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FRISSONS
L'Altération

L'Altération

Publié le 31 mai 2022 Mis à jour le 6 mars 2024 Horreur
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FRISSONS

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L'Altération

Il avait vraiment eu les foies !

Quand il avait vu sa main vide en baissant les yeux, il n’y avait pas cru.
Ne sentait-il pas encore à l’instant la chaleur de sa paume, les petits doigts entrecroisés aux siens ?
Pourtant la menotte n’était plus nichée dans la sienne.

Sa soeur avait disparu.

Le fond musical perdu dans le brouhaha, les enseignes qui se chevauchaient sans faire sens, l’agitation des clients autour de lui, tout parut lui crier l’effroi qu’il ressentait.
La taille les habits les couleurs servaient autant de camouflage à l’unique silhouette qu’il aurait désiré repérer.
Qu’aurait-il pu discerner dans cette foule ?
Un samedi de soldes dans un centre commercial ?

Au bord de la course il avait commencé à bousculer les passants qui alors le fixaient comme s’il avait été fou. Il l’était en quelque sorte puisqu’il n’avait qu’une envie : hurler, frapper, plutôt que d’affronter seul sa panique, se sentir sombrer dans l’indifférence générale.

Là-bas ces boucles blondes ? C’était elle non ?
Non, trop grande la zouz.
Ah ! Là ! Avec la veste bleue !
Putain, le brai boloss ! C’était un môme
.

Il atteignit un couloir moins fréquenté.
Il aurait pu poursuivre mais quelque chose le retint, une sensation indéfinissable comme une main qui pressée sur son bras l’aurait stoppé.
Il remonta l’allée, suivit sa bifurcation et à l’angle perçut un vague gémissement.
Il se dirigea vers lui,
les sens en alerte pour se voir tourner bêtement sur lui-même, ce qui étrangement lui permit de distinguer le mur en trompe-l’oeil qui cachait un passage au regard.
Xavier marcha jusqu’à lui ; lui parvinrent alors des hoquets plus forts qui l’orientèrent sur la gauche, vers les ascenseurs.
Enfin - - il la découvrit
Paralysée par son cri, les yeux vides d’être seule au monde.

Il se précipita vers elle, s’agenouilla pour la première fois devant elle et la serra contre lui réalisant que son essoufflement n’était que le signe qu’il respirait à nouveau. Maintenant au creux de ses bras avec ses boucles que les pleurs avaient collées à ses joues, l’enfant retrouvait des couleurs.

Aucun reproche cependant de la part des darons qui avaient argué qu’ils n’auraient pas dû la laisser à sa seule garde,
quinze ans c’était si jeune !
Il était rentré plus mort que vif et avait apprécié qu’ils restent souples.
La petite s’était lovée dans les bras de ses parents après lui avoir fait - à lui - le plus gros bisou qu’elle lui ait jamais donné.
La normalité sembla reprendre ses droits

En apparence.

Car dès lors elle ne se montra plus aussi enjouée
Et dès lors
Xavier ne put oublier sa culpabilité.

Parce qu’il ne parvenait plus à lui refuser quoi que ce soit, lorsqu’elle lui avait demandé aujourd’hui si elle pouvait jouer à côté de lui pendant qu’il faisait ses devoirs, il avait accepté - une indulgence que d’habitude il ne pratiquait pas envers sa cadette.

- Il m’a dit que je n’aurai plus jamais peur.
Xavier arrêta aussitôt d’écrire et observa Maëlle en train de brosser studieusement la chevelure de sa poupée.
- Qui donc ?
- Le démon.
Xavier se sentit vaguement en PLS au point de préférer à « quel démon ? » :
- Quand ?
- Quand tu m’as perdue.

Ses yeux limpides posés sur lui elle les baissa ensuite pour poursuivre sa tâche. Il replongea aussitôt dans sa rédaction, heureux de ne pas approfondir le sujet.

