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Part 0 - Voir

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Veröffentlicht am 24, Apr., 2024 Aktualisiert am 24, Apr., 2024 Adventure
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Part 0 - Voir

Parfois, nous aimerions que des événements ne se produisent afin uniquement de pouvoir les rêver. Serions-nous capables de parcourir une centaine de kilomètres par amour ? Serions-nous capables de soulever des montagnes par amour ? Serions-nous capables d’attendre bien des années par amour ? Serions-nous capables de tuer par amour ?

 

C’est en cette matinée d’une journée d’automne, on pouvait apercevoir la marche maladroite, gracieuse mais séduisante des passants filant à travers les pavés humides et glissants dans l’harmonie d’un ballet où chaque pas serait au préalable calculé, le sol, encore humide, prêt à recevoir le bal fracassant de la marche, le petrichor se frayant un chemin à travers les murs de cette ville afin d’y établir son domaine, que les rayons du prématuré soleil profitaient des discontinuités des nuages pour venir illuminer ce couple. D’abord éclairant les imposants et naïfs yeux de celle-ci, ils animaient le creux de ses joues d’une finesse arachnéenne et de ses chaudes et brillantes lèvres saignantes pour venir se déverser au fond de sa chevelure dorée, les traits aussi doux apparaissaient-ils contrastaient avec la rigueur de ceux de l’homme à ses côtés, on y voyait un homme marqué au faciès grotesque et approximatif, à la mâchoire d’un glacial saillant. Le vacarme des trains allant et venant de la gare tout près d’eux faisait écho à la puissance de la scène, si leur amour pouvait s’exprimer, il en serait bien plus bruyant. Mais celui-ci aime à se dissimuler, à n’exister que lorsqu’il le souhaite, à ne se manifester que lorsqu’il se fait oublier. Un regard qui voulait tout dire, l’amour qui traversait ce couple n’avait besoin de rayons pour se faire voir, ils s’agrippaient l’un à l’autre aussi fort que possible, jamais quelqu’un ou quelque chose ne pourrait les séparer. Emprisonnés dans cette prison de l’amour, l’unique où l’on désire séjourner, ils s’adonnaient à des baisers sensuels, différents de ceux que la mère peut porter à son fils, ici, chacun est à la fois un accueil et un adieu. Pour eux, qui répétaient cette somptueuse danse tous les matins, cette habitude était devenue une nécessité, pouvoir se rassurer que son autre nous aime encore, n’ayant uniquement comme témoin sa présence physique, se convaincre, profiter de chaque seconde de cette étreinte infinie temporaire comme si cela pouvait s’arrêter à tout moment, c’est à la fois ce manque de confiance et ce désir inexplicable, sensuel et animal de se sentir proche, de ne faire qu’un avec sa moitié, qui poussait ce couple à se lever un peu plus tôt chaque matin pour se retrouver ici avant que chacun ne prenne une direction différente pour vaquer à ses affaires.

C’est alors que son cœur se mit à crier.

« Mon idéale, me voilà pris au piège de cet amour, le voulais-je ou non ? Je ne sais plus. Mais je suis là, chaque jour qui passe, à vouloir de plus en plus de temps avec toi, te sentir à mes côtés, cette odeur que je ne saurais décrire, dont je ne pourrais être fatigué, chaque fois différente, chaque fois nouvelle, elle me surprend, m’attire, me fait questionner le sens de la vie sans toi. Oh toi mon amour, que ferais-je sans toi ? Ton sourire, tes magnifiques lèvres d’une forme aussi douce que ta peau, ta chevelure qui se pose contre moi tel le bouclier dont j’ai besoin pour affronter la vie, tes yeux perçants, tu sais voir à travers moi, l’harmonie de ton visage, de ton comportement, tout cela ne fait que résonner en mon plus profond intérieur, je mourrais de te perdre, de ne plus pouvoir te toucher, de ne plus entretenir cette relation aussi petite qu’elle puisse paraître, elle représente pour moi le monde, et toi la bougie qui me guide à travers les méandres de cette obscure vie. Oh ma belle, mon éternelle, j’ai besoin de toi, et s’il faille que je meure pour que tu continues à exister, j’accepterai ma sentence. »

