’est que l’imagination est un vivier créatif. C’est un monde caché à la lisière de la réalité. Les écrivains, les dramaturges, les peintres, les dessinateurs, les conteurs d’histoires etc, tous ces aiguillons de la création sont nos pères ; et nous créatures des ténèbres, sommes venus à l’existence par la puissance de leurs pensées. Moi-même qui suis un de vos frères vampires (suite à cette révélation, il se mit brièvement à montrer par un sourire, ses longues canines), je ne dois mon existence que par l’imagination fertile et débordante d’un sombre écrivain. Et bien évidemment je ne parle pas de Bram Stoker, qui fut le créateur de feu Dracula (une bonne partie de l’audience connectée se mit encore à rire). Ceci dit, un charlatan à la peau d’ébène nommé Jésus-Christ (à l’invocation de ce Nom, plusieurs passèrent brusquement d’une émotion à une autre, et se mirent brièvement à froncer les sourcils ou à afficher un visage hargneux) ...n’a-t-Il pas dit un jour dans Luc chapitre 17 verset 6 « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait… » (Luc 17.6). Bien qu’Il fût un menteur invétéré pour tout le reste, nous devons reconnaître qu’en cela Il disait vrai. Nos pères créateurs avaient tous, bien plus qu’une foi de grain de sénevé. Ils avaient tellement foi en leurs personnages ; que par la force des choses et des lois mystiques séculaires de la pensée...Eh bien...nous sommes venus à l’existence, nous sommes apparus comme venant d’une brèche spatio-temporelle. Excepté pour nos frères et amis reptiliens présents en ligne, qui sont les descendants d’une union originelle entre une humaine (en l’occurrence Ève) et le serpent ancien bipède, décrit dans le livre de Genèse, dans la Bible (A l’évocation du Livre saint, plusieurs vampires, loups garous et même reptiliens ; affichèrent instinctivement de nouveau un visage hargneux). Car oui, Caïn dans la Bible fut bel et bien le premier reptilien de l’histoire de l’humanité ; et ne fut pas par conséquent « un produit de l’imaginaire humain », comme nous autres vampires, loups garous, sirènes, fées, dragons et consort peuvent l’être. S’il y a bien une chose vraie que la Bible affirme, c’est bien cela ; avec la foi d'un grain de sénevé, c'est bien cela. Sinon, comme vous le savez tous, tout le reste n'est qu'un tissu de mensonge (A ces mots, tout le bestiaire connecté acquiesça de la tête, le visage de nouveau souriant, voire soulagé). Les reptiliens appartiennent donc à la première réalité, à la première dimension, celle qui a échappé à toute ingérence humaine créative. Mais bon...Ceci n’était juste qu’une parenthèse.
Par le biais de « K-MEET », la fiction s’est inexorablement rapprochée de la réalité et les proies se sont inexorablement rapprochées de leurs prédateurs (certains connectés esquissèrent un sourire sardonique). Et à mesure que le temps passe, de plus en plus s’inscrivent à notre application, pour notre plus grand bonheur et de manière conjointe leur plus grand malheur. Depuis des siècles nous devions chasser, traquer les humains afin de nous nourrir, parfois au péril de nos vies. Mais la technologie nous a permis de changer la donne et de nous faciliter la tâche. Et je rends hommage au frère Beenor pour nous avoir soufflé l’idée d’une application. Je dois avouer que je n’aurais pas espéré mieux pour avoir de la nourriture humaine, de manière quasi régulière. Frère Beenor, si tu es connecté merci à toi pour cette idée, ainsi que pour les autres applis de rencontre beaucoup plus cosmopolites que tu as créée (à ces mots l’intéressé, connecté, un vampire mélanoderme quarantenaire aux dreadlocks, acquiesça humblement de la tête). Puisses-tu aller en enfer par la grâce du diable, quand ton heure sera venue. Eh oui...il faut parfois ratisser large et ne pas se concentrer que sur la communauté noire, pour notre subsistance (Monsieur Landel esquissa un sourire sardonique). Mais surtout encore une fois, faites preuve de patience et comme si de rien n’était ; en restant naturel et malveill...euh...bienveillant (les connectés se mirent à rire de ce lapsus volontaire), jusqu’à la notification d’un prochain « crush » sur l’appli « K-MEET », ainsi que sur les autres. Tout nous est servi sur un plateau, donc soyez patients. Il est vrai que nous aurions pu appeler l’application « K-MEAT, avec M-E-A-T (« viande » en anglais) », mais cela aurait été je pense moins évident pour parvenir à nos fins (Plusieurs connectés en ligne, se mirent à rire du jeu de mots de Monsieur Landel). Eh oui chers frères et sœurs des ténèbres... En l’occurrence, ne dévorez pas votre proie, tant que vous n’ayez pas encore reçu au préalable un autre « crush » (plusieurs en ligne acquiescèrent de la tête) ; tout comme Tarzan qui ne lâchait pas une liane sans en avoir une autre au préalable. Et pour certains d’entre vous qui ont de la famille zombie enchaînée dans des caves, laissez leur bien évidemment quelques restes de vos victimes (ces propos, firent acquiescer Julien le vampire ainsi que d’autres créatures maléfiques connectées).
