Le poisson lion et le système
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Le poisson lion et le système
Je suis en ce moment en Guadeloupe où manifestement les écosystèmes traversent des turbulences inquiétantes pour les populations locales. Citons entre autres l’intensité et la fréquence des tempêtes tropicales, la pollution des terres cultivables et des eaux par la chlordecone, la disparition d’espèces vivantes et végétales ....
Focalisons nous un instant sur la mer.
Le poisson-lion ou rascasse volante est une espèce invasive, originaire de la région Indo-Pacifique. Depuis 2010, les premiers spécimens colonisent les côtes des Antilles et dévorent les espèces endémiques : crabes , langoustes, petites crevettes, et pléthore de poissons de plus en plus gros. En Martinique et Guadeloupe ils sont surveillés de près car ils constituent une menace pour l'écosystème. D’autant plus que leurs œufs de ponte sont englués dans une matière répulsive protégeant la colonie. De surcroît leurs nageoires sont urtiquantes et blessent les plongeurs et pêcheurs. Dans l’océan Indien et le Pacifique, ce poisson ne pose pas de problèmes, car il est une proie appréciée par ses prédateurs. Aux Antilles, il fait le vide autour de lui. Rien qu’en Guadeloupe, le poisson-lion coûte chaque année dix millions d’euros, vu son impact sur la biomasse. C’est à première vue un désastre écologique et économique. Les poissons lions altèrent la biodiversité maritime locale. Les scientifiques qui les étudient espèrent l’arrivée prochaine de leurs prédateurs. L’hypothèse la plus probable de cet appauvrissement de l’écosystème marin antillais est le dérèglement climatique mondial.
Et pourtant les pêcheurs et les cuisiniers commencent à promouvoir le marketing du poisson lion. Il est délicieux découpé en filets et sa chair est très fine. Il convient juste d’être précautionneux lors de la coupe de ses nageoires urticantes. De nombreux chefs ont lancé la mode de la dégustation de poisson lion et la rumeur affirme qu’il aurait des vertus aphrodisaques.
Le systemicien opère les liens entre les êtres vivants et inertes composant l’écosystème ainsi que ses liens avec d’autres écosystèmes. Il perçoit et anticipe les effets des turbulences , bénéfiques pour les uns et délétères pour les autres. La tendance générale est à la dégradation, néanmoins des espèces vivantes y trouvent leur compte. Ceci étant dit, l’écosystème ne sait pas qu’il est un écosystème. Il vit sa vie sans avoir conscience du bien et du mal. Je sais que je choque quelques lecteurs, j’assume pourtant avec cette histoire de poisson lion, l’une de mes thèses principales : les processus systémiques sont amoraux.
Jean Louis Muller-Garcia travaille et réfléchit au sein du groupe ECOSYSTEMIC’S avec Eva Matesanz, Minh-Lan Nguyen, Stéphanie Flacher, André de Chateauvieux, également présents sur Panodyssey, Loïc Deconche et Christophe Martel.