Changer de paradigme
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Changer de paradigme
Après la pandémie continuer comme avant pour renflouer l’économie au mépris des peuples c’est se confiner au tombeau se fermant à la vie
Dimanche soir, jour de Pâque, Philippe Brunel (responsable du Prado de France), à ses confrères, adresse ce courriel :
« Oui, le Christ est sorti du tombeau. Toutefois, le confinement va encore nous tenir enfermés prudemment, comme le furent les disciples jusqu’à la Pentecôte... Espérons que ce sera un peu moins pour nous ... En attendant, il n’est pas interdit d’en profiter pour commencer à envisager l’avenir .. Mais comment ? »
Immédiatement je pense aux longues heures de méditation et contemplation que nous offre l’inévitable obligation à rester chez soi. Pour engager l’avenir, il importe essentiellement de bien comprendre le temps présent. Discerner dans les solutions proposées ce qui sera réellement au service de l’humain. Or, l’appel à travailler plus pour sortir l’entreprise de la récession se présente sans hésitation au service de l’idéologie capitaliste productiviste dont bénéficient les actionnaires des grandes entreprises et non les travailleurs dans les lieux de production. Certes, je n’ai pas la compétence voulue pour étayer cette affirmation. Je me confie aux chercheurs pour cela. Et j’imagine ne pas être le seul à penser ainsi. J’ai entendu hier (information de 20 h sur France 2) Laurent Berger. Il est question de la position du président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux qui a estimé qu'il faudrait à l'issue de la crise se poser la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés » pour accompagner la reprise économique. Travailler plus ! C’est également ce que pense la secrétaire d'État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, quand elle dit qu'il faudra « probablement travailler plus que nous ne l'avons fait avant » et « mettre les bouchées doubles pour créer de la richesse collective ». Travailler plus pour gagner plus ? Personnellement, j’ai pensé dans les années 80 (et je pense toujours) à l’évidence de travailler moins, pour que tous travaillent. Voici ce qu’a dit Laurent Berger :
« C'est totalement indécent. Aujourd’hui, les travailleurs comme tout le monde sont en train de payer le coût de cette crise. Ce n'est pas à eux de payer ensuite par des slogans qui sont lancés aujourd'hui, les vieilles lunes qui reviennent".
"Puisque certains, notamment le patronat, veulent parler de la suite, on ferait mieux de parler de comment les entreprises contribueront demain au bien commun, quels seront leurs engagements pour développer une économie plus vertueuse ».
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger juge indécente cette piste de sortie de crise comme moyen pour redresser l’économie. A-t-il raison ? Je le pense. Seulement, pour être crédible devant des frères chrétiens qui continuent à se fier à la bienfaisance du libéralisme, il importe de creuser la question. C’est alors que je pense au courriel de Philippe : Il n’est pas interdit d’envisager l’avenir... Mais comment ? Voir sa réponse. Comment ? :
« D’abord en demandant l’aide de l’Esprit, pour qu’avec tous les hommes de bonne volonté nous sachions bien lire et mettre en mots « les signes des temps » vécus dans l’expérience inédite de cette pandémie mondiale.
Ne soyons pas naïfs au sujet « du jour d’après » : il sera nécessaire d’argumenter et de batailler spirituellement, si nous voulons contribuer à promouvoir effectivement la politique mondiale de « l’écologie intégrale », qui fait désormais partie de la doctrine sociale de l’Église : cf. n°15 de Laudato Si’ ! La place de l’humain, des pauvres, de la fragilité, de la gratuité, du corps et de la nature au cœur du monde …
En effet, d’autres pourraient tout aussi bien nous expliquer (ou purement et simplement décider, sans nous demander notre avis) que la solution se trouve au contraire plus que jamais dans l’accélération des choix politiques en faveur du « transhumanisme » et de « l’homme augmenté » grâce aux BNIC * ; ne serait-ce pas l’humain dans sa fragilité, qui constitue décidément « le maillon faible » à éliminer, pour la bonne marche de l’économie et du capitalisme ? Ne prenons pas ça trop à la légère... Le programme décidé à la conférence « Global Future 2045 », qui s’est tenue au Lincoln Center de New York en juin 2013, n’est pas une plaisanterie et des milliards de dollars sont déjà engagés pour le mettre en œuvre, qui se moquent bien de notre poésie humaniste ou chrétienne.
(*) BNIC : Nanotechnologies, Biotechnologies, Infotechnologies, technologies du Cerveau.
Ce matin, suite à l’office des Laudes, j’ai « participé » à l’eucharistie avec François en sa chapelle vaticanesque Sainte-Marthe (drôle de nom pour un lieu de prière ; je verrai plutôt une cuisine Sainte-Marthe). Est-ce que je deviens papolâtre ? Si oui, j’en serai tout étonné. Mais comment ne pas partager sa sagesse, son calme, absence de triomphalisme dans sa lecture de l’évangile du jour. Il se peut que je me sente bien avec sa parole, tout simplement parce que je pense comme lui ; ou alors, il pense comme moi.
Quoiqu’il en soit, afin de savoir comment envisager l’avenir, l’évêque de Rome nous invite à une belle écoute de l’Évangile :
« C’est mieux de ne pas vivre avec un tombeau vide. Ce tombeau vide créera beaucoup de problèmes. Il y a la décision de cacher les faits. Et comme toujours : quand on ne sert pas Dieu, le Seigneur, nous servons l’autre dieu, l’argent ».
« Rappelons ce que Jésus a dit, il y a deux seigneurs, le Seigneur Dieu et le maître argent. On ne peut les servir tous les deux. Pour sortir de cette évidence, de cette réalité, les prêtres et les docteurs de la loi ont choisi l’autre route, celle qu’offrait leur dieu : l’argent, et ils ont payé le silence des témoins »…
« Aujourd’hui encore, devant la fin qu’on espère prochaine de cette pandémie, nous avons deux options : est-ce que notre pari sera la vie, la résurrection des peuples ou ce sera le dieu argent : retourner au tombeau de la faim, de l’esclavage, des guerres, de la fabrication d’armes, des enfants sans éducation... Là est le tombeau.