CHAPITRE 6
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CHAPITRE 6
Le baiser d’une nourrice – Le lever du soleil ne chasse pas toujours les ombres de la nuit – Souvenirs tumultueux.
Alors qu’au-dehors le ciel rosissait doucement, des petits pas résonnèrent dans ma chambre. Je reconnus immédiatement ceux de mon ancienne nourrice, Perrette. Elle avait supporté sans se plaindre mes quenottes précoces qui mordaient férocement le sein s’offrant à elles. L’âge avait fait son œuvre, mais Perrette conservait encore sa large poitrine qui me plut tant enfant.
Nul doute que ma voracité donna lieu à des traits d’esprit sur le futur roi que j’allais être, et peut-être bien qu’ils avaient raison. J’ai mis fin à six années de paix pour obtenir de nouveaux territoires. Années que j’avais occupées de ballets, paix que j’avais gagnée par mon mariage avec l’Infante d’Espagne et plus tristement par la mort de Mazarin qui de facto mit fin aux esprits querelleurs ayant survécu à la Fronde.
Pourtant, dans mes souvenirs, la guerre de dévolution est venue bêtement à cause d’un litige sur l’héritage du Roi d’Espagne. Mon mariage avec l’infante aurait dû me donner droit à quelques territoires finement négociés. Mais le refus catégorique de l’Espagne m’obligea à marcher sur les Pyrénées pour obtenir ce qui nous était dû. Encore que, la victoire fut gâchée par le pape et ses velléités de protéger les Habsbourg.
Je reconnais que la campagne contre la Hollande était plus une question d’ego, ce pays n’ayant cessé d’imprimer des textes se moquant de la monarchie, particulièrement contre ma mère et le cardinal, mais également de craintes tout à fait justifiées de me retrouver une nouvelle fois encerclé par les Habsbourg et leurs alliés protestants.
Sur mes vieux jours, je regrette d’avoir été si gourmand, à la guerre contre Guillaume d’Orange, mais aussi à ma table, toujours richement garnie contribuant au rayonnement de la gastronomie française ce qui me vaut à présent quelques ennuis de santé, mais également en amour.
Mère espérait que la délicate Louise me suffise, et pendant un temps, ce fut le cas. J’ai délaissé Henriette pour elle. Pas seulement pour soulager la jalousie de mon frère, qui curieusement me reproche à présent de manquer de respect à sa femme en la délaissant, mais surtout par égard pour mon épouse qui m’avait donné un autre héritier, peut-être également par respect pour l’Église qui ne supportait le double adultère.
J’avais été un enfant vorace et je suis devenu un jeune homme plus vorace encore, à jamais insatiable qui désirait à présent bâtir un empire et pour cela avait besoin d’un palais à la mesure de ses ambitions.
Perrette avait sans nul doute été la première des femmes dont j’ai embrassé goulûment la poitrine, mais le geste n’avait alors rien de sensuel. J’ai toujours conservé une tendre affection pour Perrette, qui perdura jusqu’à sa mort. Mon ancienne nourrice m’était si chère, sentiment réciproque, que lorsqu’elle s’installa avec son époux à Montesson, je lui accordais un titre de noblesse afin de la remercier, et touchée par le geste, elle ne quitta totalement ses fonctions et venait encore, autant qu’elle le pouvait, à la Cour pour me donner mon premier baiser du matin.
J’ouvris les yeux doucement, feignant un réveil dont ni elle ni moi n’étions dupes. Perrette demeura penchée sur mon lit quelques instants.
— Le ciel est rose, Sire, ce sera une belle journée.
D’ordinaire je m’enquérais des nouvelles de chez elle et de sa famille, parfois du peuple dont elle était restée proche, étant après tout de basse extraction avant que je ne lui accorde un titre à elle et à son époux. Mais ce matin, après la nuit agitée que j’avais eue, j’avais toute autre chose en tête, à mon grand regret.
— Je vous remercie Dame Perrette, mais le ciel devra attendre quelques instants. J’aurais une question à vous poser.
Le sourire qu’elle m’accordait était resté le même après toutes ces années, cela la rajeunissait de trente ans, à mes yeux du moins. Je la revoyais avec ses rondeurs d’autrefois, les joues rosies et le regard brillant. Celui-ci brillait encore du même éclat quand il se posait sur moi.
