Journal d'épi-demain
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Journal d'épi-demain
Journal d’épi-demain
Y en a qui ont mis en route un journal de confinement, notant dans le détail leurs pérégrinations quotidiennes dans l’espace qu’on leur a alloué ou qu’ils se sont alloués.
Chacun redécouvre sa condition supposée dans une société confinée malgré son semblant d’ouverture sur l’autre.
Il parcourt des yeux le cumul de sa vie en matériel inutile, en confort absurde qui ne le protège de rien. Il parcourt à pied, en comptant les pas, son appartement qu’il a arraché par la force de ses relations même au bas de l’échelle sociale. Il s’amuse à diviser le nombre des années par le nombre de pas, trouve que le rapport était ridicule. Chaque pas lui a coûté tant d’années de labeur et beaucoup de misères morales.
Lui n’arrête pas de triturer les commandes du confort acquis, mais n’arrive pas à en sentir l’apport sur sa santé en sursis. Alors, il se lève et prend un verre d’alcool pour retrouver le confort qu’il s’était imaginé. Rien à voir, comme si le clown se donnait en spectacle devant une salle vide. Même pas un miroir !
Puis, y a ceux qui ont mis en route un journal de non-confinement, notant les détails de l’évolution épidémique dans son rayon, mettant en relief les comparaisons pandémiques, alignant des chiffres que le temps traduira en courbe.
Y en a qui oublient que ces chiffres sont des êtres humains qui s’allongent chaque matin pour ne plus prendre leur petit déjà en famille. Ils servent des statistiques pour la postérité.
D’autres notent, pendant leur pause, l’effort qu’impose cette pandémie. Il note son envie d’être chez lui, à bercer ses chéris. Mais, quand il a choisi ce métier, il savait ce qui l’attendait, entre bonheur et malheur, l’être humain ce déséquilibré, a toujours besoin d’être sauvé pour continuer son bonhomme de chemin. Il note ce regard qu’il vient de réanimer. Une fierté profonde gonfle sa poitrine et le fait retourner dans la salle des urgences. Chaque vie mérite d’être sauvée, il n’est pas juge, il est médecin ou sapeur-pompier.
Y a les confinés politiques, dans les prisons, que personne ne revendique en cette saison ; pendant que beaucoup gèrent le présent, d’autres surveillent le futur, comme au bon vieux temps de la guerre de tranchées.
Puis, le poète s’insurge et confine son verbe de panurge pour libérer son esprit des jérémiades. Il a besoin d’espace en contrepartie de son économie de mots. Hier encore on le maudissait pour ses extravagances ; aujourd’hui on le caresse pour lui arracher un bon présage.
L’artiste se rétracte, ne sait s’il fait journal ou récital. Il opte pour un direct optimal sur la toile ; partagez sans rechigner ce nouveau régal pour les confinés du journal, Covid-19.
Prenez journal, confit ou pas, notez vos impressions, ça servira après, pour en rire ou en pleurer ou simplement témoigner.
Mars 2020
Mhamed HASSANI
Écrivain