Lorelaï…, unique survivante d’un peuple disparu depuis des années, d’une colonie écrasée par la force militaire du roi Flavirius, un homme détestable et sauvage. Fille du chef et tête de la rébellion, elle fut épargnée uniquement pour la punir. Elle fut d’abord installée dans les geôles du palais, mais ses cris et ses pleurs étaient insupportables. Ils résonnaient dans les couloirs. Je m’en souviens parfaitement. À l’époque, je n’étais qu’un simple valet, le temps pour moi de finir mes études de médecine. Ses hurlements me déchiraient le cœur, je pouvais percevoir sa détresse lorsque les soldats lui racontaient comment ils avaient massacré sa famille, violé les femmes de son village et torturé les enfants. Cela ne dura que quelques jours, mais jamais je ne pourrai l’oublier. Las d’entendre ses lamentations, le roi ordonna aux médecins et aux scientifiques de la plonger dans un sommeil artificiel et de lui faire revivre les derniers instants de ses semblables. Après des mois de travail acharné, ils lui proposèrent une solution innovante : un tube de stase. Le principe était simple : la victime baignait dans un liquide nutritif qui la maintenait dans un coma profond. À l’aide de plusieurs capteurs placés sur son corps, il était possible de la monitorer et de la maintenir en vie alors que deux électrodes plantées dans son cerveau permettaient de lui transmettre des images et de contrôler en quelques sortes ses rêves. Le roi en était ravi et réclama à ce qu’on installe dans la salle du trône. Il voulait qu’elle serve d’exemple à tous ceux qui oseraient à nouveau défier son autorité.

Avec le temps, on aurait pu croire qu’il se fatiguerait de sa présence, mais non. Il passait de longues heures à la contempler, à scruter son visage tordu par la douleur. Et si par malheur, d’aucuns demandaient s’il allait la libérer un jour, il se mettait dans une rage sombre. Jusqu’au jour où sa colère eut raison de lui. Un infarctus qui le foudroya à l’aube de ses 50 ans. Son héritier, le prince Huiron, était tout aussi vil et pervers que son père et refusa que l’on sorte la pauvre Lorelaï de sa prison. Mais voilà, depuis quelques heures, les moniteurs s’affolent : son rythme cardiaque s’accélère et son activité cérébrale n’est pas normale. Différentes zones de son cerveau sont allumées, comme si elle était en pleine activité, comme si elle était réveillée.

L. S. Martins 

Le liquide nutritif commence à se réchauffer : il se trouble et quelques particules se rassemblent en légers précipités, témoins d’un dégagement de chaleur à l’intérieur du tube. Soudain, une lumière se diffuse depuis le fond du sarcophage de verre et prend des teintes franchement fluorées. Un bruit de respiration profonde, semblable au souffle puissant d’un animal sauvage prêt à charger, s’échappe de la cellule transparente, amplifié par les bips affolés et les courbes aux sinusoïdales chevauchées des appareils de mesure. Intrigué, alors qu’il se distrayait d’une conversation grivoise avec ses fidèles compagnons de bataille pendant un repas bien arrosé, le prince Huiron s’approche à pas précipités, prêt à lancer son poing contre la paroi –signe de colère et demande implacable de soumission. Une déflagration suivie d’une pluie de verre arrête son geste. La jeune femme auréolée d’une force magnétique l’attrape au collet et l’envoie s’assommer contre un mur, le corps disloqué. D’un regard plein de haine, elle fige les huit chevaliers. Dans une nappe elle se drape une toge. Elle est libre !

Ysa Lapiert

Texte de L. S. Martins (premiere partie) et Ysa Lapiert (seconde partie). 
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