- C’est Lui qui t’a montré où j’étais.
Xavier soupira.
- Je t’ai trouvée grâce à tes pleurs.
- Tu m’as pas entendu tout de suite …
- Quoi ?
- Tu étais loin, pas à côté des ascenseurs. Tu pouvais rien entendre.
- Toi tu peux pas savoir …

Il s’arrêta net sous son regard car brusquement rien d’une enfant n’y laissait trace.
Elle reprit son occupation.
Lorsqu’au bout d’un moment elle pencha la tête vers lui, il retrouva sa bonne bouille tandis qu’il reprenait son étude.

 

Quelques jours plus tard lorsqu’il sortit de l’école il eut une surprise.
- Y’a ta miff  Xav ! Remarqua Hervé
- Balec, souffla-t-il sans conviction

Fred lui se contenta de le défier en agitant outrageusement la main vers la mère et la soeur de Xavier. La première s’avança  tandis que la deuxième demeurait en retrait. Fred par provocation ou vraiment motivé (avec lui on ne savait jamais), s’intéressa à elle et parvint à la faire parler. Autour d’eux rires et cris en trombe les empêchaient de bien s’entendre accentuant la gêne latente de leur cercle qui se sépara ainsi plus vite.

- On est venues car Maëlle voulait des sucreries de Chez Bonbon Vibration du coup comme on n’était plus très loin de ton école …
- Carré !
- Tu traduis ? s’amusa sa mère
- C’est bien.

Maëlle sautillait devant eux et ses boucles en écho reprenaient cette jolie danse. De temps en temps elle tournait un peu la tête vers eux comme pour vérifier qu’ils la suivaient.

Avant …
Elle ne l’aurait pas fait.

Quand ils rentrèrent dans le magasin, Xavier regarda les jeux vidéo perdus dans un coin tandis que sa mère mettait dans un panier les sucreries choisies par sa soeur. La sempiternelle sucette petit coeur y trônait sur un amas de guimauves et de fraises, le rassurant sans qu’il en comprenne la raison.

- Fred a l’air gentil mais il l’est pas !
Surpris par sa proximité, il faillit bousculer Maëlle.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que c’est vrai.

Elle n’avait aucun doute sur ce trait de caractère. Elle avait seulement l’air de l’admirer.
Il allait rejoindre leur mère quand la petite chuchota dans son dos très nettement pour qu’il entende :
- Lui aussi il a un démon.
Se retournant il ne la vit plus pour soudain l’apercevoir avec sa maman près de la caisse ; elle était ravie de son sachet et le soupesait avec impatience.
Xavier dut être appelé deux fois pour sortir de son hébétude. Il réfléchirait à ça plus tard, OKLM.

Il eut du mal à désormais demeurer naturel avec Fred.
Y’avait un loup !
Ou alors un démon !
Ou il était shlag !

Allait-il croire une enfant encore traumatisée au lieu de faire confiance à son khey ?
Il allait taper la discute avec sa rem.

Un soir il s’arrangea pour se retrouver seul avec elle dans le salon.
- Ça va fils ?

Il hocha la tête pour se laisser tomber d’une masse dans le cuir épais du divan.
- Attention au portable ! Qu’elle ôta à temps de dessous ses fesses.
Sourire d’excuse puis il lança :
- Tu la trouves comment Maëlle ces jours ?
- Bien je crois ; pourquoi ?
- Parce que moi je la trouve plutôt … Tu sais, depuis …
Et il agita un doigt pour certifier l’allusion.
- Ah bon ? Moi qui pensais qu’elle avait oublié ! Tu t’es aperçu de certaines choses ?
- Elle vient souvent dans ma chambre comme si elle avait peur de rester seule dans la sienne.
- Elle te dérange ?
- Non non … Elle fait juste des remarques un peu cheloues
- Du genre ?
- Sur mes potos ou sur ce qu’elle ressent.
- Elle t’a confié quelque chose ?
- Non.
- Xavier je ne comprends pas ce que tu essaies de me dire.

Impuissant à exprimer clairement ce dont il accusait sa soeur, il esquiva et laissa son interlocutrice à sa perplexité. Cependant il la connaissait assez bien pour savoir qu’elle reviendrait à la charge.
Charge qu’elle dirigea sur Maëlle au moment du repas.

