CHAPITRE 49
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CHAPITRE 49
Quelques révélations de plus – Un ministre sceptique – D’inquiétants soupçons.
À mon réveil, j’appelais Bontemps qui à son habitude ne dormait d’un trop lourd sommeil. Le pauvre homme n’avait l’occasion de se reposer vraiment depuis qu’il veillait sur le mien si agité.
J’avais parfois pitié de lui, mais l’obliger à prendre des congés tenait d’un défi irréalisable. Même lorsqu’il était secoué de tremblement, saisi de fièvre, il se refusait à garder le lit. Il me fallait insister sur le fait qu’un homme malade pouvait être contagieux ou avoir l’appui des médecins pour parvenir à le contraindre au repos quelques jours. Ceci dit, il n’avait pas tort lorsqu’il disait que moi je ne m’arrêtais jamais de travailler, malade ou pas, mais un roi peut travailler en son lit, ce n’est pas le cas d’un valet aimais-je à lui répondre.
— Bontemps, je veux que vous retrouviez les précédents traités passés avec les fées. Vous seul savez où ils se trouvent. Mon père m’a révélé en rêve en avoir passé un, je voudrais pouvoir le lire en priorité.
Bontemps n’émit aucune réserve, son regard me fuyait, signe qu’il éprouvait quelques culpabilités bien compréhensibles après ses aveux de la veille.
— Bien, Sire.
Je l’observais pensivement.
— Mon père m’a également révélé qu’il avait cherché à me protéger des fées, pourtant, je les ai vues enfant. Cela doit vouloir dire qu’elles ont bafoué le traité, si tel est le cas, nous aurions matière à les confronter.
À la grimace que fit mon Valet, j’en déduisis qu’il y avait encore des secrets dont je n’avais connaissance.
— Majesté, je crains que vous n’ayez brisé en premier le traité. Je n’étais encore à votre service, mais vous et votre frère jouiez dans les jardins des châteaux où vous séjourniez, et avec la Fronde, vous étiez peu surveillé. Plus d’une fois, m’a-t-on dit, on vous a retrouvé bien au-delà du parc. Votre mère a d’ailleurs eu très peur. LaPorte a failli être renvoyé après cela. Je crois que la petite Henriette était avec vous.
Autrement dit, nous n’avions aucun moyen de pression de ce côté-là. J’étais furieux contre moi-même de n’avoir pris aucune précaution, et plus encore contre mon père et LaPorte d’avoir gardé tout cela caché.
— Pourquoi mon père ne m’en a jamais parlé ? J’aurais été prudent s’il me l’avait dit, soupirais-je.
La réponse était, hélas, des plus évidentes.
— Il n’en a pas eu le temps, Sire.
Je hochais doucement la tête, mon père n’avait prévu de mourir si jeune ni d’avoir un fils à un âge aussi avancé. Peut-être pensait-il que le cardinal me dirait tout, mais si Mazarin avait su ces choses-là, il s’était bien gardé de m’en parler.
— Croyez-vous que le cardinal savait ?
Bontemps secoua la tête.
— Je n’en sais pas plus que vous, Sire. Je n’ai connu que très brièvement le cardinal, et il n’a jamais été désireux de se confier à moi. Si quelqu’un en sait quelque chose, ce doit être Colbert.
Mon ministre aurait-il omis de le mentionner ou le cardinal avait été aussi secret et mystérieux que sa réputation le disait ? Je me souviens de cet homme prudent qui se méfiait de ses fidèles les plus proches. Je ne crois pas qu’il aurait fait ces confessions ni à Colbert ni à Fouquet, il leur confiait son argent et c’était déjà bien suffisant à ses yeux. J’avais confié infiniment plus de choses à Colbert que Mazarin ne l’aurait jamais fait. J’étais certain de mon ministre et refusais de douter de lui.
— Je verrai avec lui.
Bontemps n’ajouta rien, le Lever devait commencer.
Par la suite, j’incluais dans mon emploi du temps une visite qui me paraissait indispensable à la sorcière. Celle de mon rêve avait été pleine de bons conseils avisés, mais également de menaces. Cependant, ses indications sur le fonctionnement du monde des fées et des traités passés m’étaient précieuses. Je me devais de parler à nouveau à la sorcière Bretonne, il me fallait connaître tout ce qu’elle savait sur le Seigneur des marais. Et j’en profiterais pour entendre les villageois et les paysans du coin. Si quelqu’un savait quelque chose sur les fées, ce devait être eux. Naturellement, Bontemps fut chargé d’organiser cela, et Colbert fut mis dans la confidence.
Après le conseil, nous échangeâmes quelques mots à ce sujet. Il fut surpris d’apprendre qu’il avait existé des traités signés de la main de mon père et de mes ancêtres, à ses yeux pareilles choses paraissaient insensées. Il avait encore du mal à y croire malgré la créature que nous avions capturée la veille. La lumière du jour faisait un tel effet, elle effaçait les ombres de la nuit et rendait les mauvais souvenirs semblables à de mauvais rêves, oubliables.
— Je vous en prie Colbert, vous avez vu comme moi cette créature, vous avez entendu ce qu’elle nous a conté, nous ne pouvons ignorer ce Seigneur des marais. J’ai besoin de vous, plus que jamais, pour leur livrer cette guerre nécessaire.
Mon ministre écouta chacune de mes paroles. Son silence me gênait plus encore que son regard fuyant, il n’aimait cette conversation, c’était évident. Colbert pouvait être intransigeant, parfois même catégorique, il nous était arrivé d’avoir des mots, il avait son tempérament comme j’avais le mien.
— Colbert, puis-je compter sur vous ?
Il plongea son regard dans le mien, son air contrarié demeura en ses traits, et je savais que Donnie ne suffirait à le convaincre, il en faudrait plus, mais pour le moment, j’avais besoin qu’il feigne d’y croire. Et il parut le comprendre.
— Pardonnez-moi Sire, bien sûr que je suis entièrement à votre service, comme je l’ai toujours été.
J’étais heureux de l’entendre, j’aurais encore plus apprécié qu’il ne me soit nécessaire de le rappeler. Colbert le sentit, et ne fit aucune remarque. Il se contenta de me présenter les papiers concernant les bois où se trouvait le Sanctuaire, je pus ainsi constater que j’étais bien le propriétaire de ces bois, que mon père en avait hérité de son père. Henri IV les avait achetés. Sans doute était-ce lui le premier qui avait dû traiter avec les fées du coin. Mais il n’était certainement pas le premier roi à négocier de la sorte. Après ma discussion avec Bontemps, j’en étais persuadé.
— Pensez-vous que le cardinal ait su pour ces traités ?
Colbert parut choqué qu’une telle pensée ait pu me traverser. Pourtant, j’étais convaincu que Richelieu avait tout su des traités signés par mon père, car ce dernier n’aurait rien fait de si important sans l’accord de son ministre. Une seule personne aurait pu être mise au courant pour transmettre l’information. Non. Deux personnes. Ma mère, comment avais-je pu l’oublier ? Elle avait régné elle aussi, durant la régence. Mon père toutefois ne lui faisait suffisamment confiance puisqu’il avait insisté pour qu’elle fût soutenue par un conseil où figuraient ses ennemis, les miens également, Condé et Gaston.
— Pensez-vous que ma mère ait su ? ajoutais-je.
— Sire, je ne crois pas qu’ils aient su, et si c’était le cas, ils auraient dû nous en parler.
Je hochais la tête.
— En effet, ils auraient dû.