J'ouvre les yeux et reprends ma respiration. Je suis trempée, des pieds à la tête.

Un peu plus loin, j'aperçois les autres qui se relèvent à leur tour, trempés eux aussi.

Ma vue est un peu floue.

J'ai froid.

Que s'est-il donc passé ?

J'ai perdu mes lunettes !

Je me relève lentement, sortant mes jambes du torrent qui nous a rejetés ici.

Une petite crique, entourée de falaises abruptes.

Seul un érable trône au milieu d'un îlot de terre.

Je resserre mes bras autour de ma poitrine, pendant que mes dents grelottent.

L'eau coule de ma veste en tweed et de mon T-shirt blanc.

Blanc ! Et trempé ! Transparent !

Enzo me jette un regard étrange !

Je ne peux pas !

Je file aussitôt derrière l'érable, pressée de dissimuler mon corps derrière l'obstacle ligneux.

Jade ricane. Evidemment. Mais elle-même paraît secouée !

— C'était quoi cette m***e ?! tempête Damon.

— On dirait que les montres se sont transformées en montre, échappe Enzo livide.

— On se croirait dans un jeu vidéo, acquiesce Jade manifestement épuisée.

Dans ma tête, les images de la randonnée défilent : les messages étranges et menaçants, les dysfonctionnements, l'enregistrement automatique lorsqu'Enzo est venu me consoler...

Des émotions, beaucoup d'émotions !

La montre se serait nourrie de nos émotions pour accoucher d'un monstre ?

Non, c'est impossible !

Il doit exister une explication rationnelle !

— Comment on va sortir de là ? demande Damon.

— Apparemment, nous n'avons le choix qu'entre l'escalade et la flotte, frissonne Jade.

— Mince !

Comme les autres, je me retourne vers la direction pointée par Enzo.

La créature nous a retrouvés.

Elle nous observe du haut d'une falaise, de l'autre côté du torrent.

Si jamais le monstre nous rejoint, nous sommes fichus ! Nous ne pourrons jamais lui échapper !

— Normalement, dans un jeu, c'est maintenant qu'apparaît une arme pour vaincre le monstre ! grommelle Jade.

— J'ai bien peur qu'on soit dans la réalité, regrette Enzo.

— Il va falloir se battre ! se prépare Damon.

Il est terrifié. Même lui sait que nous ne nous en sortirons pas.

Tam.

Qu'est-ce ?

Tam.

On dirait un tambour ou un djembé.

Tam. Tam.

Apparemment les autres aussi l'entendent !

Tam.

— Finalement, on dirait que nous sommes dans un jeu vidéo, grimace Jade.

Tam.

Creusez au pied de l'érable. Vite.

La voix résonne dans ma tête. C'est du délire !

De l'autre côté, le monstre est en train de chercher une prise pour descendre la falaise.

Soudain, je réalise que Jade s'est jetée au pied de l'arbre et commence à creuser. Rapidement, Enzo et Damon la rejoignent.

Que font-ils ? Ça n'a aucun sens !

Je recule, dissimulant comme je le peux ma poitrine avec mes bras.

C'est ridicule, mais de toute façon, je serais de trop. Déjà à trois, ils vont se gêner.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Enzo.

— On dirait un coffret, répond Jade en creusant de plus belle.

Elle a raison : un coffret en bois vermoulu et en os. Que fait-il ici ?

— Tu crois que ça va nous aider ? s'interroge Damon.

— Tu vois autre chose à faire ?

Elle descend ! La créature a amorcé la descente. Serait-il possible qu'elle ait peur de ce qu'on puisse découvrir dans le coffret ?

Jade l'a enfin sorti du trou. Elle l'ouvre, dévoilant quatre étranges masques en terre cuite.

Elle est belle l'arme secrète.

Enzo soupire ! Damon enrage.

Nous sommes fichus.

Prenez chacun un masque et mettez le sur votre visage, exige la voix.

C'est absurde ! Je suis en train de devenir folle.

— Il est là ! frémit Enzo.

Le monstre est parvenu en bas et nous regarde d'un air mauvais, tandis que des symboles étranges défilent à grande vitesse sur les cadrans lumineux de son crâne.

— Il est temps de tenter le tout pour le tout.

Je me retourne vers Jade. Elle vient de poser le masque sur son visage.