- Tout se passe bien à l’école ma chérie ?
- Oh oui ! J’ai fait un si beau dessin aujourd’hui que le maître l’a accroché au mur. Et Lola est revenue, elle est plus malade du tout.
- Tant mieux ! Donc pas de chagrin ?
- Non. Tout le monde était gentil.

Ce ne fut qu’une fois les parents en train de débarrasser que l’enfant s’adressa à son frère.

- Tu racontes quoi sur moi ?
Il en sursauta manquant de lâcher l’assiette qu’il emportait vers la cuisine.
- Que dalle !
- Tu mens !

Le verre trembla entre ses mains, l’était en Y ou quoi ?
Ébranlé par sa soeur, sa petite soeur !

- Je serais ta petite soeur tant que tu resteras un grand-frère.

Puis sautillant jusqu’à la cuisine elle scanda une mélopée avec l’heureuse insouciance d’un ange.

La situation empira de semaine en semaine installant en lui une constante nervosité devant l’hostilité de plus en plus fréquente, de plus en plus profonde de sa cadette : d’abord elle guetta la moindre de ses émotions pour la railler, se mit à lui parler comme à un ennemi jusqu’à le provoquer sans témoins pour attendre les parents lorsqu’il se montrait menaçant.
Au point d’inquiéter ces derniers qui le réprimandèrent sur son agressivité envers quelqu’un supposé être sous SA protection.

On lui fit donc consulter un psychologue.

« Cheh » avait-elle méchamment susurré en le singeant.

Imaginait-il vraiment cette expression sardonique qui parfois déformait le visage enfantin lorsqu’elle se croyait isolée ?
En la surveillant régulièrement comme il le faisait, il la voyait bien parler à quelqu’un et ce n’était pas un jeu, certainement pas une tentative de faire de ses jouets des compagnons.
Elle semblait par contre à l’écoute comme si une voix audible d’elle seule la conseillait, la rassurait.
Et c’était lui qu’on allait chasser.
Sa vie était devenue un cauchemar bien avant qu’il ait eu le temps de vivre une bonne vielle crise d’adolescence,
tout ça à cause d’elle !
Il avait toujours su, dès sa naissance en fait, qu’elle serait un problème pour lui mais là elle avait dépassé toutes ses conjectures.

Devait-il envisager une action décisive ?
Parce que face à ses sourires qui exprimaient une absolue victoire, il avait bien envie …
Il fallait agir.

L'angoisse

Un matin Maëlle se réveilla plus sereine que jamais et elle ne savait pas encore pourquoi. Elle nota à la table du petit déjeuner l’absence de son frère et s’en inquiéta.
Elle questionna son père qui l’accompagnait à l’école aujourd’hui.

- Il a été décidé que ton frère irait en pension.

Elle ne put obtenir plus.
Pourtant plus tard elle entendit le mot « institution » qu’elle ne comprit pas bien sûr.
Bah ! Pas grave !
Elle savait à qui demander l’explication.

Au goûter un pain au chocolat l’attendait ; sa poupée contre elle, toutes deux distraites par les bruits et mouvements que le rideau ne parvenaient pas à masquer totalement, la petite fille mangeait tout en retenant la définition tant attendue.

- On passe à qui maintenant ?
Maëlle ne pouvait répondre la bouche pleine.
- À ta mère ou à ton père ?
Elle avala ce qu’elle avait mâché avec tant d’application.
- Je suis encore trop petite pour me passer d’eux !
- Tu pourrais aller chez ton oncle avec tant de cousins et cousines à volonté !
Elle se contenta de regarder la chimère dans la vitre en évitant son propre reflet devenu si vilain par la faute de son frère.
- Oui tu as raison, attendons.


À quelques kilomètres de là dans une vaste propriété longée de grilles en fer pleines de barbelés, un jeune garçon tentait d’apercevoir derrière les barreaux de sa fenêtre l’arrivée du facteur.

- La vengeance viendra avant que ces traîtres t’aient envoyé un seul courrier.

Xavier regarda l’ombre recroquevillée entre le lit et le lavabo.
Il résisterait le plus longtemps possible.
Mais Elle          avait l'éternité pour elle.

Terreurs

 

Photo de couverture et illustrations : Chantal Perrin Verdier

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