Lynuel
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Lynuel
Image de couverture par Marina Grynykha sur Unplash
Image source sur DeviantArt
Les regards le suivaient sur son passage. Il y était habitué. Enfant, il avait essayé de se fondre dans la masse, d'être un anonyme, un parmi la foule. Mais la vie lui avait vite fait comprendre que cette option ne lui était pas offerte, pas à lui, pas avec son physique, sa peau qui trahissait sa naissance.
Alors il avait choisi de revendiquer sa différence. Il avait teint une partie de ses cheveux, qu'il portait en une longue tresse mêlant bleu azur et blanc. Il affectionnait les vêtements légers, laissant apparent les taches blanches qui parsemaient sa peau foncée. Ses oreilles pointues étaient dégagées, bien visibles, et il n'hésitait plus à fixer ses interlocuteurs de ses yeux vairons aux pupilles rappelant celle d'un félin qui les déstabilisaient tant. Il affirmait son identité avec panache, fierté et roguerie, s'amusant d'irriter ainsi ceux et celles qui avaient fait de son enfance un enfer.
Oui, il était Lynuel, fils d'une elfe et d'un céleste. Un bâtard. On avait voulu l'étouffer, on avait voulu le cacher. Il était une honte pour la famille maternelle. Son père ? Il ne le connaissait pas. Ce lâche avait disparu avant sa naissance. Il ne savait peut être même pas qu'il avait un fils. Mais dans la cité de Parness, tout le monde avait entendu parler de Lynuel, le bicolore. Il en avait essuyé des moqueries et des brimades. Il avait du faire ses preuves, plus que tout autre. Il avait réussi, et il riait maintenant sous cape, de les voir si déconfits que lui, bâtard sans père, soit le meilleur de son âge, qu'il ait défait en combat singulier leur champion, son propre cousin, héritier de la famille. Il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas se permettre d'être moyen. S'il voulait la tranquillité, à défaut d'être respecté, il devait être loin, devant les autres. Alors il avait travaillé, révisé. Il s'était entrainé sans relâche. Secrètement d'abord, puis, un vieil oncle, lui aussi mouton noir de la famille, l'avait aidé. Et il avait excellé. Il connaissait tout de la tactique, du maniement de l'épée et de l'arc. Il parlait plusieurs langues et savait les chemins sinueux de la diplomatie. Il connaissait même sur le bout des doigts les règles de l'étiquette de la Cour, même s'il s'amusait à les enfreindre chaque fois qu'il le pouvait.
Il était désormais l'élément le plus prometteur de la jeunesse de Parness, et les autres ne pouvaient que baisser les yeux devant sa réussite. Ils ne l'aimaient pas, mais ça, il y était habitué. Il savait qu'il serait à jamais un paria ici. C'est pourquoi il n'avait pas prévu de rester. Il voulait retrouver son père, si celui-ci existait encore. Avec un sens de l'ironie et de l'autodérision bien aiguisé, il s'était fait tatouer une paire d'ailes dans le dos. Personne ne savait qu'il était capable d'en faire apparaître des vraies. Il avait gardé cette capacité pour lui. Il l'avait caché à tous, y compris sa mère.
Il était prêt. Demain, il pourrait leur cracher son mépris au visage et partir, quitter cette société sclérosée qui ne voulait pas des êtres sortant du lot, différents, des êtres comme lui. Demain, il partirait. Il y avait plus dans le vaste monde que la société elfe, sa hiérarchie et ses règles immuables. Demain, il serait libre. Enfin.