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CHAPITRE 1

CHAPITRE 1

Veröffentlicht am 23, März, 2022 Aktualisiert am 23, März, 2022 Bildung
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CHAPITRE 1

Tout le monde meurt un jour. 
Lentement, rapidement, en douceur ou avec violence, peu importe. Tout le monde meurt.
Pour moi, ça a été plutôt rapide, violent et … surprenant !
Imaginez : On est le douze juin, il fait chaud et je sors du petit bar sympa où je fêtais l'enterrement de vie de jeune fille d’une de mes meilleures amies. 
La soirée a commencé à 19h par une tournée générale de rhum gingembre/citron. Je vous laisse le soin d’imaginer notre état huit heures plus tard !
Il est deux heures du matin, je suis à pied, et mon appartement n’est qu’à trente voire trente-cinq minutes. Ce n’est pas le bout du monde et je ne traverse que deux grandes avenues parisiennes, j’ai nommé la rue de Rivoli et le boulevard Montmartre.
Facile ! Surtout qu’on est samedi et qu’il fait bon. Il y a du monde dans les rues à cette heure, car les boîtes de nuit font le plein, il y a donc peu de chance de me faire agresser, même si je titube un peu.
J’aime Paris la nuit, ses monuments éclairés, son ambiance feutrée, tellement différente de celle en journée. Peu de voitures, pas de touristes qui s'agglutinent, de parisiens ronchons et pressés, et surtout : pas de vélos !
Bon d’accord, les odeurs de pisses et les rats format éléphant peuvent refroidir la beauté de la scène mais je préfère m’attacher aux bons côtés.
 
C’est donc dans ce moment paisible et agréable que j’ai trouvé le moyen de me faire percuter par un poid lourd ! 
Je suis pourtant persuadée de bien avoir regardé des deux côtés de la route avant d’avoir pris le passage piéton, mais il semblerait que l’alcool que j’ai bu, ait réussi à occulter un camion de quatres tonnes !
Je n’ai aucun souvenir de la collision. Juste des phares, d’un bruit strident, qui devait être le klaxon, et après plus rien ! 
Je pensais que la mort par choc traumatique violent serait plus douloureuse, ou que je ressentirais au moins une petite piqûre, mais même pas ! Pas de grande lumière blanche ou les images de ma vie. Rien ! Donc il semblerait que notre cerveau fasse bien les choses en coupant notre système nerveux. J’en suis presque déçu ! 
 
C’est quand mon cerveau comprend que je peux quand même ouvrir les yeux et bouger mon corps, que je me dis qu’un truc cloche.
Je suis morte, ça c’est certain. Pourtant je peux sentir mon corps et continuer à penser !
Je ne suis pas croyante. La vie après la mort est, pour moi, une absurdité.
Je vous laisse donc imaginer ma surprise lorsque j'ouvre les yeux !
Je suis morte (oui, je sais, je me répète, mais il faut que ça rentre !), donc plus rien n'est censé fonctionner. Je devrais être éradiquer, corps et conscience !
Pourtant, me voilà dans une gigantesque salle grise, dans des vêtements gris qui, j’en suis sûr, ne vont absolument pas avec mon teint de rousse.
 
Je suis dans une file d’attente. En me penchant un peu je réussi juste à m’apercevoir que je ne voit ni le début ni la fin de la file.
Les autres sont aussi habillés en gris. Un costume pour les hommes et une jupe mi-longue avec chemisier pour les femmes.
Misère, même dans la mort les clichés ont la vie dure.
La file avance, et c’est à ce moment là que je remarque le plus frappant : il n’y a aucun bruit. Pas de paroles ou de murmures, de froissement de vêtements, ou encore, le plus terrifiant, pas de bruit de respiration.
Moi qui essayait, jusque-là, de rationaliser, je commence à paniquer !
Je sors du rang pour essayer d’apercevoir quelque chose, comme un bâtiment. Rien, nulle part ! Que du gris, à perte de vue. 
Je vais pour appeler à l’aide, quand quelqu’un me dit “Bonjour.” 
Si j’avais pu mourir une deuxième fois, ce serait fait ! Je me retourne pour regarder qui a parlé, et je tombe sur un homme, grand, près d’un mètre quatre-vingt, avec des cheveux argentés et de magnifiques yeux argents.
Il me met mal à l’aise. Je ne sais pas pourquoi mais son sourire, sa posture, tout sonne faux chez lui. La seule chose de vrai qu’il dégage, c’est de l’agacement.
Toutefois, ma mère m’a bien élevé, donc je lui réponds :
 
