Août - 9
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Août - 9
Rosa serra Isidore dans ses bras. Hicham revint sur ces entrefaites.
« Bon, en réalité, ce plan ne vous sera pas très utile : il date de 2001 et il est en arabe… Je suis désolé »
Il n’empêche qu’il se serrèrent la main cordialement et se firent des adieux proprement. Isidore avait laissé ses coordonnées à Rosa qui jugea bizarre le fait qu’il n’ait pas de compte Facebook – mais ne dit rien.
Dans la voiture, Isidore voit la grande ombre de l’immeuble s’éloigner progressivement et disparaître derrière d’autres barres de béton et des grues gigantesques.
« Je te dépose quelque part ?
- Eh bien, j’ai réservé à l’hôtel Habtoor Beirut Grandhotel. Si tu vois où il se situe. C’est en front de mer.
- Un bel hôtel, dis donc. »
La voiture s’engouffra dans des ruelles puis rejoint une avenue immense où le flots ininterrompu de véhicules à deux, trois ou quatre roues rendait toute circulation pénible et dangereuse. Naviguant en experte dans cet océan tempétueux, la R5 de Zeina parvint jusqu’au pied d’un immense édifice sans charme sur lequel en lettres dorées on pouvait lire Beirut Grandhotel. Zeina se gara et sortit du véhicule pour ouvrir le coffre. Isidore la suivit et prit ses affaires.
« Merci beaucoup Zeina. Vraiment, tout ce que tu as fait pour moi aujourd’hui, cela n’a pas de prix. Après toutes ces années, ton accueil m’a fait du bien. J’aurais dû venir avant je le sais. Mais c’était dur à digérer cette rupture. Je ne comprenais pas. Et ce silence ! Je crois que c’est surtout ce silence qui m’a tué. Et qui m’avait fait espérer jusqu’au bout, aussi… Enfin, je crois que tout est exorcisé ou en passe de l’être.
- Isidore, attends. Je dois te donner quelque chose. »
Elle prit un des paquets qu’elle avait mis dans le coffre le matin. Il s’agissait d’une grosse boite, plus grosse qu’une boite à chaussures mais dans un style équivalent. En carton avec un couvercle.
« Ce sont toutes tes lettres.
- Quoi ?
- Toutes tes lettres à Amal. Elles sont là. C’est moi qui les ai reçues, qui les ai lues, qui les ai gardées.
- Mais…
- Je suis désolée, Isidore. Seul le silence pouvait préserver Amal et te protéger aussi. Je ne te cache pas qu’année après année, c’était terrible pour moi, je te lisais et je voyais tout cet amour pour ma sœur, un amour qu’elle méritait tellement ! Mais, elle avait décidé que sa place serait au Liban, qu’elle avait loupé le coche et que sa pénitence était aux côtés d’Hicham. Si elle avait lu ne serait-ce qu’une seule de tes lettres, elle aurait souffert terriblement, de lire comme tu l’aimais encore, comme tu tenais à elle, comme tu la désirais… Personne à part toi ne l’as désirée ainsi. Mais, sans savoir que tu lui écrivais, elle s’était faite à l’idée que tu avais refait ta vie, que tu étais heureux et que tu lui pardonnais. Elle vivait avec cet espoir : que tu lui aies pardonné. A sa mort, j’ai reçu une dernière lettre de ta main. C’était terrible de lire comme tu tenais à Amal, cela la rendait si vivante – alors qu’on l’avait enterrée deux mois plus tôt. Je suis désolé, Isidore. Plusieurs fois j’ai voulu t’écrire, plusieurs fois je t’ai écrit pour te raconter la situation. Jamais je n’ai pu aller au bout. Et je redoutais l’arrivée de tes lettres chez ma mère. Elle ne sait pas lire le français, elle le comprend un peu mais elle ne le lit pas. Du coup, je lui faisais croire que j’avais un correspondant anglais et elle me les mettait de côté. J’ai toujours habité à Aley aussi, c’était pratique. Alors, oui, je suis coupable de ne pas t’avoir écrit. Mais quand Amal est morte, alors j’ai espéré tes lettres. Je les attendais pour me tenir chaud. Cependant, tu as arrêté d’écrire cette année-là. Et je n’ai plus eu de raison de te répondre. J’ai conservé toutes ces lettres dans cette boite. Bien souvent j’ai voulu les brûler. Et puis, va comprendre… Elles sont toutes là. »
Isidore contempla l’intérieur de la boite. Les enveloppes décachetées. Son écriture. Tout son amour réduit à une boite en carton pleine de papier.
« Zeina… Tu peux tout brûler. Tout cela est définitivement du passé. »
Il serra Zeina dans ses bras. Il sentit l’odeur de sa peau qui lui rappela celle d’Amal, l’espace d’une seconde, il crut la tenir dans ses bras. Puis il relâcha son étreinte.
« Nous nous sommes pourris la vie comme il faut, je crois, Isidore ». Zeina sanglotait presque. « On s’est bien pourri la vie… oui... »
Le soleil tapait sans pitié sur leurs épaules. Isidore transpirait à grosses gouttes et sa chemise collait à sa peau, laissant des marques humides aux aisselles et sous le sein droit.
« J’ai longtemps cru que mes lettres déplaisaient à Amal. Puis je m’étais dit qu’elles s’étaient égarées. Finalement, elles auront au moins trouvé une lectrice attentionnée. Tout n’est donc pas perdu. »
Zeina ne put se retenir d’embrasser Isidore sur la bouche. De manière impulsive. C’était un baiser qu’elle avait en elle depuis si longtemps qu’il semblait s’imposer naturellement. Isidore en fut surpris. Mais, il ne repoussa pas Zeina. Ils restèrent un peu l’un contre l’autre, leurs poitrines collées, se soulevant à l’unisson. Il fallut que la mère toque à la fenêtre de la voiture pour les sortir de leur torpeur.
« Il faut que j’y aille.
- Oui, je comprends, Zeina…
- Je… j’ai tes coordonnées de toutes façons…
- N’hésite pas à t’en servir ! Et brûle ces vieilleries, pour moi et pour Amal... »
Elle s’engouffra dans la voiture et faisant un dernier signe de la main, elle disparut dans la circulation beyrouthine.
Isidore se précipita dans le hall climatisé de l’hôtel.
Décidément, il avait bien fait de venir au Liban.