Le craquement de sa voix trahissait les rugissements de son profond intérieur, son sang coulait d’un flot torrentiel au travers de ses veines, il ne voulait qu’une chose, c’était pouvoir laisser libre cours à son instinct, cette flamme à la fois tendre et sanguinaire qui pourrait soulever des montagnes voire combattre la plus féroce des bêtes. Qu’y a-t-il de pire que de perdre quelqu’un qui nous est cher, quelqu’un sans qui notre cœur ne pourrait battre, sans qui le temps ne serait qu’un défilé immuable de pénibles jours sans début ni fin ? Combien d’années avait-il pu souffrir pour enfin se déclarer si heureux, si méritant ? Il tient aujourd’hui celle qui pourra le faire affronter les mauvais jours, celle qui lui rappellera que même dans les plus sombres méandres de son voyage, il y a avec lui, au fond de lui, cette preuve de l’existence du soleil, de la lumière qu’il pourra brandir du plus haut de sa fierté. Combien d’années de malheur lui faudra-t-il pour oublier sa moitié sans qui, il ne pourrait ni voir ni entendre, perdu, seul, dans ce vaste monde ? Qui pour l’aimer ? Ce jeune homme ne demandant que les câlins et les caresses d’une femme, ne demandant qu’à exister dans l’âme de quelqu’un, sans qui tout ne deviendrait que menaces.

Mais le voilà déjà des plus mélancoliques. Ce vase qui ne faisait que se remplir en sa présence commence dès lors à se vider sous l’assaut de ses craintes, de ses questionnements, ne lui laissant aucun répit, harcelé par ces moments que l’on aimerait voir durer des heures, des mois, des années. Celui-ci se videra inexorablement jusqu’au retour de celle-ci. La chaleur de sa cuisse contre la sienne lui manquait déjà, le voilà recouvert du nimbe de la tristesse tissé fil par fil par l’amour afin que celui-ci ne vienne jamais à être oublié. De loin, on le voyait fermer les yeux, il se faisait confiance, ou du moins il faisait confiance aveuglément à ses sentiments pour le protéger, aussi haut qu’il pouvait être, au-delà même de la cime des arbres, roi dans un royaume de glace, là où aucun danger ne pourrait lui arriver, il se sentait comme le maître de tous les éléments qui l’entouraient. Il ne faisait plus qu’un avec ce flot de sentiments qui le traversait, le remplissait de bonheur, de savoir que, là quelque part, quelqu’un l’aimait, tenait à lui, pensait à ce qu’il devait faire en ce moment et se hâter à le retrouver. Il aurait pu rester des heures les yeux fermés, là où il se sentait bien, courant à travers le labyrinthe de ses pensées, affrontant chaque sentiment. Il combattait pour se frayer un chemin à travers l’impénétrable nuage grisâtre qui se tenait fièrement devant lui et trouver le véritable endroit où tous ses sentiments se seraient réunis, les vrais, et non ceux qui lui irritaient l’âme de pensées macabres et désolantes. Il savait qu’au bout du chemin, ils les trouveraient, dansant, et lui, prêt à les rejoindre au sein de cette voluptueuse et fantastique harmonie où il n’aurait aucun mal à y vider l’entièreté de son âme pourvu qu’il puisse y rester indéfiniment avec sa belle.

C’est alors que, prit d’une légèreté soudaine, le voilà petit à petit fondre sous les yeux de celui qui le regardait. Il disparaissait à l’image de la neige pressée par les rayons du soleil, gentiment, doucement, faisant ses adieux au sol, à ce monde qu’il avait drapé de sa finesse laiteuse pendant des heures.

Il avait tout vu.

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