-Bonjour. Où sommes-nous ?
-Nous sommes dans l’Entre-Deux, me répondit-il, l’espace qui se situe entre le Bien et le Mal.
-Ok… euh pourquoi je suis là ? je lui demande, abasourdi par sa réponse.
-Vous êtes morte, me dit-il brutalement, comme si j’étais complètement stupide de poser une telle question.
Répliquant avec agacement, je lui dis :
-Oui, merci. Ca, j’avais compris. Ce que je veux savoir c'est ce que je fais ici dans cet endroit ! Je ne crois même pas en la vie après la mort !
-La Mort ce fiche de vos croyances, m'assène-t-il froidement. Vous êtes morte, donc votre âme vient ici pour être jugée. Soit vous allez dans la partie Bien, ce que vous appelez vulgairement le Paradis, soit vous allez dans la partie Mal, c’est-à-dire votre Enfer. Troisième option, la plus courante, vous êtes d’une insignifiance totale et vous retournez sur Terre.
 
Les idées se bousculent dans ma tête. Paradis. Enfer. Je n’ai jamais cru à tout ça !
“La religion est l’Opium du Peuple”, est une phrase qui m’a toujours paru juste.
Mon cerveau a beau le savoir, je ne peux pas nier que la vie après la mort est finalement un fait, et non pas une chimère.
 
-Pourquoi je suis réveillée ? Je veux dire, regardez les, fis-je en montrant la file d’humains qui avancent comme des automates. Je devrais être comme eux, non ?
-Oui, me dit-il d'un air passablement ennuyé, … c’est d’ailleurs pour ça que je suis là. Pour vous amener dans un endroit qui vous conviendra mieux. Maintenant, taisez-vous.
 
Je n’ai pas le temps de faire un geste qu’il m’attrape par les bras, déploie deux gigantesques ailes grises, parsemées de plumes blanches et noires, et décolle.
 
Le trajet est court et gris. Toujours du gris. Et sans aucune nuance ! Un gris fumée, sans variation et mat. Une couleur proche du désespoir.
Nous attérimes derrière une autre file, beaucoup plus courte. 
Les gens chuchotent, se tournent les uns vers les autres et, comble du bonheur, ils respirent !
Arrivée sur le sol, tout ce petit monde me regarde. Trois hommes, deux femmes. Avec moi, la parité est parfaite. Comme quoi, même si la mort semble avoir des goûts vestimentaires arriérés, il y a quand même un semblant d’égalité.
 
Les trois hommes se ressemblent beaucoup : machoir carrée, front haut, sourire facile, regard bienveillant. L’archétype du beau mec, gentil et serviable.
Par contre les deux femmes sont à l'opposé l’une de l’autre, aussi bien physiquement que dans leur attitude.
La blonde me jette à peine un coup d'œil avant de se retourner pour aguicher quelqu’un que je ne vois pas.
La brune quant à elle, me sourit timidement, et je lui rends son sourire. Être morte n’empêche pas d’être un minimum sociable.
 
-Bien, lança l’homme volant, ils semblent être les seuls à s’être réveillés. Dépêche-toi de les expédier !
 
Sur cette phrase peu engageante, il s’envole et disparaît.
Les cinq personnes se remettent en file et je me mets derrière eux. Au moment où je vais pour demander à la femme brune, devant moi, ce qu’elle sait, j’entend un bruit étouffé, teinté de douleur, à l’avant de la file.
Je me penche sur le côté et je découvre une scène qui me donne des sueurs froides.
Un autre homme volant, lui aussi gris, est assis à un petit bureau métallique, comme ceux qu’on voit dans les laboratoires. Ce bureau est encombré de dossiers, de fioles mais aussi et surtout, d’aiguilles ! 
Je déteste les aiguilles !! Moins que les poulpes mais … je déteste les aiguilles ! L’idée même qu’une tige de métal creuse transperce ma peau et s’enfonce dans ma chair me donne la nausée …
 
Le premier homme se tient le poignet, comme si on lui avait fait une prise de sang à cet endroit. 
L’homme gris verse le sang dans une des fioles placées sur un feu et quelques secondes plus tard, une fumée blanche s’en échappe.
 
