un écrin de Klein enroulait la planète...Photo by Another Day Xx on Unsplash
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un écrin de Klein enroulait la planète...Photo by Another Day Xx on Unsplash
L'Automne s'installait, un écrin de Klein enroulait la planète de ses étranges rayons bleus qui recouvraient le sol, et qui vous aveuglaient au passage, tôt le matin. Ces rayons étaient si épais qu'ils laissaient péniblement deviner l'arrière plan, pas une montagne ne s'élevait, rien, le brouillard total. Pourtant, le paysage d'un ordinaire sublime, s'évanouissait sous la menace bleutée de l'espace envahissant. Aveugle devant l'étrange, les êtres se perdaient au fond de leur mémoire. Impuissant, luttant contre ce sentiment de trop exister...
Le réel perdait son air anodin, on se plaisait à rêver. Les yeux grands ouverts devant la transformation du paysage, l'émotion suivait chaque détail. Cette brume cyan devenait notre lumière, chaque pouce de terre, chaque brin d'herbe, changeait de ton. Des reflets sur le bois se teintaient d’azur, parfois se projetaient dans les airs ; tout semblait s'envoler pour peindre l'environnement du même plaisir qu’un peintre saisissant les couleurs.
Certains racontaient qu'il existait autrefois, ailleurs, une terre couverte d'un océan de cette couleur, bleu parsemé de vert. L'Océan de cette planète était puissamment beau. Il projetait son éclat jusqu'au centre de l'univers...
Au-dessus de cette vallée divine, se trouvait l’habitat d’Albert ainsi que de sa sœur Julie, le logis où ils nichaient surplombait une vaste colline ; de cet endroit se projetait une ombre, tel un ogre elle semblait dévorer les malheurs. D'ailleurs, Albert ne portait pas ses verres protecteurs, d'où l'obligation de rebrousser ce chemin qu'il avait l'outrecuidance de confondre avec un vulgaire balai brosse. Au pied de son logis, la porte gréviste se plaignait de ces incessants va et vient ; elle suggérait incidemment une augmentation. S'ensuivit un lourd silence, sans appel, ponctué par un bref échange d'insultes...
Albert, qui souhaitait toujours rentrer chez lui, se vit dans l'obligation de graisser la patte de cette stupide gréviste cupide.
Un peu d'huile et enfin, il entrait chez lui, retrouvant la joie de l'intérieur de sa demeure. Il respira un instant le calme voluptueux qui y régnait. Puis, pressé tel un goyave où une papaye peu fraîche, Albert fit trois fois le tour des pièces de sa maison. Furieux, lassé, désabusé, malheureux d'être une fois de plus heurté dans sa mémoire, luttant devant l’évidence délibérée des multiples escapades de ses verres protecteurs, il s'effondra sur une simple chaise de cuisine ; sur la table gisait un demi-citron...
Sans aucune hésitation, il le goba !
Son soulagement fut réel, quand il sentit revivre en lui un zeste d'énergie. De nouveau en alerte, retrouvant sa jeunesse, Albert reprit ses recherches. Il n’imaginait pas que ses petites pestes de lunettes resteraient introuvables si longtemps. Elles étaient paisibles à l'étage, se moquant délibérément de lui. L'abstraction de leur rire avait le don de réveiller sa colère.
Que d'énervement !
Un instant, son regard s'arrêta sur l'humain. Albert lui connaissait cet air énervé, cette bête, n'arrêtait plus de lui lancer des messages, à gauche, au centre, à droite. Toutes les forces de Dudule entraient en action pour tenter de capter l'attention de son maître. Albert, d’ordinaire, ignorait ces facéties, au départ, mais perplexe devant tant de détermination et séduit par l’attitude sans reproche de grand-père, il se trouva bête et resta songeur. Le chien le dévisagea, se demandant au plus profond de lui-même si d'autres races que la sienne pouvaient souffrir d'intelligence ? Belle blague, ah ses idées folles, je vous jure, bien sûr que non, ça se saurait ! Rassuré, il oubliait sans peine cette pensée.
Manifestement, l'Humain tentait un interlock. La communication entre les deux races ne semblait pas évidente, de prime abord. Mais Dudule, ce fidèle compagnon, indiquait clairement la cachette de ces satanées lunettes fugueuses.
Albert, se trouvait une fois de plus confronté à une situation inattendue, il comprenait que ces voyeuses étaient penaudes et honteuses. Que fallait-il faire pour ne pas vexer ces malheureuses ?
Le Chow Chow ou autrement appelé chien tartare est doté d'une intelligence surnaturelle, et donc par ce fait établit, il trouva immédiatement la meilleure solution. D'une patte lourde de conséquence, et rageuse, il ôta les lunettes de la zone mortuaire, où elles se trouvaient perdues. Le chien les mit directement à sa gueule, sans dire mot. Aucun commentaire ne suivit cet acte, ce qui portait à croire qu'il avait fait le bon choix.
***
Julie, la sœur cadette, était très appréciée au village. Et, il restait une seule question, pourquoi ?
Pour ce savoir, basé sur ses longues études, sur ses connaissances acquises par un travail forcené de l'esprit, et qui forçaient le respect, évidemment !
Mais aussi, et surtout, pour cette beauté plastique innée. Par ces deux faits conjugués, un public nombreux assistait à ses longues conférences. Des conférences qui demeuraient, lointaines, absconses, ce qui parfois poussait le public dans des travers de somnolence. Le public se divisait en deux clans, par catégorie ésotérique d’âge et de sexe.
Les premiers s'intéressaient à ses propos, étaient-ils fous ou aveugles ? Les autres, vieux ou jeunes, bien en sève et virulent, fallait-il le rappeler ?
La deuxième catégorie bien meilleur public, non pas qu'à ce jour ils fussent tous sourds, portaient simplement beaucoup moins d'attention à ses discours qu’à sa plastique et son corps ferme. Les chiens les plus âgés de cette catégorie se moquaient éperdument de ses propos, près à entendre n'importe quoi pour la voir, et ressortir heureux, l’air ébahi, des tonnes d'idées derrière la tête...