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CARMEN MARIA MACHADO : DANS LA MAISON RÊVÉE 

CARMEN MARIA MACHADO : DANS LA MAISON RÊVÉE 

Veröffentlicht am 15, Jan., 2021 Aktualisiert am 15, Jan., 2021 Kurioses
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CARMEN MARIA MACHADO : DANS LA MAISON RÊVÉE 

Dans la maison rêvée est le deuxième livre de l’autrice américaine Carmen Maria Machado. Ce n’est pas un roman, ce sont des mémoires. Même si l’autrice joue avec de nombreux codes littéraires pour mieux raconter les abus de « la femme de la maison rêvée », les violences psychologiques vécues lorsqu’elles étaient en couple. C’est très intelligent, très juste, ça fait passer par beaucoup d’émotions et ça fait pas mal réfléchir..

CARMEN MARIA MACHADO : DANS LA MAISON RÊVÉE

                           POURQUOI LIRE DANS LA MAISON RÊVÉE ?

  • Le livre : ça parle de violences domestiques, de la relation abusive dans laquelle a été l’autrice avec « la femme de la maison rêvée »
  • Le décor : c’est un livre du domestique, du caché. La maison rêvée existe, elle se situe à Bloomington, dans l’Indiana, aux États-Unis
  • Le genre : ce sont des mémoires, mais des mémoires comme je n’en ai jamais lues, avec une volonté de création littéraire très poussée
  • Le style : ce qui m’avait déjà marqué dans son premier livre et qu’on retrouve ici, c’est cette capacité à manier tous les styles, tous les codes de tous les genres, en fonction des situations, des chapitres. Cette maîtrise est incroyable !

                                                  L’HISTOIRE

Si vous vous attendez à la vie de Carmen Maria Machado – à la relation abusive dans laquelle elle a été – sous forme d’un journal, ou à un essai sur les violences domestiques, vous allez être surpris·e. Parce que l’autrice américaine fait de son expérience traumatisante un livre hautement littéraire. Mais ces mémoires ne sont pas non plus des exercices de style à la Queneau, où la langue n’est qu’un jeu. Le travail de Machado sur son texte sert son propos, il donne une profondeur et une force à son récit. J’ai parfois du mal à lire des récits personnels d’auteur·ices, trop intimes. Mais ici, par le travail d’écriture, de voyeur je deviens lecteur.

                          LES VIOLENCES CONJUGALES COMME SUJET…

Dans la version originale, Carmen Maria Machado parle le plus souvent de domestic abuse, qu’on peut traduire par : violences domestiques ou violences conjugales. Mais le terme abuse en anglais est plus englobant, il désigne à la fois les violences, les sévices, mais aussi les mauvais traitements et les abus psychologiques. Il y a une dimension de pouvoir implicite dans ce terme qu’on ne retrouve pas aussi clairement en français.

 

De fait, dans son livre Dans la maison rêvée, la relation racontée avec « la femme de la maison rêvée » est violente, mais pas dans le sens des coups donnés. C’est la domination abusive de « la femme blonde », la jalousie, les crises, les cris, les disputes, les humiliations, les manipulations, qui sont mises en avant. On pourrait parler de violences psychologiques, si seulement tous les événements n’avaient pas aussi un impact sur le corps de la narratrice, sur son état de santé, autant mental que physique.

« I bring this up because it is important to remember that the Dream House is real. It is as real as the book you are holding in your hands, though significantly less terrifying. If I cared to, I could give you its address, and you could drive there in your own car and sit in front of that Dream House and try to imagine the things that have happened in side. I wouldn’t recommend it. But you could. No one would stop you. »

DANS LA MAISON RÊVÉE, CARMEN MARIA MACHADO

            …D’UNE EXPÉRIENCE LITTÉRAIRE QUI DONNE À RÉFLÉCHIR

L’autrice, dès le départ, met la lectrice ou le lecteur dans une certaine situation. Elle plante le décor, dans lequel très vite on s’englue. Comme elle dans la relation avec « la femme de la maison rêvée ». Ça peut paraître une métaphore facile, mais ça en reste très puissant comme procédé littéraire. Parce qu’elle s’adresse à son moi passé en disant tu, évidemment, on s’identifie. On se rend compte à quel point on tombe facilement dans une situation imprévue, tout se passe rapidement.

La narratrice revient sur beaucoup de questions qui ont dû lui être posées : Pourquoi ne pas être partie ? Comment fait-on pour accepter toujours plus ? Comment la violence escalade-t-elle ? Comme s’en sortir ? Comment des lesbiennes peuvent reproduire ainsi la violence masculine et patriarcale dans un couple queer ? Quels recours ? etc. et les met en forme dans ce mélange intelligent de récit/mémoires/autofiction qu’est son livre. Elle rappelle, grâce aux procédés littéraires (comme le génialissime parallèle filé avec les nomenclatures des contes) que les abus conjugaux font partie de notre vie. Ils sont dans les livres qu’on lit, dans les films qu’on voit. Mais ici, ils sont racontés de façon beaucoup moins romanesques. Parce qu’elle est capable de jouer avec les genres, on passe d’un chapitre écrit avec les codes de l’horreur à d’autres écrits comme un livre Choose Your Own Adventure. Je n’étais plus spectateur, ni même lecteur, j’étais devenu acteur du livre.

« If you apologize profusely, go to page 190.

If you tell her to wake up next time your elbows touch her in your sleep, go to page 191.

If you tell her to calm down, go to page 193. »

DANS LA MAISON RÊVÉE, CARMEN MARIA MACHADO

                                           CE QUE J’EN AI PENSÉE

Dès les premières pages, j’ai été soufflée par la puissance de l’écriture de Carmen Maria Machado. J’ai accepté sa partie pris littéraire et j’ai lu le livre très rapidement. Je ne pouvais plus le lâcher. Je l’ai trouvée à la fois si intelligente et si touchante. Il peut se lire à la fois comme le récit très émouvant d’une survivante de violences domestiques, mais également comme un manuel d’écriture pour jeunes auteur·ices. Les références littéraires sont légions et je sais qu’il faudrait que je le relise pour comprendre tout l’enjeu de certaines comparaisons.

                               OÙ TROUVER DANS LA MAISON RÊVÉE ?

J’ai lu Dans la maison rêvée (In the Dream House) en anglais, mais il sortira en français chez Christian Bourgois en septembre 2021. J’espère que vous le trouverez parmi les nouveautés de la rentrée dans votre librairie préférée.

                                                  QUE LIRE APRÈS ?

Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille son excellent premier livre, Son corps et autres célébrations, un recueil de nouvelles.

Carmen Maria Machado donne à la fin de son livre des pistes de lectures sur les violences conjugales au sein des couples queers. J’ajouterai à la liste le récent Fille, Femme, Autre de Bernardine Evaristo dans lequel est également racontée l’emprise abusive au sein d’un couple lesbien.

Si vous cherchez d’autres livres dans lesquels des auteur·ices parlent de leur histoire, de leur passé, de leurs blessures, mais avec un véritable travail sur la langue et le pouvoir des mots, je vous recommande :

Dans la maison rêvée, Carmen Maria Machado est un livre qui se passe aux États-Unis.

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