Chapitre 3 - Un retour mouvementé au foyer Les Oubliés
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Chapitre 3 - Un retour mouvementé au foyer Les Oubliés
Sandro monte dans le véhicule. C’est Brice, un éducateur lambda, qui conduit. Ils doivent passer chercher Alban à la gare SNCF de La Baule. Le jeune garçon monte dans le véhicule. Il est tendu. Alban demande à Sandro s’il “sort de chez les keufs”.
Sandro se rengorge, gonfle les pectoraux, élargit ses épaules et acquiesce, très fier de lui. Il paraît inconscient de tout ce qui se passe autour de lui. Erreur d'évaluation, ce n'était pas la réponse attendue par Alban.
Tous les enfants ne valident pas...
Alban serre les dents, fixe le regard et le calme d’entrée “Tu vas vite te calmer avec tes délires Sandro, crois-moi”. Et quand Alban dit quelque chose, on écoute au foyer.
Il a la bagarre dure, il tape fort et n’a peur de rien. Il plie des hommes adultes d'un simple upercut bien sec collé dans le plexus, il rentre dedans, un véritable cauchemar ce gosse.
Il est pourtant tout fin, mais très nerveux. Sandro se tait, car il n’a pas envie de recevoir un mauvais coup.
Une arrivée mouvementée qui met tout le monde dans l'ambiance
Les jeunes arrivent au foyer des Oubliés. Dans la salle de vie, l’ambiance est électrique. Les gamins sont tendus par l'audition, ça se matérialise comme ça.
Brian et Mehdi se battent pour un pull volé. Ils hurlent, l’un accusant l’autre, l’autre jurant ses saints et tous ses morts qu’il n’a rien volé. En bref, c’est la pagaille. Les choses semblent se calmer provisoirement lorsque l’éducatrice sert le repas. Elle s’absente pour chercher le reste des plats.
Les commentaires sur les auditions de police vont bon train dès qu'elle tourne à nouveau le dos... en dépit du fait que les gendarmes aient interdit d’en parler. Le mot “PD” fuse, on l'entend à chaque fin de phrase : le dîner dégénère en baston et bataille de nourriture.
Des enfants rompus aux violences et aux bagarres
Ces enfants sont souvent battus dans leurs familles, d'autres fois, ils sont exposés à la violence de leurs quartiers.
La cohabitation se fait vraiment sur un modèle du "plus fort gagne". Les plus faibles, ceux qui ne savent pas se battre, qui sont gentils et effacés, comme Maxence, souffrent beaucoup de la situation.
Comme les prédateurs qu'ils côtoient, ces jeunes ont appris à trouver la faille, la faiblesse de celui qu'ils côtoient.
La seule manière de s'imposer avec eux et de ne pas prendre trop cher, c'est d'instaurer un respect et une bienveillance sans jamais faillir... Mais de savoir leur rentrer dedans proprement quand il faut. Être honnête et sincère, même si je suis blessante ou que c'est désagréable à recevoir, n'est pas un problème.
Ces gamins savent, malheureusement, que ce n'est pas la sincérité qui est destructrice, mais le vice de l'Homme.
Donc ils me pardonnent mes clashs, mon agitation psychomotrice et mon humour parfois douteux.
Je leur pardonne leur hygiène douteuse et leurs hurlements de dégénérés.
On fait comme on peut. C'est ainsi que j'ai gagné leur confiance et que je suis entrée dans leurs vies...
Une bonne mère déguisée en Cas sociale : note exclusive de l'auteure
J'explique... Oui, je parle bien de moi.
Je suis face à mon fils, 11 ans. 11 ans, c'est l'âge du collège, on peut normalement sortir avec ses copains deux heures pendant l'après-midi.
Des gamins qu'on ne peut pas laisser sans surveillance
Pas mes loustics. Ils accumulent les bêtises, les délits, les infractions. Et quand ils ne font rien (rarement), les voisins les accablent de toute la délinquance du quartier. Donc 95% de chances d'avoir affaire à la police. Bah non, j'ai pas envie. Moins on les voit, mieux on se porte, clairement...
Donc j'invite Alban et son petit frère qui ne le lâche jamais, chez moi. Sous ma surveillance.
Gestion d'une négociation
Ce sont des ados, garçons. Ils ont besoin de se défouler, sortir, bouger. On n'a pas d'argent, et puis même si on en avait, ils sont insortables.
J'ai deux solutions : me faire accepter dans leurs sorties pour limiter les dégâts (si je suis trop chiante, ils ne voudront plus que je les accompagne et ils seront livrés à eux-mêmes... Le petit frère à 8 ans, on est dans un quartier pas toujours cool). L'autre solution étant de lâcher l'affaire et les laisser détruire leur vie à tous les 3, dont mon fils. Pas possible.
Ils sont dans la provoc, rompus aux techniques de déstabilisation. Tant mieux, moi aussi, et même pire... je suis bien meilleure qu'eux à ce jeu-là.
La technique fatale face à 3 ados au pouvoir de nuisance illimité
Ainsi, ils pensaient me mettre une honte intersidérale en chantant une des pires chansons de Kaaris, Bling Bling, en pleine rue bobo-bourgeoise... Devant les vieux qui me regardaient, scandalisés. Ils avaient même branché l'enceinte portable, pour que tout le quartier profite du spectacle.
Qu'est-ce que j'ai fait ?? J'ai terminé le couplet de Fianso mieux qu'eux, je les ai pliés.
"J'garde tous mes réflexes, même quand l'métal dort... Redis-moi c'qu'on fête ? Une tournée complète ? Un tapin d'compét ? Une pute médaille d'or ?"
Fianso (Bling Bling, Ft Kaaris)
En même temps, le mec rappe avec un débit de fusil mitrailleur, les gamins savent tout juste articuler Jul. Forcément, ça m'avantage sur l'exercice.
Bref. Je connaissais la chanson mieux qu'eux.
Je souligne, en même temps, la couleur de peau de Kaaris et le fait que les 3 loustics ici présents, visiblement, apprécient ses musiques...
Alors que les deux frères prétendaient, sous l'influence de leur mère, être racistes.
J'ai fait coup double : humiliation rapistique propre, doublée d'un message de tolérance anti-racisme.... J'ai gagné ma journée.
Fin de ce problème précis, on a continué la promenade et tout s'est bien passé.
Ma réputation était déjà flinguée de toutes manières, y avait plus grand-chose à perdre :)
Technique pour limiter durablement les risques de récidive
Ils ont réessayé quelques mois plus tard. On était en public, à un arrêt de tram. Ils hurlaient, vociféraient des insultes, se cognaient. Tout le monde nous regardait. L'un d'entre eux a hurlé le truc de trop "la b*** de Marc".
J'ai attendu le silence, et j'ai clamé d'une voix très forte et très intelligible à mon fils : "oh oh, écoute... j'suis en roue arrière... dans l'c** d'ta mère". Et j'ai fait le geste d'accélération d'un scooter avec mes mains en faisant "vroom vroom".
Les ados m'ont dévisagée, horrifiés. Ils n'osaient même plus regarder autour d'eux. Ils ont compris, ce jour-là, ce qu'était la honte. La 'hchouma, la vraie.
Mon fils, bouche ouverte, scandalisé, lâche un : "Maman...".
"Quoi ??? Depuis une heure, on vous entend hurler des horreurs. Les miennes au moins, elles riment. Allez ramasser vos dents, j'veux plus vous entendre."
Plus jamais je n'ai entendu un hurlement en promenade. Un calme olympien, ma foi, tellement appréciable. Une fois qu'ils ont compris, ils sont adorables !