-Félicitation, annonça l’homme gris, vous partez pour Eden. Suivant !
 
Beau Mec n°1 ouvre la bouche pour dire quelque chose quand POUF ! il disparaît.
Le malaise est palpable. 
La blonde s’approche avec réticence du bureau et tend son bras pour se soumettre à cette prise de sang surprise.
Au lieu d’une fumée blanche, c’est une fumée noire qui sort.
 
-Shéol ! Bon courage, dit le piqueur, avec un petit sourire narquois.
 
Là encore, elle disparaît.
Le deuxième et le troisième homme passent l’un après l’autre et ont droit à un “Eden” sonore avant de disparaître à leur tour.
Vient le tour de la brune au sourire timide, mais quand elle s’approche du bureau il se passe quelque chose de bizarre. La lumière se fait plus sombre, le gris fumé devenant anthracite.
L’homme derrière le bureau fronce les sourcils :
 
-Et bien … il ne faut pas se fier aux apparences, n’est ce pas, Mlle Hanon ? Tendez votre bras, que vous soyez jugée.
 
Elle résiste mais le bureaucrate est plus rapide et lui attrape le bras, enfonce l’aiguille au niveau des veines du poignet, pompe le sang et la relâche.
La brune semble furieuse mais pourtant elle ne dit pas un mot, ni même un son. Je vais pour le faire à sa place, dans l’intention de le traiter de cinglé et de barbare, quand je m’aperçois que je ne peux pas parler non plus.
La panique revient en force mais avant d’avoir eu le temps de me paralyser, une fumée rouge sang s’échappe de la fiole.
 
L’homme se met à glousser :
 
-Ça faisait longtemps que nous n’avions pas eu quelqu’un de votre trempe ! J’espère que vous survivrez, dit-il avec un grand sourire et un clin d'œil, ça apportera du sang neuf. 
 
La fumée est de plus en plus grosse et s’enroule autour de la brune. Elle l’enrobe totalement et la fait disparaître.
 
-Ah ! La dernière, enfin ! Mlle Hestia Bellabre,venez ici qu’on en finisse !
 
Le gris reprend sa couleur initiale mais ma panique est toujours là, tapis au creux de mon estomac.
Ne voulant pas subir la même chose que ma prédécesseur, je m’approche du bureau et tends mon poignet.
Malgré sa violence envers la brune, il prend mon poignet avec délicatesse et avance l’aiguille.
Ne voulant pas paniquer encore plus, je regarde autour de moi, mais c’est derrière le bureaucrate que mon regard est attiré.
 
Il, c’est un mâle à n’en pas douter, est grand, près d’un mètre quatre vingt dix, de long cheveux blond comme le soleil tombant en cascades jusqu’au cheville, des yeux d’un bleu printanier, absolument sublimes.
Mais toute cette perfection est gâchée par l’état dans lequel il se trouve. Il est maigre au point que ses os saillent exagérément de son corps nu. Sa peau porte des traces de brûlures, de coupures et de coups. La crasse le recouvre entièrement. Une impression de désespoir et de solitude absolue se dégage de lui, au point de me mettre les larmes aux yeux.
L’instant tragique se brise quand l’homme gris, que j’avais totalement oublié, me dit sèchement :
 
-Voilà, c’est bon ! pas la peine de pleurer ! Voyons voir où vous allez …
 
je relève la tête dans l'espoir de revoir la victime mais il n’est plus là, comme s’il avait juste été une vision destinée à détourner mon attention.
Je baisse la tête à temps pour voir le pseudo laborantin verser mon sang dans la dernière fiole. Des bulles apparaissent à la surface, et une épaisse fumée blanche s’échappe du tube en verre
 
-Mazette … Une telle quantité de fumée … ça n’est pas arrivé depuis des années, dit-il, hautement surpris. Vous êtes une sainte ??
 
Sans attendre de réponse il ajoute :
 
-En tous cas, mes félicitations, et bienvenue à Eden !
 
Au moment où il prononce ces mots, je disparait.
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