Après avoir parlé pendant près de 40 minutes, de choses relatives à l’application « K-MEET » (et à d’autres applis), de son expansion et de quelques nouveautés à venir, Monsieur Landel s’apprêta à conclure son monologue :
. Ah oui...Comme nous avons eu la visite dernièrement de la police dans nos locaux, je réfléchis déjà par conséquent ; à quelques changements ou remaniements stratégiques à venir, pour que nous puissions encore profiter sereinement de tout ce gibier humain, sans trop pouvoir éveiller les soupçons. Je vous en reparlerai très prochainement. Jusque-là portez-vous bien et que le diable notre seigneur soit avec nous (à ces mots plusieurs acquiescèrent de la tête) ...pour toujours et à jamais ! Rendez-vous donc le mois prochain, chers frères et sœurs des ténèbres. Et passez une très bonne nuit. A bientôt ! Bye.
Monsieur Landel ponctua son discours en faisant de la main gauche le fameux geste satanique du cornu (prisé par la plupart des rockers et artistes du monde entier) ; repris en même temps par toutes les autres créatures démoniaques qui furent connectées en ligne. Il fit ensuite un léger signe de la tête à John, pour que ce dernier puisse arrêter l’enregistrement.
****
Six mois plus tard en soirée, à la nuit tombée. Un bar lounge parisien organisait un speed dating ; en partenariat avec une nouvelle application de rencontre panafricaine (sortie il y a quelques mois de cela) nommée « Jardin d’ébène » ; et qui avait déjà le vent en poupe.
Cette appli avait la particularité d’organiser mensuellement ce genre de soirée, pour sortir de temps en temps de la virtualité intrinsèque coutumière, de pouvoir sortir des sentiers battus ; et que surtout, leurs membres puissent se voir de visu. Après une présentation au préalable du déroulement de la soirée de la part de l’animateur noir chauve et imberbe nommé Christian ; des hommes munis de fiches de notation en main, commencèrent à s’asseoir auprès des femmes déjà attablées (munies également des mêmes fiches), durant un laps de temps imparti. Les couples prétendants tentèrent de faire converger leurs destinées respectives et d’aligner de surcroit les planètes. Au bout de sept minutes, Les hommes changèrent tour à tour de tables, comme on change tour à tour de chaises ; durant le « jeu des chaises musicales » ; abandonnant ainsi des femmes à l’air enthousiaste ou mitigé, voire aux sourires presque jaunes pour d’autres.
− Bonsoir. Enchanté. Moi c’est Sophie, fit une ravissante femme noire trentenaire à la peau chocolatée et à l’afro soigneusement ébouriffé ; à l’un des prétendants masculins qui venait juste de s’asseoir en face d’elle.
− Bonsoir. Ravi de vous connaître. Moi c’est Richard, rétorqua le bel homme noir de la tranche d’âge qu’elle, à la coupe rasée court et à la barbe bien taillée. Comment allez-vous ?
− Ça va bien. Et vous ?
− Bien merci. C’est la première fois que vous participer à un speed dating ?
− Oui, tout à fait. Comme ces événements sont très réputés, qu’ils attisaient ma curiosité depuis pas mal de temps déjà ; et que surtout je cherche actuellement l’âme sœur ; j’ai voulu faire une pierre deux coups, en voulant y participer.
− Oui je comprends. Faire des rencontres improbables, pour pouvoir provoquer le destin, je trouve ça assez original et excitant. Et puis cette notion de temps imparti pour pouvoir trouver l’amour, est quelque chose d’intellectuellement stimulant.
− Exactement. Le jeu en vaut la chandelle. Bon...Comme le temps nous est compté, que fais-tu dans la vie Richard ? Moi, je suis serveuse dans un restaurant.
− Ah oui ? Faudra qu’on y aille manger un de ces quatre alors, proposa ce dernier en esquissant un sourire.
− T’y vas un peu vite quand même. Laissons-nous déjà le temps de nous connaître. Tu ne crois pas ?
− On n’a que sept minutes pour ça.
− C’est vrai.
− Donc, pour répondre à ta question je suis développeur web et programmeur informatique.
− Un geek, quoi.
− Si tu veux, fit Richard en souriant.
− Et quel type de relation recherches tu ? Moi je ne cherche que du sérieux. Les mythos et les queutards, j’ai assez donné.
