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Fin de la 1re partie (juin)

Fin de la 1re partie (juin)

Veröffentlicht am 17, Aug., 2023 Aktualisiert am 17, Aug., 2023 Kultur
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Fin de la 1re partie (juin)

Isidore buta dans un chien minuscule qu’il n’avait pas vu. Il s’excusa mais le propriétaire, au bout de la laisse, discutait avec une femme qui trouvait aussi que le temps était magnifique mais que ça n’allait pas durer, ils ont prévu de la grêle ce week-end. Cela le ramena à la réalité et à son rendez-vous avec Véronique.

Il rangea son portefeuille dans sa veste. C’était fini. Tout était fini depuis ce jour de 1998 où elle avait dû rentrer au Liban précipitamment pour enterrer son père. Le vieil homme qui avait toujours protégé sa fille, qui avait donné sa bénédiction au fait qu’elle vive sa vie à Paris, qu’elle soit heureuse avec lui, qu’elle quitte la communauté, à condition de revenir voir ses parents le plus régulièrement possible, le vieil homme donc mourut un jour de printemps. Et Amal ne put jamais revenir en France. Elle s’était retrouvée comme prise au piège de sa famille. Elle avait écrit deux lettres à Isidore, deux lettres poignantes mais sans équivoques : elle l’aimait toujours mais elle ne rentrerait pas. Dans sa deuxième et dernière lettre, elle avait envoyé la photo découpée qu’Isidore avait conservée dans son portefeuille sachant que de son côté Amal ferait de même. Il lui était impossible de l’oublier et souvent il imaginait qu’Amal viendrait le retrouver. Elle en était capable, elle était capable de tout. C’est dans cet espoir qu’il lui écrivait régulièrement, pour maintenir le lien. Lui raconter sa vie à Paris. Peut-être viendrait-elle un jour, à l’improviste, de passage dans la capitale ? Peut-être devrait-il y aller, lui ? Mais tout amoureux qu’il soit, la perspective de tomber au mauvais moment, de faire tout ce déplacement pour rien, de gâcher même l’image savamment entretenue pendant toutes les années, non, Isidore n’était pas capable de tenter une telle aventure. Il avait espéré qu’elle viendrait chercher ses affaires. Puis il s’était dit que ce serait un bon prétexte de se rendre à Aley pour les lui restituer. Mais en réfléchissant un peu, il trouvait tout cela trop romanesque, trop emprunté, trop faux. Dans la vraie vie, les gens se séparent et passent à autre chose. Ils vont de l’avant. Voilà ce qu’il se disait après chaque lettre postée. Cela aurait pu durer jusqu’à la fin de sa vie. Heureusement, Véronique était parvenue par son rire léger et sa désinvolture à le détourner du Liban, du passé, d’Amal. Véronique avait réussi à le sortir de son état mélancolique et jusqu’à ce matin, jusqu’à cette rencontre avec Hicham Hakim, Amal n’était qu’un fantôme bien rangé dans son portefeuille. D’ailleurs il sourit en pensant à la tête qu’aurait fait ce cher Hakim, si bavard et fier de son peuple, s’il lui avait dit qu’il avait bien connu Amal Tannoukhi, la fille de Djalil, dernier cheikh de la bayt Tannoukhi. Isidore sourit pour lui-même. A ce moment, son téléphone sonna. « Oui Véro, vous êtes où ? Je suis dans le jardin, je vous cherche ! »

Ce n’était pas vrai mais cela permettait d’excuser les dix minutes de retard. Il vit alors des femmes lui faire de grands signes de la main, au bout de l’allée. Avec tout ça, il n’avait même pas acheté de sandwich. L’après-midi serait long. Les quelques pas qui le séparaient du banc de Véronique lui permirent de reprendre le contrôle de ses esprits et lorsqu’il vit les lèvres roses de son amie, il avait effacé Amal une deuxième fois de sa mémoire.

 

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