— Vous pouvez me poser toutes les questions que vous désirez, majesté.
Je lui fus reconnaissant, moi aussi je rajeunissais à son contact.
—Vous souvenez-vous, lorsque j’étais enfant, de ma chute dans les bassins ?
À ces mots, je vis ses yeux se troubler et ses sourcils se froncer.
— Je m’en souviens parfaitement, sire.
— Avais-je à l’époque fait mention de quelque chose qui m’eut attiré ?
Un soupir s’échappa des lèvres de ma nourrice.
— Vous étiez très jeune, sire. Un enfant est toujours attiré par quelque chose.
Évidemment, j’avais manqué de précision.
— Aurais-je parlé d’une créature ?
Je sentis un changement dans son expression, de la stupeur peut-être.
— Comment vous en souvenez-vous, majesté ? Vous aviez évoqué une enfant qui riait. Le bassin où vous êtes tombé était doté d’une fontaine avec des chérubins. Vous étiez si jeune, sire, vous avez dû imaginer leur rire. Je me souviens que vous vouliez jouer avec eux.
Des chérubins, l’explication était fort simple. Je doutais d’obtenir plus sans dévoiler le fil de mes pensées. Mon parrain, le Cardinal, m’avait appris quelque chose de précieux : un roi se doit de dissimuler ses réflexions, il doit les conserver secrètes surtout lorsqu’elles ne sont encore assez mûres pour une décision. J’en avais tiré cette phrase qui fut source de nombreuses plaisanteries de mon entourage : ‘je verrais’ qui me permettait de ne rien dévoiler du flot de mes réflexions et de repousser le temps de la décision au moment où celle-ci serait évidente.
— Encore autre chose, dame Perrette.
Celle-ci se redressa, une interrogation perlait dans ses prunelles.
— Oui, Majesté ?
— Vous souvenez-vous de la petite vérole que j’eus enfant ?
— Comment aurais-je pu oublier, sire ?
Je lui souris, prenant sa main dans la mienne, elle était toute ridée et douce.
— N’ai-je parlé alors, au moment où la fièvre fut la plus forte, d’une créature penchée sur mon lit ?
À nouveau, la surprise se lut dans ses prunelles.
— Sire, votre mémoire est excellente. Lorsque la fièvre est retombée et que vous êtes revenu à vous et avez fait mention de quelqu’un vous ayant approché. Sa Majesté, votre mère s’est longtemps interrogée sur qui avait pu venir au milieu de la nuit, car la description que vous aviez faite était surprenante.
Ma main serra doucement la sienne, se faisant plus pressante, comme ma curiosité qui se devait d’être assouvie.
— Quelle était cette description ?
— Vous aviez décrit une femme à la beauté parfaite. Nous avons cru que vous parliez d’une des nymphes peintes sur les tableaux du château de Saint Germain, mais à l’époque, la chambre où vous étiez n’avait que des représentations de chasse. Il n’y avait nulle créature de ce genre. Je me souviens qu’une des dames de Sa Majesté a cru que vous parliez de l’une d’elles. Vous étiez un garçon très charmeur après tout et imaginer l’une des dames de compagnie de votre mère dévêtue n’aurait été étonnant. Cependant, cette nuit-là ce furent les médecins qui vous veillèrent. Sa Majesté était à votre chevet toute la nuit durant, mais je doute que vous eussiez imaginé votre mère ainsi.
Je secouais la tête.
— Ce n’était pas ma mère.
Mon ancienne nourrice me darda de ses grands yeux usés par les années.
— Vous vous souvenez ? Cela remonte à si longtemps et vous étiez si jeune.
— J’en ai rêvé cette nuit.
— Vous avez toujours eu le sommeil si agité, sire.
— Cela fait des années que je n’ai plus rêvé de ces créatures, Perrette.
Mes rêves d’adulte avaient été remplis jusqu’à présent de champ de bataille, de décisions délicates à prendre. Et pendant des années, j’avais puisé dans mes rêves l’inspiration nécessaire à des réflexions importantes. Aujourd’hui cependant, je m’interrogeais sur le sens de ceux-ci. Était-ce un avertissement ?