A ces mots, l’homme trentenaire baissa furtivement sa tête.
− Pareil pour moi Sophie. Moi aussi je ne cherche que du sérieux. Les mythos et les salopes, j’ai assez donné aussi.
A ces mots, la jeune femme baissa furtivement sa tête à son tour, en mordillant ses lèvres.
− Ah bah, si on est sur la même longueur d’onde, alors c’est tant mieux.
− Cool...Donc, on s’le fait quand ce dîner aux restaurant ? Questionna Richard en souriant malicieusement.
Sophie se mit à rire.
− Eh bien...
Au même moment, Christian, l’animateur de la soirée fit retentir une petite cloche qui mit fin aux entretiens respectifs.
− Ah...Sauvé par le gong apparemment ! Plaisanta la belle trentenaire en griffonnant sa fiche.
De son coté, Richard, l’air désappointé, fit de même avec la sienne puis se leva.
− A bientôt, j’espère, fit ce dernier avant de se diriger vers une autre table ; ou l’attendait une autre perspective d’avenir conjugale.
Sophie quant à elle, reçut un autre prétendant masculin. Ce fut un homme coiffé de dreadlocks et ayant le visage imberbe.
− Bonjour, je m’appelle Eric...
Sept minutes s’écoulèrent sur l’inexorable rivière du temps, comme un couperet que l’on fait tomber. Sophie reçut d’autres prétendants, puis de nouveau rebelote sept minutes après. Et ainsi de suite.
− Bonsoir, moi c’est Kevin...Bonsoir, enchanté. Je m’appelle Robert...Bonsoir, moi c’est Maurice...Bonsoir, je m’appelle Mohamed. Bonsoir, moi c’est Eddie...Bonsoir, je m’appelle Abdoulaye...
Après plus de 2h 20 d’entretiens enchaînés les uns après les autres, Sophie reçut une vingtaine d’hommes noirs à sa table. Tous étaient habillés de manière élégante et présentaient un panel psychologique allant du plus timide au plus confiant. La jeune trentenaire noire à l’afro ébouriffé avait fait presque le tour de tous les prétendants, excepté le dernier qui venait juste de s’attabler en face d’elle. C’était un homme quarantenaire en costume cravate noir, par-dessus une chemise blanche, coiffé d’un afro et portant le bouc.
− Bonsoir, je m’appelle Charles. Ravi de vous connaître.
− Enchantée. Moi c’est Sophie.
− Je vois que je suis le dernier apparemment.
− Ce n’est pas grave. J’aurai le même enthousiasme qu’avec le premier, répondit la jeune femme en souriant.
− Je l’espère bien. Ça me rassure en tout cas. Les derniers seront les premiers, fit Charles en lui retournant son sourire.
Sophie acquiesça de la tête.
Durant ce bref entretien, cette dernière posa ensuite comme à l’accoutumée, à peu de choses près, les mêmes questions qu’à ses prétendants précédents.
− ...Et qu’est-ce qui t’a incité à vouloir pousser la porte de ce bar lounge, pour ce speed dating Charles ?
− Le fait de vouloir jeter ma bouteille à la mer. La solitude est devenue pour moi une femme trop fidèle.
− Oui je comprends. Et cela fait combien de temps que tu es « avec cette femme trop fidèle » ? Questionna Sophie en faisant en faisant des deux mains le signe des guillemets.
− Environ un an, répondit Charles en se pinçant les lèvres. C’est pourquoi j’ai voulu m’inscrire sur cette appli de rencontre panafricaine, nommée « jardin d’ébène » pour espérer trouver l’âme sœur.
− Oui moi aussi. T’en avais essayé d’autres avant, à part celle-là ?
− Non pas vraiment...J’avais songé m’inscrire il y a quelques mois, sur l’appli « K-MEET », mais je me suis ravisé.
− Ah bon, pourquoi ?
− Parce que cette appli a mauvaise réputation. Il y a eu pas mal de polémiques autour d’elle. Comme quoi des gens disparaissaient étrangement, après s’y être inscrits.
− Ah oui...J’en ai entendu parler aussi, affirma Sophie en prenant faussement un air soucieux.
− D’ailleurs, cela fait un moment qu’on entend plus parler de cette appli, bizarrement.
− Peut-être qu’elle a eu besoin d’apporter…un peu de sang neuf ! Supposa la belle trentenaire en esquissant un sourire ; tout en jetant conjointement un regard furtif, à Christian l’animateur qui fut discrètement resté en retrait dans un coin du bar, dos collé au mur.
Ce dernier surprit le regard de connivence de la belle jeune femme, et lui retourna un sourire sardonique ; qui laissa entrevoir ses deux longues canines...de vampire !
FIN
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