Extrait : Chapitre "Bleu" Le concert.Rencontre imaginaire avec Nicolas de Staël.
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Extrait : Chapitre "Bleu" Le concert.Rencontre imaginaire avec Nicolas de Staël.
Je pars alors à votre recherche, mars 1955. J'arrive dans votre atelier du Fort désafecté à Antibes. Dans la fraîcheur de l'aube, le jour commence à peine, vous êtes seul, vous portez un pull gris, une blouse blanche ouverte par dessus. Vous garnissez votre poêle à bois de buches que vous allumez à la hâte ; quand la chaleur parvient enfin jusqu'à vous, vous frottez vos mains l'une contre l'autre. Vous vous rendez ensuite dans le coin équipé d'un réchaud à gaz, ouvrez une boite en fer contenant votre thé, en versez deux bonnes cuillères au fond d'une théière, craquez une allumette sous la boulloire pour faire chauffer l'eau.
Je vous vois poser une toile immense sur le châssis. Vous sortez d'un placard vos pots de peinture ; les couleurs s'alignent sur le sol. A l'aide d'une brosse vous les malaxez avec douceur, comme pour les amadouer, leur donner toutes les chances de vous plaire, vous les choyez, les aimez, les regardez avec tendresse, en attendez tant.
Le sifflement de la bouilloire vous surprend, vous ramène vers le réchaud, vous éteignez le feu, puis versez l'eau chaude dans la théière, laissez infuser quelques minutes et revenez avec une grande tasse de thé.
Le crépitement du feu, l'alignement des pots de peinture, la préparation du thé ; tous vos gestes sont précis, tel un rituel que vous accomplissez chaque jour sans doute, pour canaliser vos émotions, vous amener à projeter vos visions sur la toile.
Vous êtes à cet instant, calme et absorbé à l'extrême, je devine votre tension. A l'affût de l'inspiration qui va arriver d'un moment à l'autre. Je vous vois revenir devant votre toile, vous caler sur un haut tabouret, et dans un même mouvement, attraper du bout de votre pinceau une touche de noir, et le faire tourner sur votre palette. Puis, le bras allongé face à la toile, d'un geste large, vous tracez des lignes verticales puis horizontales. Segment après segment des images apparaissent : un piano, des partitions, une contrebasse. Avec une aisance extraordinaire, tout se met en place sur la toile, les éléments s'imbriquent naturellement.
Texte : Marie Léonor Barral