Au début personne n’y prêtait vraiment attention. C’était comme un bruit de fond. Les gros comptes s’agitaient dans tous les sens, multipliant les topics pour se plaindre, mais personne ne s’y intéressait vraiment. Cela faisait sans doute partie de leur stratégie pour attirer l’attention. Alors, tout le monde les ignorait, comme de coutume, et cela ne resta qu’un bruit de fond.

L’information ne passant pas, le phénomène eut tout le loisir de prendre de l’ampleur et ce qui était des incidents isolés devinrent peu à peu des cas généralisés. Un à un, les influenceurs et influenceuses de moyenne importance prirent également le pas de tenter d’alerter. Eux-mêmes étaient touchés. Mais, là encore, peu de monde se sentit vraiment en danger.

Ce n’est que lorsque des topics dépressifs se mirent à fleurir que les observateurs attentifs comprirent que ce qu’il se passait nous échappait. Les mots devenaient plus grinçants, plus agressifs. Il y avait des menaces. De tout quitter, de tout couper. Ce n’était plus une ou deux personnes qui hurlaient leur désespoir, mais bien des hordes entières.

Et que même si ça continuait comme ça, ça ne continuerait pas bien longtemps

Les smileys jaunes et souriants laissèrent la place à des boules écarlates vociférantes. Les demandes d’engagement devinrent frontales, brutales, même. Si on voulait ne pas avoir la mort d’un entrepreneur sur la conscience, il fallait partager.

Les enjeux étaient posés. Les topics de plaintes devenaient chaque jour un peu plus des lettres d’adieux.

Au-dessus de cette cacophonie apocalyptique, dans leur belle tour numérique, les ingénieurs de LinkedIn étaient sidérés.

Qu’avaient-ils fait ?!

Eux qui voulaient enrayer la surproduction de contenus ineptes avaient déclenché une catastrophe dont ils craignaient désormais l’issue.

Pourquoi fallait-ils qu’ils touchent à l’algorithme ?