Dans ma vie, je n’ai pas connu de passage dépressif significatif. Des déprimes saisonnières, parfois. Des coups de mou, souvent. Mais rien qui ne vaille la peine d’être relevé. Cependant, lors d’une année difficile où j’étais étudiant à Lyon en cité U, j’ai ressenti le réconfort de Macha Béranger, sur France Inter, à minuit. Sa voix grave, sa grosse voix de fumeuse impénitente, m’accompagnait doucement dans la nuit, avec l’apaisement des histoires parfois tragiques des auditeurs qui osaient passer à l’antenne. « Bonsoir les Sans sommeil ! », c’était un moment doux pour en finir avec la journée, c’était ce moment un peu léthargique où l’on n’est plus disposé à réfléchir profondément et où tout n’est plus que sensations. La voix de Macha, sa bienveillance, sa compréhension des sujets délicats, sonnaient étrangement bien dans ma petite chambre, au milieu de la nuit. L’impression d’un tête à tête. Une figure maternelle réconfortante.

Durant une année universitaire, j’ai écouté régulièrement Macha. Puis j’ai poursuivi mes études dans d’autres universités, dans des contextes différents et l’émission a été arrêtée. Même si je n’en étais plus l’auditeur assidu, la suppression d’Allô Macha m’a fait de la peine. Je suppose qu’il devait y avoir des raisons à cela, le maintien d’une équipe de nuit pour le standard et la régie, par exemple, ne devait pas être du goût de tout le monde à la direction. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit pour l’émission Sous les étoiles exactement de Serge Levaillant, entre 1h et 5h du matin (arrêtée en 2011). Aujourd’hui, faut-il aller sur Twitch pour avoir des streameuses ou streameurs à l’écoute ? Peut-être.

En tout cas, dans mon lien à Radion France, il y a sans nul doute la voix de Macha. J’ai l’impression que tout le monde l’a oubliée malgré ses 29 ans d’antenne. Que retiendra-t-on de nos nuits si l’on oublie Macha ?

Trois ans après l’arrêt de son émission, en 2006, elle est décédée d’un cancer de la gorge, ce qui n’aura surpris personne. Je me souviens d’avoir découvert à l’annonce de son décès qu’elle avait été pendant plus de dix ans la maîtresse de Louis de Funès. Une drôle de femme, vraiment. Et, même si cela peut sembler ridicule et vain, je la remercie, à distance, pour ce qu’elle a su capter chez nous, les Sans sommeil d’un soir ou les fidèles. L’écoute est peut-être ce qui est le plus précieux ici-bas et j’ai l’impression qu’on ne s’entend plus guère depuis quelques années...